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 d’ADHEOS

Lors de la conférence de presse qui s’est tenue dans l’enceinte du Palais de l’Elysée, le 12 Novembre, au cours du 3ème forum de Paris sur la Paix, le Président de la République du Sénégal, Macky Sall, a tenu des propos qui entretiennent l’espoir du changement pour les activistes LGBT+ sur place : « il nous faut une humanité commune…Je suis confiant sur le fait qu’il nous faut partager des valeurs…Nous avons besoin d’étendre le spectre de la discussion pour tenir compte des réalités des uns et des autres pour bâtir des valeurs communes. C’est tout à fait possible. »
 
Au cours d’une nouvelle interview, Souleymane DIOUF (pseudonyme), le responsable du Collectif FREE, va nous livrer ses impressions et son positionnement politique, à l’aune des derniers développements de la chronique judiciaire LGBT+ du Sénégal.
 
De ton côté, sur le terrain, à Dakar, peux-tu nous dire quels sont les derniers développements suite à l’arrestation et à l’emprisonnement de 24 homosexuels présumés, le 16 Octobre dernier, dans le secteur de Keur Gorgui ?
 
Le juge a prononcé des peines de prison contre 7 d’entre eux et a ordonné la libération de 13 autres. Cela s’est déroulé le 06 Novembre passé. 4 jeunes mineurs ont été jugés séparément et ont reçu un avertissement aux termes de l’audience qui s’est tenu auprès du tribunal pour enfants. Ils ont été relâchés le jour même et ont regagné leur foyer, vendredi dernier.
 
On sait qu’ils sont en bonne santé. Le Collectif FREE se proposera de leur offrir un accompagnement très prochainement, pour savoir s’ils ont pu regagner l’école. En effet, l’incarcération a une incidence sur le décrochage scolaire, car la reprise scolaire était déjà bien entamée, lorsque la police a efffectué une rafle à Keur Gorgui. Pour nous, le collectif Free, le suivi éducatif est primordial, car des mineurs qui ont de nombreuses ruptures scolaires seront demain des adultes en marge de la société. Or nous ne voulons pas de cela.
 
Enfin, au besoin, nous nous tenons également prêt à effectuer de la médiation familiale pour prévenir le rejet et les discriminations. Au sein du collectif Free, nous avons recueilli 3 des 13 adultes libérés aux termes de l’audience du 06 Novembre, car des membres de leur entourage ne souhaitaient pas leur retour au sein du foyer familial.
 
Même si nous avons un refuge et même si nous avons fait des situations d’urgence et des évacuations notre expertise, néanmoins, nous n’avons pas de budget de fonctionnement. A ce jour, nous sommes tributaires de dons et nous n’avons pas toujours les moyens d’héberger durablement des personnes rencontrant des difficultés.
 
C’est pour cela que nous faisons de la médiation familiale un axe essentiel de notre action. Quand elle n’est pas possible, hélas, nous faisons de la recherche de formations professionnalisantes, l’autre axe de notre travail, afin d’offrir une perspective d’insertion sur le marché du travail. Le Sénégal est un pays très jeune et la situation de l’emploi est très tendue ici.
 
Sinon pour les 10 autres adultes qui ont été libérés, on ne note pas de difficultés particulières. L’enquête a conclu à une absence de preuves suffisantes et ils ont toujours nié avec vigueur être homosexuels, y compris sous la torture, lors de leur garde à vue. Ils n’étaient là que pour un anniversaire clament-ils, tandis qu’un mariage gay se tenait dans la pièce attenante où du lubrifiant et des préservatifs ont été retrouvés.
 
Le procès et sa couverture médiatique passés, la tension est retombée. Dans la population, on sent que les gens sont passés à autre chose et on ressent une certaine lassitude de l’opinion par rapport à ce type d’enjeu sociétal, même si l’homophobie demeure très forte.
 
Il y a une crise économique internationale et le Sénégal et l’Afrique n’y échappent pas. Au quotidien, les Sénégalais luttent pour vivre et les lendemains sont chaque fois plus incertains.
Qu’en est-il des 7 personnes qui doivent purger leur détention ?
 
Vendredi 13 Novembre, des défenseurs des droits humains ont obtenu un permis de visite desdits condamnés, au centre pénitentiaire de Cap Manuel, dans la banlieue de Dakar. Cette attestation est valable pour une durée de 6 mois.
 
Malheureusement, l’accès aux prisonniers leur a été refusés, pour des motifs arbitraires. L’Etat de droit et les droits humains sont bafoués en prison, plus qu’ailleurs. La condition carcérale sert de prétexte à tous les abus, surtout envers les personnes homosexuelles présumées.
 
Entre temps, les défenseurs des droits humains sur place, ont appris qu’un transfert des condamnés à la maison d’arrêt de Sébikhotane à 49 kms de Dakar était déjà acté pour les jours à venir.
 
On s’inquiète beaucoup pour ces prisonniers, quant à leur cohabitation avec d’autres détenus ou pour leur état de santé, car nous savons que certains sont sous traitement ARV. Il est question que prochainement nous puissions leur apporter des médicaments en nombre suffisant par rapport à la durée prévue de leur incarcération.
 
Actuellement, nous sommes toujours en pourparlers avec les autorités de l’administration pénitentiaire, afin que nous n’essuyions plus à l’avenir, de refus de visite.
 
Qu’envisagez-vous pour la suite ?
 
Pour la suite, consécutivement à la tribune du 15 Octobre dernier, nous voulons continuer à réinvestir l’espace politique, même si cela doit se faire sur internet.
 
Trop longtemps, cet espace politique a été laissé aux homophobes qui ont eu tout loisir de pouvoir souffler sur les braises de la haine, au cours des vingt dernières années.
 
Le Collectif FREE veut incarner une relève. En effet, au Sénégal, on peut faire du militantisme en faveur des droits des personnes LGBT+ autrement.
 
Le silence n’a jamais produit une société inclusive et non-discriminante. Au contraire, notre silence tue, quand on laisse se répandre une parole homophobe, sans proposer de contre-narratif politique et progressiste.
 
Le Sénégal a besoin d’un discours alternatif, concernant les droits des groupes minoritaires, mais avant de faire entendre cela, il nous faut assainir le discours et le débat public.
 
C’est pour cela que le Collectif FREE réfléchit à l’étude d’un dépôt de plainte dans les jours qui viennent contre Mame Matar GUEYE de l’ONG islamiste JAMRA, ainsi que contre Abdul Karim GUEYE.
 
Ces derniers ont régulièrement proféré des menaces de mort cathodiques à l’encontre des groupes LGBT+ ces dernières semaines, voires ces dernières années. Méthodiquement, au fil de vidéos toujours plus virulentes, ils ont fait des réseaux sociaux un déversoir du cyber-harcèlement, notamment à l’égard d’homosexuels présumés vivant au Sénégal ou ailleurs.
 
En tant que progressistes, avant de remporter la bataille des idées, il nous faudra confronter l’homophobie politique et ses thuriféraires, à leurs responsabilités, afin que l’impunité cesse et pour que la peur puisse changer de camp.
 
Les personnes et organisations souhaitant apporter un soutien financier au collectif FREE peuvent écrire à collectiffree@gmail.com.