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 d’ADHEOS

L’arrestation en Turquie d’un jeune délégué LGBT+ du Conseil de l’Europe, pour un discours tenu en mars à Strasbourg dénonçant la répression politique dans son pays, a suscité une vive inquiétude au sein des institutions européennes et de la société civile. Les appels à sa libération se multiplient.

Enes Hocaoğulları, 23 ans, militant LGBT+ et délégué jeunesse turc auprès du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, a été interpellé lundi à son arrivée à l’aéroport d’Ankara, puis placé en détention provisoire. Il est accusé de « diffusion publique d’informations trompeuses » et d’« incitation à la haine ».

Motif de ces poursuites : un discours prononcé le 30 mars dernier à Strasbourg, dans lequel il critiquait l’arrestation du maire d’Istanbul Ekrem İmamoğlu, ainsi que les violences policières contre de jeunes manifestants. « Ce ne sont pas de simples noms, ce sont des histoires. La mienne en fait partie », avait-il déclaré devant les représentants européens.

« Une représaille intolérable »

Le président du Congrès, Marc Cools, a condamné dans un communiqué « une violation manifeste de la liberté d’expression », rappelant que la Turquie, membre du Conseil de l’Europe depuis 1950, s’est engagée à respecter la Convention européenne des droits de l’homme.
« Il s’agit d’une représaille inacceptable à l’encontre d’un participant légitime aux travaux du Conseil. Nous exigeons sa libération immédiate », a-t-il affirmé.

« Le Congrès a déjà exprimé sa profonde préoccupation concernant l’état de la démocratie en Türkiye et a appelé les autorités turques à cesser de poursuivre et de détenir des élus des partis d’opposition. Cette nouvelle attaque contre un délégué jeune ayant légitimement exprimé son point de vue dans le cadre d’un débat public pluraliste est scandaleuse et inacceptable. J’exhorte les autorités turques à mettre fin aux poursuites à l’encontre d’Enes Hocaoğulları et à le libérer immédiatement » a conclu le Président Cools.

Une double enquête avait été ouverte en Turquie à la suite du discours, d’abord à Istanbul pour des faits de « terrorisme », puis à Ankara pour des « infractions de presse ». Les deux procédures ont été regroupées et ont conduit à l’arrestation du jeune militant dès son retour sur le sol turc.

Un climat de plus en plus hostile

Enes Hocaoğulları est une figure montante du militantisme LGBT+ en Turquie. Il avait été désigné en février comme délégué jeunesse du Conseil de l’Europe. Son discours, tenu deux semaines après l’arrestation d’Imamoğlu, avait également évoqué les brutalités subies lors des manifestations de mars.

Pour les associations LGBT+, sa détention incarne un durcissement des pratiques répressives contre les voix dissidentes. Dans un communiqué commun, plusieurs organisations dénoncent « un usage disproportionné du droit pénal pour faire taire une jeunesse engagée et minorisée ».

Du côté politique, les réactions sont nombreuses. Sevda Karaca, députée d’extrême gauche, évoque une « criminalisation du témoignage » et un « nouvel épisode d’intimidation contre les LGBT+ ». Le CHP (Cumhuriyet Halk Partisi – Parti républicain du peuple), principal parti d’opposition, accuse le pouvoir de « museler les jeunes qui osent parler de démocratie au niveau international ».

Un test pour les engagements européens d’Ankara

Le cas d’Enes Hocaoğulları s’inscrit dans une série d’arrestations de figures critiques du régime, souvent poursuivies pour leurs prises de parole à l’étranger. Sa détention marque cependant une escalade, en touchant un représentant officiel du Conseil, intervenu dans le cadre de sa mission.

« C’est une alerte grave pour tous les jeunes qui s’engagent sur la scène internationale », estime une source diplomatique européenne. « Si même les enceintes du Conseil de l’Europe ne protègent plus ceux qui y prennent la parole, alors c’est toute l’architecture des droits humains qui vacille. »

Le jeune homme reste détenu dans une prison d’Ankara, en attente d’un premier procès. Son avocat a déposé un recours contre sa détention. Les ONG appellent à une mobilisation internationale pour obtenir sa libération, tandis que le Conseil de l’Europe examine d’éventuelles suites diplomatiques à donner à cette affaire.