L’arrestation de 24 hommes, à Keur Gorgui en région dakaroise le 16 Octobre dernier a permis de mettre en lumière des carences qui ont été mises à nues.
Avec introspection, Souleymane Diouf (pseudonyme) qui coordonne le collectif FREE, nous livre selon lui les causes endogènes à l’absence d’une riposte communautaire anticipée, face à ces vagues d’arrestation homophobes, survenues depuis le mois de Septembre au Sénégal.
Libre, déterminé et résolu à mettre fin à certaines pratiques dévoyées au Sénégal, il dénonce errements et dérives prévaricatrices dont les droits humains sont l’alibi, selon lui.
Dans une interview inédite, 76crimes lui ouvre ses colonnes pour que le silence ne soit plus complice de certains maux qui tuent aujourd’hui les personnes LGBT+ au Sénégal.
Quelles sont les anomalies ou les dysfonctionnements dont tu dis avoir été le témoin ?
Déjà, le 20 Septembre dernier, lors de l’arrestation des 10 homosexuels présumés à Touba, pas la moindre organisation communautaire LGBT+ du Sénégal, ni la moindre organisation de la société civile sénégalaise n’a bougé le petit pouce.
C’est une vérité douloureuse a énoncer, mais elle mérite d’être rendue audible, car elle soulève de nombreuses questions autant qu’une indispensable introspection.
A l’époque, cette situation m’a laissé dans un désarroi tel que j’ai immédiatement décidé de prendre attache avec toi qui est extérieur au Sénégal et qui vit en Guyane française, en Amérique du Sud.
En effet, j’ai rapidement compris qu’avec un étranger, je serai paradoxalement davantage écouté et entendu qu’au sein de mon propre pays.
Bis repetita, lors de l’arrestation des 24 jeunes homosexuels présumés à Keur Gorgui, à Dakar, le 16 Octobre dernier, les organisations communautaires ainsi que celles de la société civile ne sont pas immédiatement montées au créneau. Du moins au début, selon moi.
As-tu remarqué autre chose ?
Ce n’est que parce que les institutions internationales ont commencé à se pencher sur la situation sénégalaise, en termes de violation des droits humains, que les organisations locales ont commencé à réagir.
Souvent d’aucuns parlent d’ingérence ou de néocolonialisme ici ou là, mais la vérité, c’est que sans nos ami.es à l’international, il y aurait eu une grande inertie, avec une communauté LGBT+ sous la coupe réglée des islamistes. Il faut être lucide. Nous les activistes LGBT+ du Sénégal, nous avons laissé aux islamistes l’exclusivité du débat public sur les enjeux liés aux minorités sexuelles.
Nous voyions la situation se dégrader au fur et à mesure des années, mais au lieu d’anticiper la situation présente, nous avons déserté la discussion, par notre absence de formulation politique d’un projet de société inclusif, face à l’agenda islamiste mortifère de JAMRA.
Pourtant, d’aucuns y voient la culture de la confrontation là où il s’agit simplement d’offrir d’autres horizons à voir, en élargissant le champ des possibles. Nous sommes des démocrates et nous faisons le constat que par nos silences jadis, nous nous sommes faits les complices et les alliés objectifs à notre insu, de ceux qui souhaitent nous supprimer.
Le silence est une stratégie qui n’a jamais été payante au Sénégal, tandis que les violences n’ont cessé de redoubler, au cours des derniers mois, à l’encontre des personnes LGBT+. Nous arrivons alors à la seule conclusion qui demeure, à savoir que le silence nous condamne à l’échec.
Pour le Collectif FREE, la riposte politique à l’islamisme est un espace intellectuel qui reste encore à défricher au Sénégal. Et nous entendons bien devenir des défricheurs.
Quels sont les autres défis qu’il reste à relever ?
Aujourd’hui, on a des preuves de demandes de subventions et de financements frauduleuses au nom de victimes d’homophobie, sans leur consentement, mais en leur nom.
Il s’agit là d’un effet d’aubaine, collatéral et indésirable lié à l’intérêt porté à l’échelle internationale, pour la situation au Sénégal.
Nous dénonçons ces pratiques et ce manque de probité qui tout en étant le fait de certains défenseurs des droits humains, portent à présent préjudice à tous, en jetant un voile de suspicion sur notre éthique.
Bâtir une réputation, une crédibilité et une relation de confiance, demande trop de temps, pour que nous puissions laisser des individus peu scrupuleux prendre avantage des personnes LGBT+ sénégalaises en situation de détresse, car la prévarication tue.
Détourner des fonds c’est autant de moyens que l’on retire aux personnes les plus vulnérables. Pour mettre un terme à de moult situations d’abus de confiance qui se répètent, le Collectif FREE réfléchit à l’étude d’un dépôt de plainte dans les jours à venir.
Les personnes et organisations souhaitant apporter un soutien financier au collectif FREE peuvent écrire à collectiffree@gmail.com.
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