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 d’ADHEOS

J’avais l’opportunité de faire un interview avec Mounir Baatour du groupe activiste Shams de la Tunisie. Je suis très fier de la communauté LGBT tunisienne pour son courage et pour lutter pour leurs droits. Bien que la situation c’est difficile pour les gays en Tunisie, je suis un peu plus optimiste grâce aux efforts que font les activistes comme Mounir. Merci beaucoup à Mounir pour parler avec moi. Voici l’interview:
 
1) Comment avez-vous créé le groupe Shams et quel est son objectif?
 
Nous avons crée l’Association SHAMS sous forme d’une page Facebook qui appelle à la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie, on a vu qu’il ya beaucoup de réactions au sujet alors on a décidé de déposer une demande d’autorisation pour une association LGBT ce qui a été accepté par le gouvernement le 18 mai 2010. Les Objectifs de SHAMS sont :
 
  • Militer pour la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
  • Lutter contre l’homophobie
  • Faire de la prévention contre le suicide chez les jeunes LGBT
  • Faire de la prévention contre le MST/Sida
  • Agir devant la Cours Constitutionnelle pour l’abolition de l’article 230 du code pénal tunisien qui criminalise l’homosexualité.
 
2) Pouvez-vous décrire la situation des homosexuels dans l’histoire tunisienne?
 
L’homosexualité masculine et féminine est criminalisée en Tunisie depuis 1913 sous le protectorat Français, c’est la France qui a instauré l’article 230 du code pénal en Tunisie.
 
La situation des LGBT en Tunisie est la suivante :
 
  • En matière de législation et des textes juridiques :
 
Dans une atteinte claire à la déclaration universelle des Droits de l’Homme et des articles 21, 23 et 24 de la Constitution tunisienne, l’Etat tunisien n’a pas encore abrogé l’article 230 du code pénal. Cet article interdit la relation homosexuelle entre deux personnes adultes et consentantes du même sexe. La peine appliquée via cet article est de 3 ans de prison fermes. L’Etat tunisien s’est opposé farouchement à la recommandation du conseil des droits de l’homme de l’ONU en 2012 à Genève à ce sujet. En effet, Samir DILOU, l’ex ministre des droits de l’Homme de l’époque, a formulé son opposition contre la recommandation d’abolir l’article 230 du code pénal tunisien.
 
Pour prouver l’homosexualité des accusés, la police et le tribunal se basent sur le test anal. Une pratique qui a été classé de la part de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) comme acte de torture et contradictoire à l’Article 23 de la Constitution tunisienne ainsi que la déclaration universelle des Droits de l’Homme dans son 5ème article. Même la position du Conseil de l’Ordre des Médecins tunisien était claire et publique en condamnant ce genre de pratique contre la déontologie de la médecine.
 
  • Au niveau social et culturel :
 
Avec la tolérance législative de l’Etat envers la discrimination basée sur l’orientation, Shams a enregistré plusieurs violations sociales et l’absence très claire de toute stratégie nationale pour combattre ce phénomène. Ainsi, les minorités sexuelles sont confrontées à la menace de se faire expulser de chez eux et Shams a enregistré de nombreux cas qui ont contacté l’association pour demander de l’aide car leurs parents les ont mis à la porte après avoir découvert leur orientation sexuelle. Avec l’absence de tout encadrement, ces personnes généralement adolescentes, se retrouvent sans soutien financier ou psychologique. Pire encore: A cause l’article 230, ils préfèrent se taire au lieu de se diriger vers l’une des structures de protection de l’enfance de peur se faire violenté ou incarcéré par les agents de l’Etat.
 
