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 d’ADHEOS

INTERVIEW. Chef de service d’une association éducative du Nord, Julien Plichon a été victime d’un licenciement homophobe. La Cour d’appel de Douai vient enfin de reconnaître l’étendue du préjudice. Pour TÊTU, il revient sur ses quatre ans de combat.

 
 
Après quatre années d’une longue et pénible procédure, Julien Plichon vient de remporter son procès en appel. Licencié en raison de son orientation sexuelle, cet ancien chef de service d’une association éducative du Nord, la Flasen, n’avait reçu en 2010 que 10.000 euros de dédommagement devant le conseil des prud’hommes de Lille. Les juges avaient estimé qu’il y avait bien discrimination mais que Julien avait tout de même été licencié «sur une cause réelle et sérieuse», et ce malgré une décision de la Halde en sa faveur (lire article).

 
 
Devant la Cour d’appel de Douai, la victoire est bien plus nette: le licenciement est jugé sans fondement, Julien bénéficie de la résiliation de son contrat de travail, de 20.000 euros de dommages et intérêts ainsi que 15.000 euros en dédommagement du préjudice moral. Bref, une victoire totale, dont il se félicite aujourd’hui auprès de TÊTU.
 
TÊTU: Comment analysez-vous le jugement de la Cour d’appel de Douai en votre faveur?
Julien Plichon: Cette affaire d’homophobie au travail est l’une des premières à être allée aussi loin, la plupart des discriminations étant très difficiles à démontrer. Le jugement en appel a clairement mis en cause la présidente et le conseil d’administration de la Flasen, qui ont fermé les yeux durant toute cette histoire.
 
«Cette histoire m’a coûté ma carrière, ma santé, mes valeurs, mes amis, l’homme avec qui je vivais» Comment avez-vous découvert l’homophobie de votre direction?
C’est lors d’un déjeuner de travail que j’ai révélé mon homosexualité devant plusieurs de mes collègues. J’étais jusqu’alors resté discret sur mon orientation sexuelle, mais les propos homophobes tenus à l’encontre de l’un de nos collaborateurs m’ont poussé à parler. Une semaine après, j’étais convoqué par le directeur dans son bureau, en présence de la présidente de l’association. Je devais accompagner des ados à Malte, mais on m’a bien dit qu’on ne «voulait pas de problèmes de mœurs pendant le séjour»!
 
Et ensuite?
La situation s’est dégradée. J’ai été mis au placard et harcelé. On a cherché à me licencier à tout prix, pour des fautes anciennes et sorties d’on ne sait où. Ma position de délégué du personnel m’a protégé durant six mois mais passé ce délai, j’ai perdu mon emploi le 12 avril 2007. J’ai choisi de me battre et de prouver qu’on m’avait traîné dans la boue parce que je suis homosexuel. Tout cela a pris du temps mais la Halde a rendu deux décisions attestant que l’homophobie avait bien déclenché mon licenciement. Malgré cela, les prud’hommes ne m’ont accordé qu’une victoire partielle. Aujourd’hui enfin, j’ai l’impression que justice m’est rendue.
 
Qu’attendez-vous aujourd’hui?
Même si j’ai un nouveau boulot, cette histoire m’a coûté ma carrière, ma santé, mes valeurs, mes amis, l’homme avec qui je vivais à l’époque… Je suis l’un des premiers à bénéficier d’un tel jugement et quelque part, j’ai eu de la chance: celle d’être soutenu par mes collègues et paradoxalement, la chance d’être tombé sur des homophobes convaincus, trahis par leur propre bêtise! Tout ce que j’espère désormais, c’est que les personnes qui ont laissé faire ne resteront pas en poste. La Flasen est une association humaniste qui lutte contre les discriminations, alors qu’elle n’a rien fait malgré mes nombreux courriers. Elle doit retrouver ses valeurs, et ce n’est pas possible avec ses dirigeants actuels.