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 d’ADHEOS

Le Vatican va être soumis jeudi au feu roulant des questions d’experts du comité pour les droits de l’enfant de l’ONU sur la pédophilie dans l’Eglise, un énorme scandale qu’il est accusé d’avoir cherché à étouffer et minimiser.
 
Mgr Charles Scicluna, ancien «promoteur de justice» (procureur) jusqu’à l’an dernier au Vatican sur ces dossiers, et connu pour sa détermination dans ce rôle, sera l’une des personnalités envoyées par le Vatican pour répondre à l’interrogatoire de Genève.
 
C’est au début des années 2000 aux Etats-Unis que les crimes, perpétrés surtout dans les années 60, 70 et 80, sur des milliers d’enfants par le clergé avaient commencé à faire surface. Le scandale était double, parce que la haute hiérarchie a été accusée souvent d’avoir protégé les coupables, en les mutant, pour préserver la bonne réputation de l’institution.
 
«C’est un moment important pour ceux d’entre nous qui furent violés ou victimes de sévices sexuels de religieux quand ils étaient enfants», a expliqué à la presse Barbara Blaine, présidente de SNAP (Survivors Network of those Abused by Priests), un réseau de victimes ayant son siège aux Etats-Unis, à propos de la réunion de Genève.
 
«Nous espérons que, finalement, la vérité sortira au grand jour et surtout que les dirigeants de l’Eglise changeront d’attitude, que le pape François prendra des décisions pour vraiment protéger les enfants», a-t-elle ajouté.
 
Tolérance zéro
 
Sous Benoît XVI, le Vatican a demandé pardon aux victimes. Des consignes de tolérance zéro ont été données aux évêques. La collaboration avec les autorités civiles a été recommandée. Mais les associations estiment qu’il ne s’agit que de bonnes paroles, que le Vatican se dérobe.
 
Le Saint-Siège a notamment refusé en décembre au Comité de l’ONU de répondre à un questionnaire envoyé en juillet concernant les dossiers de pédophilie sur lesquels la Congrégation vaticane pour la doctrine de la foi (CDF, ancien Saint-Office) enquête.
 
Le Vatican estime que son enquête ecclésiastique doit être tenue secrète pour protéger témoins et victimes, et qu’il n’est pas compétent pour la collaboration entre Eglise et justices nationales.
 
Deux conceptions s’opposent : celle des associations de victimes qui considèrent que le Vatican devrait être tenu pour responsable pénalement des crimes de ses évêques et de ses prêtres. Celle du Vatican qui juge qu’il n’est pas responsable d’actes commis dans les diocèses.
 
La session de Genève survient à un moment où la pédophilie dans l’Eglise fait encore la une dans plusieurs affaires : la direction du mouvement conservateur des Légionnaires du Christ, encore discrédité par le scandale de pédophilie dans lequel est impliqué son fondateur, le père mexicain Marcial Maciel, est réunie pour procéder à sa refonte. Jusqu’où a été l’omerta, jusqu’où va l’opération transparence dans ce mouvement ?
 
Un site internet polonais a révélé par ailleurs que le Vatican aurait refusé l’extradition vers la Pologne de Mgr Jozef Wesolowski, soupçonné de s’être livré à des actes de pédophilie lorsqu’il était nonce en République Dominicaine.
 
La justice vaticane avait ouvert une enquête. Les modalités de l’instruction et d’un éventuel procès sont encore floues, le Vatican ayant modifié l’été dernier son code pénal : toutes les personnes travaillant pour le Saint-Siège, y compris les cardinaux et ses représentants diplomatiques à l’étranger, peuvent désormais être poursuivies pour pédophilie.
 
Un membre espagnol de SNAP, Miguel Hurtado, présent à Genève, a accusé le Vatican de refuser de changer vraiment de mentalité.
 
Il a critiqué à titre d’exemple le fait que l’évêque de Kansas City, Robert Flinn, ait été maintenu à son poste en 2012 après avoir été condamné pour avoir protégé un prêtre ayant fait subir des sévices.
 
«S’il avait réclamé l’ordination des femmes ou la contraception, il ne serait pas resté un jour de plus. Mais il a +seulement+ omis de dénoncer un abus sexuel sur un enfant aux autorités», a-t-il ironisé.
 
François a annoncé en décembre la formation d’une commission d’experts pour la protection des mineurs dans l’Eglise. Mesure bien accueillie par certaines associations, mais que SNAP a qualifié de «pansement minuscule» et sans aucune signification.
 
Le Vatican avait ratifié en 1990 la convention sur les droits de l’enfant. En 1995, il avait été soumis à un premier interrogatoire du comité, mais le scandale n’avait alors pas éclaté.