Christophe Dercamp prépare son mariage avec son compagnon depuis plusieurs semaines. Samedi, tous les deux sont allés à Auchan Caluire (à 5 minutes de Lyon) après avoir vu sur catalogue une promotion « couple », permettant d’acheter deux alliances à prix cassé. Ils ont besoin de deux bagues pour hommes ; la vendeuse le leur refuse catégoriquement.
« J’assume mon homosexualité depuis mes 18 ans. J’en ai 36 aujourd’hui. Jamais je ne me suis senti aussi directement discriminé. »
Christophe a prévu de se marier en août prochain, à Lyon, avec l’homme qui partage sa vie depuis 13 ans. Cet élu du 4è arrondissement se trouve donc en plein dans le marathon des préparatifs, « plutôt stressant ». Pour les bagues, ils n’ont pas eu envie de dépenser une somme trop importante : « chacun met son argent où il veut ».
Le couple s’est donc rendu samedi 5 juillet dans un Auchan, à Caluire, pour acheter deux alliances. Sur le catalogue de promotions « spécial mariage », valables jusqu’à la fin du mois d’août dans le magasin de grande distribution, on voit clairement sur photos les duos de bagues : une épaisse, l’autre plus fine.
Par exemple, le duo phare est constitué d’une alliance à 269 euros et d’une autre à 179 euros : si elles sont vendues ensemble, le total de 448 euros est réduit à la somme 299 euros. Soit 149 euros d’économie.
« On est dans un Auchan en ville, pas chez le bijoutier d’un village perdu »
Christophe imagine que la formule est adaptable :
« Je sais bien que les bagues pour hommes sont plus chères. C’est normal, elles sont plus grosses, il y a plus d’or. Je voulais simplement bénéficier d’un pourcentage de réduction adapté, qui soit en rapport avec le prix de base ».
Mais la vendeuse leur répond par un non catégorique. Pas possible de discuter, Christophe la trouve désagréable voire désobligeante. Le couple s’éloigne, Christophe se sent humilié et ne comprend pas ce qui s’est passé :
« On est dans un Auchan en ville, pas chez le petit bijoutier d’un village perdu ».
Aucun argument de stock ne lui a été avancé (par exemple 200 bagues femmes face à 200 bagues hommes à écouler) ; juste l’impossibilité pour eux d’acheter ici leurs alliances.
« Depuis le début des préparatifs, c’est la première fois qu’il m’arrive une chose pareille, raconte Christophe. Par exemple, on a loué un endroit pour le repas et la fête, dans l’Ain. J’ai prévenu la dame qu’il s’agissait d’un mariage gay. Elle a été très surprise que je lui donne cette précision, elle m’a dit que ça ne la regardait en rien et que tout le monde pouvait louer son lieu pour un mariage. Aucun commerçant consulté pour le mariage n’a jamais été gêné. »
« C’est une maladresse de notre part »
« Choqué », Christophe ne digère pas cet épisode qui concerne « le symbole le plus fort » de leur cérémonie, et parle de la réaction d’Auchan sur les réseaux sociaux, interpellant aussi la direction.
Nathalie Wagner, directrice adjointe du magasin et supérieure hiérarchique de la vendeuse, finit par répondre. Elle écoute Christophe, puis son employée.
Contactée par Rue89Lyon, elle apparaît contrite :
« Il y a eu une mauvaise interprétation de notre offre commerciale par notre collaboratrice. Notre tract a été imprimé de cette façon-là, elle n’a peut-être pas compris que l’on pouvait faire différemment. A son niveau de responsabilité, elle n’a fait qu’appliquer ce qui lui a semblé être la règle. »
Auchan s’est excusé auprès de Christophe sur sa page Facebook.
Une formation des employés d’Auchan sur la diversité ?
La vendeuse serait désormais elle aussi « dans un état de choc », voyant l’ampleur qu’a pris l’affaire du mariage de Christophe. Toute la chaîne de communication des magasins Auchan a été remontée. Nathalie Wagner s’en est chargée :
« Tout le magasin a été mis en branle, j’ai alerté notre centrale d’achat. Je suis navrée qu’ils aient eu à subir cela. C’est une maladresse de notre part, en aucun cas de la discrimination ! Nous tirerons une leçon de notre erreur. »
Nous suggérons à Nathalie Wagner que, sur un plan strictement commercial, le mariage gay, finalement, représente aussi un marché et qu’il est étonnant pour une chaîne de magasins de grande distribution de s’en priver. Désormais, les plaquettes promotionnelles devraient changer. Pour « faire comme la concurrence » :
« Je vais vous expliquer avec beaucoup d’humilité que l’on a peut-être du retard là-dessus. Avant cet incident, nous ne nous étions jamais interrogés sur nos tracts « couples ». Aujourd’hui, ça peut très bien être un homme avec un homme. On fera certainement un pourcentage de réduction sur la seconde bague achetée, comme le fait Carrefour. Et quelle que soit la deuxième bague. »
Christophe a demandé que les employés des magasins soient formés sur ces thèmes.
Ce à quoi Nathalie Wagner répond :
« Evidemment, et pas uniquement sur la question gay. Sur toutes les questions de la diversité. Nous ne voulons froisser aucune minorité. J’ai proposé à Monsieur Dercamp de me rencontrer ; je comprendrais qu’il ne veuille pas. »
En effet, Christophe et son futur mari ont acheté leurs bagues dans un autre magasin.
Précision apportée sur Christophe Dercamp : il est élu PS dans le 4e arrondissement de Lyon.
- Source RUE89