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 d’ADHEOS

À 51 ans, Jade est aujourd’hui épanouie et rayonnante. Mais le chemin vers la transition a été long pour cette Corse qui a mis longtemps avant de comprendre pourquoi elle se sentait si différente.

Née homme il y a une cinquantaine d’années, Jade s’assume aujourd’hui comme une femme accomplie et épanouie. Mais son chemin n’a pas été sans embûche avant d’en arriver là. Elle confie d’ailleurs sans détour avoir toujours senti qu’elle était différente dès l’enfance. « Je n’étais pas vraiment comme les autres garçons. Je voyais qu’il y avait un décalage entre ma garçon-attitude et mes émotions intérieures ».

Adolescent, elle découvrira que son père, violent avec ses enfants, s’est de plus livré à des attouchements sexuels sur sa grande sœur. « Cela a été un élément prépondérant dans ma vie. C’est ce qui va conditionner mon orientation hormonale, je l’ai appris récemment », souffle-t-elle en précisant : « Mon psychologue m’a expliqué qu’il y a plusieurs phases de décharge hormonale de construction entre la petite enfance et l’adolescence. Il m’a expliqué qu’au vu de tout ce que je lui ai dit, même s’il n’y a pas d’études physiologiques qui le prouvent, j’ai fort probablement fait des décharges hormonales féminoïdes par rejet de la masculinité que j’avais dans mon cercle familial ».

Malgré tout, Jade essaye pendant longtemps de se construire dans un moule qui ne lui correspond pas vraiment. « J’ai eu une vie d’homme un peu chaotique : trois mariages, trois divorces et trois condamnations, dont une correctionnelle pour violences volontaires. Pourtant, je suis quelqu’un de très gentil et très empathique. Mais il m’est arrivé à trois reprises dans ma vie de me retrouver aux antipodes de cela pendant une poignée de minutes et de ne pas maîtriser mes accès de violence », dévoile-t-elle.

“Je vais finir par me rencontrer, découvrir qui je suis vraiment”

En 2011, après un dernier accès de violence, elle écope d’une condamnation assortie d’une obligation de soins psychiatriques. « Et là avec le psychiatre, nous allons nous rendre compte qu’il y a quelque chose de beaucoup plus profond. Il va m’orienter vers une sexualité pas assumée, ce que je vais réfuter immédiatement, car depuis très jeune je suis ambivalent, dans une espèce de bisexualité. Comme je suis assez ouvert, je ne pense alors pas que cela s’explique ainsi », reprend-elle. Cheffe d’entreprise, au bord du burn-out, elle décide toutefois de tout arrêter et de prendre du temps pour elle. « Avec un autre psychiatre, je vais finir par me rencontrer, découvrir qui je suis vraiment. Le psychiatre m’a alors dit : « Ne cherche pas, l’animal n’est pas dans le bon coquillage ». J’ai découvert ensuite une autre bonne formule avec la théorie du homard de Françoise Dolto qui dit que quand le homard sort de sa mue, il est à la fois grandi et fort, car il passe une nouvelle étape, mais il est aussi pendant un temps très fragile et vulnérable, car il n’a plus de carapace. Je me sentais vraiment comme cela. J’avais à peine plus de 40 ans alors ».

Malgré ce grand chamboulement, Jade s’assume rapidement et rayonne. « J’étais radieuse, lumineuse et bien assagie, tout le monde pouvait le voir », sourit-elle. Mais elle est vite rattrapée par la vie. Après s’être vue confier la garde de ses filles, elle doit stopper net cette première transition. « J’ai pris un coup de fusil, alors que je commençais à m’envoler. C’est vraiment le symbole de l’oiseau à qui on brise les ailes. Heureusement que je voyais un bon psychiatre qui m’a aidé, qui m’a dit : « Vous êtes aussi papa avant d’être un homme, une femme ou quoi que ce soit ». Si je n’avais pas eu un bon suivi, je pense, j’aurais probablement fait une bêtise », dévoile-t-elle.

” J’ai presque fait une transition sociale “

Il faudra attendre la fin de l’été 2021, et l’entrée en études supérieures de ses filles, pour que Jade décide de reprendre le chemin de sa transition. « Elles ont été les premières à qui j’en ai parlé », glisse-t-elle, « Et puis, j’ai décidé d’aller en parler également à mes voisins. Cela m’a demandé du courage. J’ai presque fait une transition sociale. Il y a encore des gens que je connais qui me demandent pourquoi je suis habillée ainsi et quand je leur explique, ils comprennent et me soutiennent ».

C’est sûrement cette faculté à savoir communiquer et à expliquer les raisons de son parcours qui font que ses proches ont été un soutien précieux tout au long de son nouveau parcours jalonné par les suivis psychothérapeutiques, le traitement hormonal et les prévisions opératoires. « J’ai un entourage extraordinaire. Je ne vois pas de malaise autour de moi. Quand je discute avec d’autres personnes transgenres en parcours, je vois les difficultés que peuvent avoir certaines d’entre elles. Moi, les difficultés que je rencontre, elles sont de l’ordre de monsieur et madame tout le monde. Par exemple au niveau de l’administration, ou pour obtenir mon traitement hormonal, qui est vraiment spécifique, car il y a des problèmes de production ou en tous cas d’acheminement des produits jusqu’ici » livre celle qui a choisi de faire toute sa transition en Corse, malgré les difficultés.

Aboutissement de ce parcours au long cours, Jade a commencé à se genrer au féminin et à utiliser ce prénom qu’elle a choisi il y a peu. « J’ai senti mon glissement et c’était hyper émouvant. C’est comme une gestation, une transition. C’est nous qui choisissons le temps, c’est nous qui choisissons quand est-ce qu’on va être prête, même si la nature nous donne aussi son rythme. On a envie que ça aille assez vite, mais en même temps on souhaite que ça n’aille pas trop vite quand même. Un matin, en me réveillant, j’ai senti qu’elle était là », s’émeut-elle en concluant : « C’est une sensation que je souhaite à n’importe qui sur cette Terre. C’est extraordinaire ».