Les réformés et luthériens réunis au sein de l’Eglise protestante unie de France (EPUdF) pourraient décider dimanche prochain de permettre la bénédiction des couples homosexuels, une quasi première française qui ne fait pas l’unanimité dans leurs rangs.
Deux ans après l’adoption de la loi Taubira ouvrant le mariage civil à deux personnes de même sexe, la principale Eglise protestante de France (110.000 membres actifs revendiqués) a mis la bénédiction religieuse de ces unions à l’ordre du jour de son synode national, qui s’ouvre jeudi à Sète (Hérault).
Au dernier jour de cette session, dimanche, 105 délégués de l’EPUdF seront appelés à voter, ou non, une proposition en ce sens.
Le mariage n’est pas un sacrement chez les protestants, mais les couples hétérosexuels unis civilement peuvent bénéficier d’une liturgie de bénédiction au temple, célébrée par un pasteur.
D’importantes communions protestantes d’Europe et d’Amérique du Nord, mais aussi d’Espagne ou d’Italie, ont ouvert cette bénédiction aux couples gays et lesbiens. En France, seule la Mission populaire évangélique (MPEF), une Eglise beaucoup plus petite que l’EPUdF, autorise actuellement ses pasteurs à participer à un "geste liturgique d’accueil et de prière" pour les homosexuels, une pratique qui reste marginale.
Même si le mariage gay n’y fait pas l’objet du rejet constaté parmi les responsables catholiques et dans les mouvements évangéliques, le sujet est loin de faire consensus chez les luthéro-réformés, le courant historique et central du protestantisme français.
En juin 2014, l’Union des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL), présente sur le territoire alsacien-mosellan, avait ainsi sursis à statuer et s’était donné "un délai de trois ans avant d’envisager de reprendre cette question en assemblée". Le synode national de l’EPUdF pourrait décider de faire de même à Sète, voire de répondre par la négative à la question posée. Mais les rapporteurs en charge du dossier, sur la base de travaux menés depuis janvier 2014 au niveau local puis régional, se disent "favorables à ce qu’on ouvre tranquillement la possibilité de bénir des couples de même sexe".
Appel d’opposants
"Il ne s’agit pas de dire ‘le mariage des personnes de même sexe c’est bien’, ‘c’est pas bien’", a indiqué mardi à la presse l’un des rapporteurs, Isabelle Grellier. "Bénir, c’est dire que Dieu t’accueille tel que tu es, sur tes chemins faciles ou difficiles", et qu’il "t’invite à réfléchir à ta vie à la lumière de l’Evangile", a ajouté cette théologienne, qui ne voit pas la bénédiction comme un "satisfecit". "C’est une possibilité qui sera portée – ou pas – par le pasteur local, en dialogue avec sa communauté", précise-t-elle, "nous ne sommes pas en train de faire une révolution".
"C’est la pire des solutions, c’est un manque de courage", rétorque Gilles Boucomont, pasteur du dynamique temple du Marais à Paris et vif opposant au projet. "Quand une personne va se présenter dans une paroisse pour devenir son pasteur, le seul critère de recrutement risque d’être: ‘êtes-vous pour ou contre la bénédiction des couples homosexuels?’ Réduire toute la foi chrétienne à cette question est effroyable", juge-t-il. Ce pasteur piétiste s’inquiète de ce que, "pour la première fois en France depuis 1517" (date de la Réforme initiée par Martin Luther), "une décision synodale majeure puisse être prise contre tous les textes bibliques".
Avec une cinquantaine d’autres pasteurs et une centaine de conseillers presbytéraux (locaux), il a d’ailleurs signé un "appel" invitant les délégués du synode à ne pas statuer "dans la hâte de répondre à la pression de la société et l’évolution de ses moeurs".
Les signataires de ce texte redoutent qu’une décision dès cette année "entraîne de profondes déchirures" dans une EPUdF encore jeune, née en 2012 de la fusion des Eglises luthérienne et réformée.
"Il n’y a pas de risque de schisme, mais quelle que soit la décision, des personnes seront déçues", relève le président du conseil national de l’EPUdF, le pasteur Laurent Schlumberger. "Je ne suis pas stressé", confie-t-il, convaincu que son Eglise a "posé la question" de la bénédiction des couples homosexuels "de la manière la plus sereine possible".
- SOURCE E LLICO