Les écoles d’art tolèrent-elles des comportements sexistes, homophobes ou machistes ? La question donne lieu à une passe d’armes entre l’Association nationale des quarante-six écoles supérieures d’art (Andea) et la sénatrice (PCF) Brigitte Gonthier-Maurin.
Dans son rapport sur la place des femmes dans le secteur de la culture, remis en octobre à la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, la parlementaire dénonce « une pratique scandaleuse apparemment généralisée : la banalisation des comportements sexistes » dans les écoles d’art. Le 16 décembre, l’Andea répliquait dans un communiqué : « L’un des enjeux de notre association est de prendre la mesure , de favoriser une plus grande égalité entre les sexes, de veiller à la parité. »
L’Andea n’a pourtant pas toujours défendu cette position. Ainsi, en 2012, l’association avait apporté son soutien au directeur de l’Ecole supérieure d’art d’Avignon, Jean-Marc Ferrari, mis en cause par quinze étudiants et visé par trois plaintes, l’une pour harcèlement moral, classée depuis, et deux pour harcèlement sexuel. L’Andea s’était alors indignée « de ces attaques ad hominem qui semblent relever d’un acharnement dans le ton et la forme ». Suspendu de ses fonctions, M. Ferrari nie tout harcèlement et se dit « victime d’une manipulation et bouc émissaire de l’angoisse des étudiants ».
Pour Brigitte Gonthier-Maurin, l’affaire d’Avignon est révélatrice d’un état d’esprit généralisé dans les écoles d’art. La sénatrice cite le témoignage de Reine Prat, inspectrice générale au ministère de la culture, auteure de deux rapports, en 2006 et 2009, sur l’égalité hommes-femmes dans les arts du spectacle. Elle ne mâche pas ses mots : « Dans les écoles d’art, des générations de lolitas travaillent sous l’égide de mentors, le plus souvent des hommes, le plus souvent d’un certain âge. Ne serait-il pas légitime de se demander quel rapport cela engendre et quelles dérives porte ce genre de déséquilibre ? »
« BANALISATION DE COMPORTEMENTS SEXISTES »
Elle confirme au Monde : « Je ne dis pas que cela se produit dans tous les cas, mais les témoignages sur des dérapages sont nombreux et assez inquiétants. Le phénomène est réel. »
Une enseignante d’histoire de l’art à l’école des beaux-arts de Bourges, Giovanna Zapperi, également auditionnée, parle de « banalisation de comportements sexistes auxquels sont soumises les étudiantes », allant de « l’insulte sexiste ou homophobe, jusqu’au harcèlement sexuel, véritable fléau qui sévit dans l’enseignement artistique ». Jointe à Rome, où elle est pensionnaire de la Villa Médicis, Mme Zapperi précise au Monde : « Aux Beaux-Arts de Bourges, une performance d’étudiants avait consisté à déclamer, porte-voix en main, la litanie des injures à caractère sexuel que les étudiants avaient entendues de la part, notamment, des professeurs. »
L’Andea, par la voix de son président, Emmanuel Tibloux, estime que le rapport Gonthier-Maurin « ne repose sur aucune enquête sérieuse et raisonne par amalgame et extrapolation ». « Je n’admets pas que l’on traite toutes les étudiantes de lolitas et, s’il y a bien quelques abus – j’en ai connu deux dans une carrière de dix ans – ils ne sont pas généralisables », s’insurge-t-il, s’empressant d’ajouter que son association « ne veut pas balayer la question et entend même s’en saisir pour analyser précisément les éventuelles pratiques discriminatoires »
- SOURCE LE MONDE