Quelles sont les règles de prescription pour un-e salarié-e victime de discrimination liée à son homosexualité?», par Mathieu Filliatre, avocat au barreau de Paris.
Outre le symbole qu’il représente dans la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle sur le lieu de travail, l’arrêt du 24 avril 2013 rendu par la Cour de Cassation [lire La Cour de cassation confirme la condamnation du Crédit agricole pour discrimination en raison de l’orientation sexuelle], ayant validé la condamnation d’un employeur pour discrimination dans l’évolution de carrière d’un salarié (représenté par Maître Yann Pedler), en raison de son homosexualité, a le mérite de compléter le très faible nombre de décisions judicaires rendues sanctionnant le comportement discriminatoire d’un employeur à l’égard de son salarié en raison de son homosexualité.
A titre d’illustration de décisions judiciaires précédemment rendues dans ce domaine, la Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt rendu le 10 janvier 2012, avait relevé que le refus d’un employeur de promouvoir un salarié au poste de directeur d’un site en raison de son homosexualité constituait une discrimination.
Autre exemple de jurisprudence sanctionnant le comportement discriminatoire de l’employeur : la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 15 décembre 2010 avait reconnu le caractère discriminatoire d’une mutation d’un salarié en raison de son homosexualité.
UN DÉLAI POUR AGIR LIMITÉ
Un salarié ayant été victime de discrimination liée à son homosexualité peut donc intenter une action en justice à l’encontre de son employeur devant le Conseil de prud’hommes en réparation du préjudice qu’il a subi mais dans un délai toutefois limité. Il convient de préciser que la loi 2005-561 du 17 juin 2008 a réduit de 30 à 5 ans le délai de prescription pour exercer une action en justice en réparation du préjudice résultant d’une discrimination.
Ainsi, pour les discriminations révélées à compter du 19 juin 2008, l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination homophobe se prescrit désormais par 5 ans.
Pour les discriminations révélées avant le 17 juin 2008, lorsque la prescription trentenaire a commencé à courir avant cette date, le nouveau délai de 5 ans s’applique à compter de cette date sans pouvoir porter la durée totale de prescription au-delà de 30 ans.
Prenons un exemple :
– S’il s’était déjà écoulé, au 19 juin 2008, 26 ans depuis la révélation de la discrimination liée à son homosexualité, il ne resterait au salarié à cette date que 4 ans pour agir.
– Si en revanche, il s’était écoulé moins de 25 ans, le salarié disposerait d’un délai de 5 ans à compter du 19 juin 2008 pour agir en justice, soit jusqu’au 19 juin 2013.
En résumé, un salarié ayant été victime d’une discrimination liée à son homosexualité avant le 19 juin 2008 et dans l’hypothèse où il se serait écoulé moins de 25 ans depuis la date de révélation de cette discrimination au 19 juin 2008, n’a plus que jusqu’au 19 juin 2013 pour engager une action en justice à l’encontre de son employeur!
Ces dispositions en matière de prescription s’appliquent également en matière de contestation du licenciement pour motif personnel ou de demande de requalification de contrat en durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
- Source YAGG