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 d’ADHEOS

Dans son édition datée du 6 septembre, Paris Match publie la photo du cadavre de Vanesa Campos, travailleuse du sexe trans’ tuée au bois de Boulogne. Un traitement médiatique racoleur et inhumain que dénoncent plusieurs associations.
 
« Je suis très choquée. Ça fait du tort à Vanesa et à toutes les travailleuses du sexe. » Pour Kouka Garcia, présidente de l’association Pari-T, qui soutient les personnes transgenres, le numéro de Paris Match daté du 6 septembre est difficilement supportable. Le magazine a publié une photo du cadavre nu de Vanesa Campos, travailleuse du sexe transgenre, tuée au bois de Boulogne dans la nuit du 16 au 17 août 2018.
 
Un sensationnalisme crasse et inhumain, qui donne le ton de l’article qui suit, problématique en de nombreux points. Le titre ? « Les Nuits fauves au bois de Boulogne ».
 
Un condensé de clichés
 
Outre le caractère totalement hors sujet du titre, certaines phrases font bondir et montrent que le traitement médiatique des questions transgenres, ainsi que du travail du sexe, reste problématique. En cause notamment, une confusion, malheureusement encore trop fréquente, entre transidentité et travestissement. « Il n’y a que sa copine Sandra, une autre travestie prostituée du bois, qui connaissait sa peine », évoquent les journalistes auteurs de l’article. Or Sandra est une femme trans’. Tout comme l’était Vanesa.
 
Le terme « transsexuelle » est par ailleurs employé à plusieurs reprises. Un qualificatif psychiatrique et pathologisant, renvoyant la transidentité à une maladie mentale, que de nombreuses associations – tout comme la rédaction de TÊTU – préfèrent éviter.
 
L’article cumule la plupart des clichés véhiculés sur les personnes trans’, que l’association des journalistes LGBT (AJL), avait déjà listés dans un kit adressé aux rédactions. Celle-ci a réagi à cette publication ce vendredi 7 septembre sur Twitter
 
Mégenrage, évocation du ‘deadname’ (prénom de naissance) ou des opérations de réassignations sexuelles, exotisation monstrueuse, tout y est, sur un ton à l’ironie mal-placée :
 
« Son nom d’avant, quand elle était un garçon ? Mystère. On ne pose pas ce genre de question, au bois, quand on est bien élevé. Ce serait comme évoquer un tabou… Alors pourquoi ne pas se faire opérer pour mettre son corps en conformité avec sa conscience, ses désirs ? On ne pose pas non plus cette question quand on connaît la vie, ou plutôt le commerce, au bois de Boulogne, car alors, autant dire adieu aux clients. Ce qu’ils aiment, les clients, ce qu’ils cherchent, c’est l’étrangeté, des créatures comme des chimères antiques, sorte de centaures au sexe d’homme et au corps de top model, si éblouissants dans les phares des voitures. »
 
Non. On ne demande pas « son nom d’avant » à une personne trans’, tout comme on ne lui demande pas ce qu’elle a entre les cuisses. D’abord parce que toutes ne souhaitent pas se faire opérer, et que cette question, si intime et personnelle, ne nous regarde tout simplement pas. « On parle tout de même d’une personne assassinée en bande-organisée, que l’on réduit une nouvelle fois à ce qu’elle a ou non en-dessous de la ceinture, jusque que dans sa mort », dénonce Giovanna Ricon, présidente de l’association Acceptess-T, totalement écœurée.
 
Pas une première
 
L’article partait peut-être d’un bon sentiment. Il évoque aussi, très justement, la précarisation et la mise en danger des travailleuses du sexe depuis la loi de 2016, pénalisant leurs clients. Ainsi que le climat de terreur, qu’elles subissent au bois de Boulogne depuis plusieurs années, et que nous évoquions sur notre site internet.
 
Au lendemain du meurtre de Vanesa Campos, plusieurs médias avaient évoqué le décès d’« un prostitué travesti », avant de rectifier. « Le Parisien notamment a fait de gros dégâts et a fait beaucoup de mal aux travailleuses du sexe, rappelle Giovanna Ricon. Et alors que le traitement médiatique s’était amélioré, on tombe sur ça… » Et la présidente d’Acceptess-T d’ajouter :
 
« Non seulement on doit réclamer justice, accompagner les victimes, mais en plus rester vigilantes pour dénoncer la transphobie qui nous entoure ? »
 
En juin dernier, Paris Match avait déjà été critiqué par les associations LGBT pour un article transphobe sur le comédien Océan.
 
Giovanna Rincon, qui est en lien avec la famille de Vanesa Campos, assure que son association accompagnera les proches de la victime, s’ils le souhaitent, dans le cadre d’un dépôt de plainte pour atteinte à la dignité contre le magazine. Kouka Garcia, de Pari-T, est du même avis : « Il faut le dénoncer. S’il y a une action en justice envisagée, nous voulons bien sûr y participer ».