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 d’ADHEOS

Pétitions lancées et manifestations, les actions contre la loi anti-propagande russe ne manquent pas lors des JO de Sotchi. Le mouvement est lancé et les coming-out de sportif(ves)s se multiplient. Dernière en date, la capitaine de l’équipe de football d’Angleterre. Pour Cécile Chartrain, présidente de l’association Les Dégommeuses, il est temps pour les athlètes français de briser le silence.
Après l’allemand Thomas Hitzlsperger, c’est une grande figure du foot international qui a choisi de sortir du placard outre-Manche. En effet, la capitaine de l’équipe féminine de football d’Angleterre, Casey Stoney, est intervenue en ces termes sur les ondes de la BBC le 10 février dernier :
 
 
"C’est très important pour moi de parler maintenant en tant que joueuse homosexuelle car il y a tant de gens qui le sont qui doivent se battre. On entend parler de gens qui se suicident à cause de ça, cela ne devrait jamais arriver."  
 
Partout dans le monde, les coming-out de sportif(ve)s connu(e)s se sont multipliés ces derniers mois. N’en déplaise aux plus conservateurs, même les disciplines autrefois considérées comme intouchables ne sont plus épargnées : pour la première fois, un joueur de football américain qui s’apprête à passer pro, Michaël Sam, vient d’évoquer son homosexualité publiquement.  
 
L’effet Sotchi
  
Ce n’est pas un hasard si cette vague a pris de l’ampleur à l’approche des Jeux Olympiques de Sotchi. Face à l’atteinte aux droits humains que constituent la loi "anti-propagande" homosexuelle russe, des athlètes ont considéré qu’il était temps pour eux de briser la loi du silence, faisant ainsi de la sortie du placard non seulement une décision individuelle mais aussi un véritable acte politique.  
 
Plusieurs sportives lesbiennes présentes à Sotchi ont d’ailleurs participé à la campagne "Principle 6", lancée par les organisations Athlete Ally et All Out, qui insistait sur le fait que le choix de la ville de Sotchi était contraire aux valeurs anti-discriminatoires de la charte olympique. 
 
Dans ce contexte, on ne peut que regretter les réserves qui existent encore lorsque la question du coming-out des sportif(ve)s de haut niveau est soulevée en France ; et ce alors même que Paris s’est vue confier il y a peu l’organisation de la dixième édition des Gay Games en 2018[1].  
 
Le 10 février, le journal "20 Minutes" rapportait les propos tenus par le porte-parole de l’association Paris Foot Gay, Jacques Lizé :  
 
"Un coming-out en Ligue 1? Je n’y crois pas. La position du PFG c’est même de ne pas trop le conseiller, tant que la FFF n’a pas pris position. Les sponsors pour l’instant en France n’ont pas réellement pris position. Notre ministre des sports est floue sur la question. J’ai l’impression que ce serait extrêmement dangereux. La société n’est pas prête." 
 
Lutter contre l’homophobie par la visibilité  
 
Cette attitude timorée, auto-justifiée par un relativisme culturel douteux, est loin de représenter ce que pensent l’ensemble des organisations LGBT.  
 
Nous, membres de l’association lesbienne Les Dégommeuses, qui mène depuis 2012 des actions de sensibilisation contre le sexisme et l’homophobie dans le milieu du football, affirmons au contraire que la visibilité est la meilleure des armes pour éduquer les acteurs du foot et le grand public en général. Nous refusons la politique du profil bas à laquelle certains mouvements réactionnaires ont cherché à assigner les LGBT, dans l’Hexagone, ces derniers mois.  
 
Ce n’est qu’en 1982 qu’il a été mis fin aux discriminations touchant les homosexuel(le)s dans le Code pénal français. Rien n’aurait été possible sans la mobilisation de centaines d’hommes et de femmes, illustres inconnu(e)s, qui ont pris le risque de s’exposer publiquement, en manifestant ou en témoignant à visage découvert.  
 
Si les joueurs de Ligue 1 attendent que la société, les sponsors, la Fédération Française de Football ou les clubs professionnels soient prêts, ils ne sortiront jamais de leur placard. Alors disons le haut et fort : il faut encourager le coming-out !  
 
Dire soi-même son homosexualité est d’abord un acte qui peut soulager et protéger chaque athlète, en le rendant moins vulnérable aux rumeurs et aux attaques. Mais au-delà des arguments individuels, le coming-out d’un joueur de Ligue 1 permettrait de faire davantage que n’importe quelle action pédagogique pour faire évoluer les représentations sociales et l’intégration des personnes LGBT.  
 
Vers un coming-out collectif ?  
 
Il existe une stratégie à moindre coût que personne ne semble avoir envisagée jusqu’à présent : celle du coming-out collectif. Elle permettrait pourtant d’accentuer la portée du geste, tout en diminuant sensiblement les risques – médiatiques notamment – qui pourraient être pris individuellement.  
 
L’association Les Dégommeuses se propose aujourd’hui comme garante de la démarche. Elle s’engage à recueillir et centraliser les noms des personnes intéressées, et à lancer cette campagne de coming-out collectif, à bon escient, dès l’engagement d’un nombre significatif d’athlètes.  
 
Encourageons très concrètement les coming-out… et plutôt cinq, dix ou vingt qu’un ! Mais rappelons aussi fermement à leur devoir l’ensemble des institutions sportives. Et dénonçons plus largement la faiblesse et le manque de courage des politiques, qui ajoutent à la vulnérabilité en renvoyant les gays et les lesbiennes à des décisions individuelles.  
 
[1]Lancés en 1980 à l’initiative de Tom Waddell, un sportif américain gay, ces jeux ont été conçus pour susciter la rencontre entre sportif(ve)s de toutes orientations sexuelles et "véhiculer un changement" dans le sport : "Ils ne sont pas séparatistes, pas excluants, pas basés sur la recherche de la victoire et du gain commercial. Ils visent, en revanche, à réunir une communauté mondiale dans l’amitié, à essayer de participer, à élever la connaissance et l’estime de soi, et à parvenir à une forme de synergie culturelle et intellectuelle."