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 d’ADHEOS

Depuis la promulgation de la loi interdisant l’homosexualité au Nigeria, le 7 janvier dernier, les intimidations et arrestations se sont accentuées dans le pays. Les personnes de même sexe qui s’afficheront publiquement risqueront désormais une peine de dix ans de prison. Le point sur les conséquences directes et indirectes de cette loi avec Dorothée Delaunay, responsable de la commission LGBTI à Amnesty International France.
 
JOL Press : Quelles sont les conséquences de l’adoption récente de la loi qui restreint les droits des homosexuels au Nigeria ? 
 
Dorothée Delaunay : Les conséquences sont multiples. L’adoption de cette loi a abouti à une chasse aux sorcières au Nigeria. Il y a eu des arrestations de personnes soupçonnées de rentrer dans le cadre de cette loi et d’être pénalisées pour homosexualité. Cela risque d’augmenter davantage les intimidations, le harcèlement, et les violences envers les personnes LGBTI dans un pays où la corruption est importante. Un Etat du Nigeria a dressé une liste des personnes susceptibles d’appartenir à la communauté homosexuelle.
 
JOL Press : Quelle était la législation en vigueur au Nigeria avant l’adoption de cette loi, le 7 janvier dernier ? 
 
Dorothée Delaunay : Avant cette loi, le Nigeria pénalisait déjà l’homosexualité. C’était l’acte homosexuel qui pouvait être punit jusqu’à 14 ans de prison. Cette nouvelle loi élargit le champ des infractions en permettant de pénaliser les personnes de même sexe qui se marieraient, en sachant que le terme mariage est entendu au terme extrêmement large et concerne ainsi les personnes qui vivent ensemble. Cette loi pénalise toute démonstration d’affection entre deux personnes du même sexe, mais aussi les actes de militantisme et les associations.
 
JOL Press : Amnesty a déclaré qu’en signant ce texte, le président avait transformé le Nigeria « en l’une des nations les moins tolérantes du monde ». Qu’en est-il de la situation dans les autres pays africains ? 
 
Dorothée Delaunay : L’homosexualité est criminalisée dans la majeure partie des pays africains. Certains Etats vont même jusqu’à la peine de mort comme la Mauritanie, mais aussi le Nord du Nigeria, où la loi est victime de la Charia. Au Cameroun, les personnes de la communauté LGBTI se font arrêter et jeter en prison, mais il y a d’autres pays où la loi est utilisée davantage comme une menace, une épée de Damoclès au dessus de la population, où les arrestations sont beaucoup moins fréquentes.
 
JOL Press: En promulguant cette loi, le président Goodluck Jonathan tente-t-il de regagner le soutien d’une partie de la population dans un pays très religieux ? 
 
Dorothée Delaunay : Ce projet de loi est en place depuis 2006, il n’y a donc rien de récent… Mais la loi a en effet été promulguée le 13 janvier dernier. La raison peut-être électoraliste mais aussi due à la pression religieuse dans le pays. Comme c’est le cas dans beaucoup de pays africains, les personnes LGBTI sont prises comme boucs-émissaires pour détourner l’attention de l’opinion publique des vrais problèmes du pays.
 
JOL Press: Les associations et la communauté internationale ont fermement condamné cette loi. David Cameron a récemment menacé de restreindre les aides aux pays qui ne respectaient pas les droits des homosexuels. Cette pression permettrait-t-elle la fin de la traque des personnes LGBTI au Nigeria ? 
 
Dorothée Delaunay : Le but ultime serait l’abrogation de cette loi, mais le premier pas serait d’abord la fin des arrestations et la libération des prisonniers. Il faut être très prudent des conséquences qu’impliquerait le retrait des aides internationales. Il ne faudrait pas que cela se retourne contre la population LGBTI : le président pourrait en effet attribuer la responsabilité à la communauté homosexuelle à l’arrêt des aides de la communauté internationale. Cela risquerait donc de les fragiliser et de les stigmatiser davantage dans leur propre pays.