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 d’ADHEOS

Frédéric Hay de l’association ADHEOS (Association d’Aide, de Défense Homosexuelle, pour l’Égalité des Orientations Sexuelles), ainsi que Saliou Tandjigora, activiste LGBT vivant à Dakar et sympathisant du Collectif Free du Sénégal livrent une interview pour 76crimes, à l’heure où une pétition réclamant une surpénalisation de l’homosexualité au Sénégal et 5 ans d’emprisonnement circule sur les réseaux sociaux. Alors que les homophobes paradent en divers endroits du Sénégal en semant parfois le chaos, Frédéric et Saliou nous donnent leurs points de vue.
 
La demande d’ADHEOS exigeant l’interdiction du territoire européen aux auteurs de la pétition homophobe figure ci-dessous :ICI
 
Propos recueillis au téléphone le 20 Mai 2021 par Moïse MANOEL
 
Frédéric Hay, en demandant l’interdiction d’entrer dans l’espace européen, de leaders d’opinion homophobes sénégalais, pensez-vous être efficace jusqu’à présent ?
 
« Nous observons que nos demandes semblent être prises en compte par les autorités françaises et européennes. Nous ne souhaitons pas que des individus islamistes ou pronant toute forme de radicalisme puissent répandre le poison de la haine parmi les diasporas établies ici en France. Il est de notre devoir que de protéger les communautés LGBTI et la communauté nationale des agissements dangereux d’individus fanatiques et homophobes dont nous souhaitons qu’ils restent à l’extérieur des frontières de la France.
 
Au delà de la France, par ces demandes de sanctions et par cette politique d’entrave à la circulation de leaders d’opinion homophobes, nous voulons également soutenir les associations de défense des droits humains du Sénégal, ainsi que les communautés LGBTI locales. On a quand même affaire à des individus qui incitent activement à brimer, agresser, voire à tuer leurs propres concitoyens, sous couvert d’islam, de traditions et de valeurs culturelles sénégalaises, ce qui est proprement abject, répugnant et insultant pour le Sénégal.
 
En tout cas, nos actions ont un impact certain. Pour preuve, le 20 Avril dernier, nous demandions l’interdiction d’entrée d’Ababacar Mboup, dans l’espace européen, document à l’appui, puisque nous avions fait traduire une vidéo d’une table-ronde, où il réclamait l’exécution des personnes LGBTI au Sénégal. Peu de temps après la diffusion de notre communiqué, l’auteur de cette publication à retirer le contenu en ligne de cette vidéo qui était hébergée sur la plate-forme de YouTube ».
 
2. Ne pensez-vous pas donner du grain à moudre aux islamistes quant à une éventuelle ingérence occidentale dans le vie politique et sociale d’un pays comme le Sénégal ?
 
« L’extrémiste, l’islamisme, l’intégrisme et le fanatisme sont des questions et des enjeux internationaux de sécurité collective qui nécessitent d’être pensées à l’échelle nationale, pancontinentale et surtout internationale. Le radicalisme religieux de quel que obédience qu’il vienne et le projet totalitaire qui lui est consubstantiel doivent être contrecarrés ici et ailleurs, au Sénégal, comme au Mali, au Sahel comme en Europe. Un ennemi reste un ennemi et toute personne incitant au génocide des personnes LGBTI au Sénégal doit être combattu politiquement, avec vigueur et détermination.
 
C’est d’ailleurs pour cela qu’ADHEOS et plusieurs autres organisations ont déposé un recours afin que le Sénégal soit retiré de la liste des pays dits sûrs, par le Conseil d’Etat. En effet nous demandons que les demandes d’asile de personnes sénégalaises, béninoises et ghanéennes soient examinées avec la plus grande attention, en tenant compte de la dégradation du climat politique dans ces pays. Il s’agit de pays démocratiques, certes, mais de démocraties fragiles, en termes de respect des droits humains, notamment pour les personnes LGBTI. Actuellement, quand le pays est dit sûr, le traitement de la demande d’asile est expéditive et se solde souvent par une réponse défavorable de l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) ».
 
3. Saliou Tandjigora (pseudonyme), vous êtes un activiste sénégalais, pouvez-vous nous dire quelle est l’ambiance au Sénégal à la veille de cette marche homophobe ?
 
« Avec l’entrée en vigueur du code de la presse qui a été modifié récemment, on n’entend guère parler de cette marche, sauf sur Xalat Tv, qui est une chaîne YouTube, très suivie en wolof. Dans l’article 18 du code de la presse remanié, il est stipulé qu’il est interdit de discriminer les gens quel que soit leur orientation amoureuse ou leur identité de genre.
 
Ensuite d’un point de vue politique, les instigateurs de la pétition homophobe visant à surpénaliser l’homosexualité sont un attelage hétéroclite de personnes de la société civile qui essaient de mettre la pression sur la classe politique. Parmi eux, on trouve pele-mêle : Abdou Karim Gueye (polémiste), Omar Diagne (économiste), Babacar Mboup (théologien), Dame Mbodj (enseignant syndicaliste), Cledor Sene.
 
Dans ce contexte, un sujet comme l’homosexualité est pour eux un bon vecteur pour tester leur popularité dans l’opinion qu’ils essayent de travailler sur ces sujets depuis longtemps. Les ressorts sont toujours les mêmes : exhalter le nationalisme, détester de la France, clamer un ersatz de panafricanisme, en adossant tout ça à du virilisme dont l’homophobie est l’un des exutoires préféré, à défaut d’avoir à proposer des solutions constructives et alternatives aux maux frappent la société sénégalaise, tels que le chômage des jeunes ou le pouvoir d’achat, par exemple.
 
La classe politique sénégalaise y compris Ousmane Sonko, rechigne à signer une pétition populiste, démagogique et irresponsable. Elle n’est pas très désireuse d’ouvrir une boîte de Pandore sur les champs des droits humains qui puisse déboucher sur une chasse aux sorcières, alors elle botte en touche et s’accroche au statu quo actuel. Même le Khalife des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké renâcle à apposer sa signature à un tel document. Par contre, les autres confréries religieuses du pays et les autres imams ont donné leur approbation à la pétition.
 
Au niveau de la population sénégalaise, cette marche est accueillie diversement. Des individus, et des chefs religieux sont très prompts à jeter leur fiel sur les personnes LGBTI. Ceci étant au Sénégal, il existe aussi une majorité silencieuse et la façon dont les questions sexuelles sont politisées dans l’espace public par les homophobes ne plaît guère. Pour d’aucuns, l’homosexualité relève avant tout de la sphère privée de chacun et il ne saurait être question que l’Etat ne s’immisce dans l’intimité des individus, afin de s’enquérir qu’ils aillent au paradis ou non ».
 
Les medias et organisations souhaitant s’adresser au Collectif Free du Sénégal peuvent écrire à l’adresse électronique suivante : collectiffree.urgence@gmail.com.