Auditionné ce jeudi matin par la commission d’enquête sur les défaillances des fédérations sportives, le ministre de la justice envisage des interdictions de stade plus longues contre les auteurs d’actions homophobes ou racistes.
Après les bancs du tribunal, c’est depuis ceux de l’Assemblée nationale qu’Éric Dupond-Moretti s’est exprimé, mine renfrognée, ce jeudi 23 novembre. Auditionné à la commission d’enquête sur les défaillances des fédérations sportives, le ministre de la justice l’air sérieux, est monté au créneau pour combattre l’homophobie dans les stades.
« J’en ai le ras-le-bol d’entendre ces comportements dans les stades, ces vociférations, ces cris homophobes. Ça n’a rien à voir avec le sport. J’ai vu récemment le témoignage de Basile Boli, ça m’a beaucoup touché. Il expliquait comment il vivait ces cris de singe qui lui étaient adressés. Je suis tout à fait prêt à ce que les types qui se comportent comme ça soient définitivement interdits de stade. Je suis prêt à ce qu’on regarde ça. Je n’ai pas de ligne infranchissable. » Pour rappel, actuellement, une personne peut être interdite de stade pendant 5 ans maximum.
Ce mercredi, devant la même commission, les deux dirigeants de la Ligue Professionnelle de Football (LFP), Vincent Labrune et Arnaud Rouger, ont également annoncé vouloir frapper fort contre l’homophobie dans les stades. Ils réfléchissent à une opération de lutte contre l’homophobie « plus claire » que le maillot arc-en-ciel en Ligue 1, qui a été abandonné en octobre dernier. Vincent Labrune a pour sa part plaidé pour une interruption systématique d’un match « au premier chant » de ce type. Rouger a quant à lui qualifié de « ringard » le fait de chanter des paroles homophobes.
« Je vais très prochainement envoyer des gens du ministère en Angleterre, a ensuite ajouté le ministre de la justice. Ils ont connu un hooliganisme qui était une terreur. Ils ont réussi à régler ça, avec des mesures drastiques. S’il faut aller copier ces mesures, on va y aller. C’est infernal tout ça. Je souhaite aussi qu’on rappelle sur les billets (des matchs) les termes du Code pénal en la matière. Que vous jetiez une fusée sur le stade, que vous balanciez des cris de singe à un joueur de couleur… Stop ! »
Pour Éric Dupond-Moretti ces comportements sont « l’anti-sport par excellence ». « S’il faut être plus sévère, on proposera un certain nombre de choses (…) Si on parle de folklore, il faut changer de folklore. Le folklore, c’est fait pour réunir les gens. Là, les comportements homophobes par exemple blessent les gens. »
Les propos d’Éric Dupond-Moretti viennent percuter une autre actualité dissonante sur le sujet : le classement sans suite annoncé ce même jour par l’AFP, suite au signalement effectué au sujet des chants homophobes entonnés lors d’un match OM-PSG en septembre. « Il est impossible d’identifier individuellement les auteurs des chants » a appris l’AFP jeudi. Ce signalement avait été effectué par le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Olivier Klein, qui confirme le classement sans suite.
Pour ces mêmes faits, plusieurs associations LGBT + ont déposé une plainte le 8 novembre à Paris contre Amazon Prime, diffuseur du match : dans la rediffusion, « il est possible d’entendre plusieurs chants de supporters en provenance des tribunes. Certains de ces chants relèvent d’un caractère homophobe prononcé », dénonce la plainte.
Selon une enquête Ipsos publiée début septembre et menée avec la Fédération Sportive LGBT +, 46 % des Français déclarent avoir déjà été témoins d’un comportement homophobe ou transphobe dans le milieu sportif.
En octobre dernier, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra s’était jointe aux instances du football français pour mettre en place plusieurs actions visant à lutter contre l’homophobie dans les stades. Au programme, elle avait notamment proposé le renforcement des ateliers de sensibilisation et de formation en matière de lutte contre les discriminations, ainsi que la désignation de référents formés au sein des clubs de supporters. Dans la lettre datée au 12 octobre, la ministre annonçait la mise en place de ces actions « dans les prochaines semaines ». Il convient maintenant, d’agir en conséquence.
- SOURCE LE PARISIEN