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 d’ADHEOS

A l’occasion du décès du «triangle rose» Rudolf Brazda, un historien rappelle que des milliers d’hommes ont été déportés pour homosexualité durant la Seconde guerre mondiale.
 
Suite au décès de Rudolf Brazda, hier (lire article), l’historien Mickael Bertrand, qui a dirigé un ouvrage collectif sur le sujet publié en 2011*, rappelle que de 5.000 à 15.000 personnes ont été déportées en raison de leur homosexualité dans les camps de concentration nazis en Europe, dont une soixantaine de Français.
 
Combien de personnes en Europe et en France ont été déportées dans les camps de concentration en raison de leur homosexualité?
A l’échelle européenne, on accepte une estimation de 5.000 à 15.000, reconnue par le mémorial de l’Holocauste de Washington. En France, on a longtemps estimé ce chiffre à plusieurs milliers mais depuis nos recherches, il y a trois ans, on recense 63 déportés vraisemblablement pour motif d’homosexualité. Mais on n’a pas la preuve réelle qu’elles ont été arrêtées en raison de leur sexualité. On travaille au cas par cas. Il y en a vraisemblablement plus mais cela se joue à quelques dizaines. Ca ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de déportés homosexuels pour d’autres motifs parce qu’ils étaient juifs, résistants…etc. On n’a aucun exemple de femme homosexuelle déportée pour ce motif en France. Il y en a quelques unes en Allemagne. Le lesbiennisme était moins visible et les nazis eux-mêmes ne le considéraient pas comme une déviance, tandis que l’homosexuel masculin gâchait à leurs yeux la semence nazie pour repeupler la race aryenne.
 
Jusqu’aux années 60 environ, l’homosexuel rentré des camps de concentration ne raconte pas et sinon, on ne l’écoute pas. Les archives françaises mentionnent-elles ces déportations?
Pas vraiment. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Dans les années 20, 30, l’homosexualité était assez bien acceptée à Berlin et Paris, considérées comme des villes plutôt ouvertes sur cette question. Puis il y eut le coup de tonnerre de la fin des années 30. On en retrouve des traces, notamment une lettre d’un sénateur français se plaignant de ne plus savoir comment traiter les homosexuels dans le port de Toulon. La réaction du gouvernement à ce moment-là est de dire qu’on ne peut pas faire de fichage ni les persécuter. On les attaque mais autrement (pour attentat à la pudeur, raccolage sur la voie publique, relations sexuelles avec des mineurs…).
 
Les déportés dont l’homosexualité a été la cause de déportation ont-ils été indemnisés?
La sexualité est considérée dans le droit français comme quelque chose d’intouchable. Les historiens ont souvent accès à ces dossiers par dérogation. Plusieurs cas apparaissent. Jusqu’aux années 60 environ, l’homosexuel rentré des camps de concentration ne raconte pas et, le cas échéant, on ne l’écoute pas. Ensuite, certains ont fait des demandes d’indemnisation en sachant pertinemment que leur motif était leur homosexualité. L’administration française a refusé. Ensuite, ça a été le combat de Pierre Seel, décédé en 2005. C’est le seul déporté pour motif d’homosexualité qui se soit fait connaître et le seul connu à avoir été indemnisé à ce jour. Il a obtenu cette reconnaissance au début des années 90. Rudolf Brazda, que j’ai rencontré, était allemand.
 
LES POLITIQUES RÉGISSENT À LA MORT DE RUDOLF BRAZDA

 
 
A l’annonce du décès de Rudolf Brazda, le conseiller régional PS Jean-Luc Romero, et l’éditeur de sa biographie, Florent Massot, «saluent la mémoire d’un homme qui, malgré les terribles souffrances endurées, avait choisi très courageusement de témoigner».
 
Le Parti socialiste a salué le «parcours» de M. Brazda, soulignant qu’il avait «mobilisé sa mémoire et sa parole pour lutter contre l’oubli et contre l’homophobie».
 
Pour Ian Brossat, président du groupe PCF-PG au Conseil de Paris, «son parcours rappelle la nécessité de combattre pied à pied l’homophobie au même titre que toutes les formes de discriminations».
 
Les obsèques de Rudolf Brazda se dérouleront lundi à Mulhouse. «Sa dépouille sera incinérée et ses cendres déposées à côté de celles de son compagnon de vie de plus de 50 années, Edouard Mayer, décédé à Mulhouse en 2003», ajoutent ses amis.
 
L’association «Les Oublié(e)s de la Mémoire», a ouvert sur son site internet un registre de condoléances.
 
 
  •  Source TETU
  • Mickael Bertrand, La déportation en France, débats d’Histoire et enjeux de mémoire, édition Mémoire active.