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 d’ADHEOS

Comment reconnaître l’existence de deux mères pour un enfant? L’hypothèse de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes pose l’épineuse question de la filiation, casse-tête juridique qui divise même les associations militant pour les droits des homosexuels.
 
 
Aujourd’hui, la PMA en France est réservée aux couples hétérosexuels. Quand un couple de femmes y a recours à l’étranger, la conjointe de la mère biologique peut adopter l’enfant après sa naissance. Si la PMA est autorisée à toutes les femmes, via une loi attendue à l’Assemblée fin septembre, le droit devra être adapté.
 
Plusieurs solutions sont envisagées. Elles ont été évoquées mardi lors d’une rencontre entre la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, et les différentes associations. Le Gouvernement a retenu l’option qui est "le plus à même de permettre un débat apaisé", a assuré mercredi le Premier ministre Edouard Philippe dans sa déclaration de politique générale, sans toutefois préciser laquelle.
 
Quelle qu’elle soit, elle entraînera sans doute un bouleversement du Code civil. Car "pour la première fois en droit français", il faudra "dissocier radicalement les fondements biologique et juridique de la filiation d’origine", a souligné le Conseil d’Etat dans un rapport l’an dernier.
 
L’une des options a été proposée en janvier par la mission parlementaire chargée de préparer le débat législatif, présidée par le député LREM Jean-Louis Touraine. Elle consiste à créer un nouveau régime pour les couples bénéficiaires d’une PMA avec donneur, qu’il s’agisse d’hétérosexuels ou d’homosexuelles.
 
Avant la PMA, le couple devrait rédiger devant notaire une "déclaration commune anticipée", à transmettre à l’officier d’état civil au moment de la déclaration de naissance, afin que les deux parents soient reconnus comme tels.
 
"Ce système met à égalité tous les enfants conçus par PMA avec donneur", estime Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentales (ADFH). Mais si cette solution est adoptée, le fait qu’un enfant soit né par PMA sera porté sur son état civil, ce qui n’est pas le cas actuellement. C’est pourquoi d’autres associations y sont opposées.
 
Stigmatisation ?
 
"Le fait qu’un enfant soit né d’un don relève de sa vie privée", fait valoir Nicolas Faget, porte-parole de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), selon laquelle ces enfants seraient alors "stigmatisés". "Parler de stigmatisation est un mensonge éhonté", objecte Alexandre Urwicz. "La mention du don serait uniquement portée sur l’acte intégral d’état civil, que seuls la personne ou ses parents peuvent demander".
 
Reste que cette mesure pourrait être mal vécue par les hétérosexuels bénéficiaires d’une PMA avec don: elle leur ferait "perdre la possibilité de ne pas révéler à leur enfant son mode de conception", de l’aveu même de la mission Touraine.
 
Les associations qui y sont opposées proposent de transposer aux couples de lesbiennes le dispositif actuellement appliqué aux couples hétérosexuels bénéficiaires d’un don. Si les deux femmes sont mariées, l’épouse de la mère biologique bénéficierait d’une "présomption de co-maternité", et si elles ne le sont pas, la compagne reconnaîtrait l’enfant, comme cela se passe aujourd’hui pour les pères.
 
Ce scénario a cependant été critiqué par le Conseil d’Etat. Son argument: ce système est basé sur la "vraisemblance" et reflète "une vérité biologique". En clair, l’homme d’un couple qui a eu recours à un don de sperme pourrait être le père biologique sans que cela semble invraisemblable, ce qui n’est pas le cas pour un couple de femmes. Le Conseil d’Etat a proposé une solution médiane: l’établissement d’une "déclaration commune anticipée" qui, en cas de PMA avec don, serait réservée aux seuls couples de lesbiennes et non aux hétéros.
 
Les associations y sont toutefois opposées au motif que cela différencie les homosexuelles des hétérosexuels. Les adversaires de l’ouverture de la PMA, eux, rejettent en bloc toutes les solutions. "Bricoler une filiation mensongère, en rupture délibérée avec le biologique, n’est pas acceptable dans son principe même", assure à Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita, association qui s’était déjà opposée au mariage des homosexuels. "L’amputation du père, le fait d’escamoter toute référence masculine pour l’enfant, est une maltraitance originelle", juge-t-il.