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 d’ADHEOS

Au lendemain du rejet du mariage pour les homos à l’Assemblée nationale, TÊTU interroge le député auteur de la loi. Il s’exprime sur son regret, son espoir pour l’avenir de son texte, l’UMP et… Christian Vanneste.

 
C’est lui qui, il y a plus de dix ans, avait écrit avec Jean-Pierre Michel la loi portant création du pacs. C’est à nouveau lui, qui, en 2006, a écrit la proposition de loi sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, débattu la semaine dernière et finalement rejeté hier à l’Assemblée nationale. A cette occasion, TÊTU fait le point avec Patrick Bloche, député socialiste et maire du 11e arrondissement du Paris, sur la façon dont il a vécu ces derniers jours dans l’hémicycle, sur les derniers outrages de Christian Vanneste et sur l’état du débat sur le mariage pour tous.
 
 
TÊTU: Quelle est votre réaction à l’issue du vote négatif d’hier soir?
Patrick Bloche: Vu que la majorité requise était à 258 voix, je remarque qu’il n’y a plus que 36 députés à convaincre ! (Rires) Plus sérieusement, le résultat était plus que prévisible. Les lignes politiques se sont appliquées, comme souvent. J’espérais qu’elles auraient pu bouger un peu plus.
 
Tout de même, neuf députés UMP, et un au Nouveau centre, ont voté pour… Peut-on dire que ces lignes commencent à bouger?
Lorsque j’ai soumis la loi sur le pacs, en 1999, il n’y avait qu’une députée de ce camp à voter pour en première lecture, c’était Roselyne Bachelot. Cette fois, il y a neuf députés qui ont vraiment voté en fonction de leurs convictions personnelles, c’est tout de même peu quand le mariage a déjà été voté dans un certain nombre de pays européens, en Afrique du Sud, en Argentine ou au Canada… Neuf, c’est déjà cela. Mais je constate que pour faire avancer les droits, il faut une majorité politique claire. Comme sous François Mitterrand en 1982 pour dépénaliser l’homosexualité, sous Lionel Jospin en 1999 pour voter le pacs, je souhaite qu’il y ait une majorité de gauche à l’Assemblée nationale en 2012 pour voter cette proposition de loi.
 
Comment avez-vous vécu, jeudi dernier, le débat à l’Assemblée ?
Je l’ai bien vécu, car le débat s’est déroulé de façon beaucoup plus acceptable que ce qui s’est passé en Commission des lois (Brigitte Barèges avait comparé homosexualité et  zoophilie, lire article). On n’a pas assisté à des propos scandaleux. C’était finalement un beau débat, chargé d’émotion, car pour la première fois dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, on a pu débattre de cette question. Il y a eu des arguments opposés, ce qui est normal, mais les interventions de Franck Riester et d’Henriette Martinez ont été des éléments de fraîcheur.
 
Quand Christian Vanneste évoque une «aberration anthropologique», est-ce un nouveau dérapage grave ou une saillie de plus de la part d’un député UMP que l’on est habitué à entendre sur ce terrain?
Il avait déjà fait la même déclaration en Commission des lois (donc à huis clos, NDLR). C’est évidemment scandaleux, et je condamne totalement ces propos. C’est du Vanneste tout craché, qui s’arroge, parce qu’il est prof de philo, des compétences qu’il n’a pas. Mais en matière d’anthropologie, je lui préfère Maurice Godelier, un spécialiste de grand talent, qui a lui-même mis en avant, dans les sociétés qu’il a étudiées à-travers le monde, que l’union entre personnes de même sexe et l’homoparentalité sont parfaitement acceptées dans des sociétés très différentes de la nôtre.
 
Il n’a pas répété ces mots en séance, cette fois, mais dans les couloirs de l’Assemblée. Selon vous, y a-t-il matière à un nouveau procès Vanneste?
On a des associations performantes pour sanctionner des propos à caractère homophobes, je leur fais confiance pour utiliser la loi de 1881 sur la liberté de la presse, que j’ai moi-même contribué à réformer pour que ce soit possible en pareil cas.
 
Lors du débat à l’Assemblée, jeudi, vous avez insisté sur le fait que votre texte «ne traite que de l’homoconjugalité, pas de l’homoparentalité». Or, les dispositions du Code civil sur le mariage reviennent à de multiples reprises sur les enfants du couple. Peut-on donc si facilement dissocier ces deux questions?
Je pense qu’on peut dissocier les deux, et je crois même qu’on doit le faire. Le lien, qui était étroit hier, entre mariage et procréation, s’est distendu. Ainsi, on peut désormais se marier sans avoir un projet familial. Inversement, une majorité de premiers enfants naissent hors mariage. La logique de cette union n’est donc plus celle d’autrefois. Et ma proposition de loi a donc été construite pour ne traiter que de la conjugalité, en laissant de côté ce qui concerne l’homoparentalité. Pas par gêne ou frilosité de notre part – le Parti socialiste a clairement pris position pour l’adoption et la PMA – mais parce qu’on ne voulait pas que la majorité actuelle prenne prétexte de son opposition à l’homoparentalité pour refuser l’ouverture du mariage. Visiblement, ça n’a pas suffi.
 
Tous les partisans depuis hier se donnent «rendez-vous en 2012», vous aussi sans doute – d’ici-là, pensez-vous que le débat sur le mariage homosexuel aura lieu à nouveau?
J’espère qu’il aura lieu, parmi d’autres thèmes, dans le cadre de la prochaine élection présidentielle. Mais le scrutin d’hier a eu valeur de test. Je vois mal, demain, Nicolas Sarkozy se prononcer subitement pour le mariage ou l’homoparentalité.
 
Pourtant, l’UMP a annoncé hier ouvrir un groupe de travail sur les droits des homos. Faut-il croire que les choses peuvent avancer par la droite d’ici à 2012?
J’espère que nos concitoyens vont s’estimer vaccinés! Tout d’un coup, le jour où on rejette le mariage, faire cette annonce… Cela fait neuf ans que la droite est au pouvoir et il n’y a eu aucune réelle avancée des droits. Nicolas Sarkozy n’a pas tenu ses promesses. La droite, qui s’était opposée au pacs en 1999, s’en félicite aujourd’hui et considère que cela suffit pour les homosexuels. C’est le maintien des discriminations, pas l’égalité des droits! Après, les couples homosexuels feront ce qu’ils voudront. Est-ce qu’ils se marieront en nombre? Là n’est pas la question. Le problème n’est pas de nature statistique, c’est une question de liberté de choix.