Dans ce cadre, Shams a enregistré via les canaux de communication directs, environ 50 cas, dont 15 mineurs qui ont été violentés physiquement puis renvoyés de chez eux à cause de leur sexualité sans qu’ils aient le droit de se diriger vers un service de protection, ou un abri ou encore moins le Tribunal pour demander ce qui leur est de droit. Ceci en résulte une augmentation exponentielle des taux de suicide chez les minorités sexuelles. Sans parler des dépassements gravissimes enregistrés dans les médias tunisiens et les mosquées incitant au lynchage et la haine contre ces personnes de la communauté LGBT.
 
  • A propos des droits et des Libertés fondamentales :
 
Dans un autre volet, Shams a enregistré un grand nombre d’harcèlements des personnes de minorités sexuelles dans la vie professionnelle tel que le mauvais traitement infligé par les employeurs ou la discrimination à la nomination. Cette pratique est très courante au sein de l’institution militaire. Shams a ainsi enregistré deux cas : Une fille homosexuelle a été virée du corps militaire après que son identité sexuelle a été découverte et un jeune homme dont le recrutement a été refusé sans raison valable, surtout qu’il avait toutes les prédispositions physiques pour devenir militaire. Mais ce refus vient après que son homosexualité fût aussi découverte par les militaires. Ce genre de pratique est également enregistré au sein de l’administration et les entreprises. Ce qui constitue une violation des articles 21 et 39 de la constitution tunisienne.
 
L’institution pénitentiaire tunisienne applique également un traitement discriminatoire envers des personnes incarcérées et qui font partie de la minorité sexuelle (violence verbale et physique, torture, etc.) ce qui en complète contradiction avec l’article 30 de la constitution tunisienne.
 
Les autorités tunisiennes, et le ministère de la santé en particulier, continuent à ignorer le droit d’accès au traitement contre le HIV/Sida aux malades. Sans parler de la discrimination et du mauvais traitement (insultes, harcèlement moral, etc.) contre ces malades dans les hôpitaux et ce sans le moindre encadrement psychologiquement. Ce qui représente une violation à l’article 38 de la constitution tunisienne qui déclare l’accès aux services de santé comme un droit fondamental à tous les citoyens.
 
Shams a également enregistré une violation de l’Etat tunisien contre les droits des personnes transsexuelles. La législation tunisienne interdit, en effet, le changement du nom et du sexe de la personne sur les papiers administratifs et les extraits de naissance, même si c’est motivé par un dossier médical, sauf sous ordre du tribunal.
 
3) Est-ce que la société tunisienne est plus progressive quant aux enjeux gays/féministes que les autres pays arabes?
 
La société tunisienne est aussi conservatrice que les autres pays arabes quant aux enjeux LGBT, c’est une société matchiste et masculine qui ne respecte pas les droits des minorités en général, un matchisme teinté d’arrière pensée islamique sachant que l’islam est une religion homophobe.
 
4) Il y a aussi des groupes pro-gays au Liban, un autre pays arabe avec plusieurs francophones. Pensez-vous que les liens avec le monde francophone ont influé les changements sociaux en Tunisie?
 
Je constate que sur les 127000 fans de notre page FB, il y a 108000 fans qui sont francophone ce qui prouve que l’élite francophone en Tunisie est plus sensible à la question LGBT et plus tolérante. Nous saluons l’intervention du premier ministre canadien au 17ème sommet de la francophonie à Madagascar, qui a appelé à respecter les droits de la minorité LGBT. Mais malheureusement nous constations que plus que 30 pays francophone continuent de criminaliser l’homosexualité dont la Tunisie, le Liban, le Maroc et l’Egypte pour ne pas parler que des pays de culture arabo-musulmane.
 
5) Comment collaborez-vous avec les autres organisations tunisiennes, arabes, et internationales?
 
Nous avons crée un front LGBT en Tunisie avec d’autres associations et le réseau Euromed droit nous collaborons avec l’association Helem Montréal qui est une association libanaise basée au Canada et nous avons crée l’association SHAMS France pour les LGBT maghrébins résidents en France. Nous avons des actions communes avec l’association française ADHEOS qui nous aide pour lutter contre le discours intégriste homophobe en Tunisie.