Une peine de vingt ans de réclusion criminelle a été prononcée lundi par la cour d’Assises de l’Hérault à l’encontre d’un homme jugé depuis jeudi pour le meurtre d’un travesti, en août 2006, à Montpellier.
Les jurés ont suivi les réquisitions de l’avocat général qui avait refusé de demander le maximum de la peine encourue, soit trente ans, parce qu’il n’avait pas la preuve formelle qu’Hassan Demir avait commis un crime homophobe.
"Vous encourez 30 ans. J’ai cherché des circonstances atténuantes mais je n’en ai pas trouvées. Cependant je ne demande pas le maximum car je n’ai pas la preuve totale que vous ayez agi par haine homophobe", a affirmé l’avocat général Alain Guglielmi.
Sur son banc, Hasan Demir, 35 ans, d’origine turque, qui a défendu pendant tout le procès la thèse d’une forme de légitime défense est resté impassible. Selon lui, le 25 août 2006, alors qu’il rentrait du travail, il avait été agressé par deux hommes, dont un travesti. Sous la menace d’un couteau, il aurait été conduit chez le travesti, où ce dernier lui aurait mis son sexe devant la bouche, tandis que l’autre homme (jamais identifié) serait parti. C’est par peur d’être violé et de mourir qu’il dit avoir réagi, sorti son couteau et tué Guy Labarrière, un ancien rugbyman, dit Le Bison, devenu Éva, une prostituée.
Malgré une trace ADN retrouvée dans la salle de bain, cette affaire a failli ne jamais aboutir. Pendant quatre ans, la police n’a pas avancé et un non lieu avait été prononcé. Le coup de théâtre est intervenu en septembre 2010 quand une femme s’était présenté à la police pour dénoncer son ex-compagnon, dont d’ailleurs elle a confirmé la thèse. Seulement pour l’avocat général, ce mode défense est "invraisemblable". "Un passant agressé par 1 ou 2 travestis, j’ai jamais lu ça dans le Midi Libre", a lancé le magistrat.
Surtout pour lui, ce meurtre ne correspond pas au profil de la victime qui se "prostituait seule", avait "un rôle passif dans les relations sexuelles" mais avait un penchant pour l’alcool voire la drogue.
Multiples scénarios
"Guy Labarrière avait de la délicatesse d’âme dans le corps d’un rugbyman. C’était une victime de la vie avant d’être une victime d’un crime atroce", a-t-il relevé. Pour Alain Guglielmi, il y a un regret, celui qu’au cours de l’audience, l’accusé ait refusé d’expliquer comment et pourquoi il a donné 133 coups de couteau. Aussi il a échafaudé des scénarios.
"Vous entreteniez une relation amoureuse avec ce travesti, comme peut le laisser penser des déclarations de votre famille. Ou vous avez eu une pulsion soudaine. C’était peut-être une rencontre fortuite et il vous a fait des avances et cela a mal tourné.
Ou encore vous avez voulu le voler", a énuméré Alain Guglielmi, sans aucune certitude, admettant qu’une chose, sa difficulté à reconnaitre une homosexualité réelle ou latente. "Je comprends que le déterminisme culturel que vous subissez rend délicat à expliquer à votre famille votre situation" ou votre attirance pour l’alcool, a dit le magistrat.
L’avocate de la partie civile, Me Véronique Rolfo, a elle aussi auparavant démonté la thèse "abracadabrantesque" de la légitime défense de l’accusé. Et de relever notamment que les 133 coups de couteau montrent plutôt une rage homicide.
Les avocats de cet homme décrit comme très intelligent ont défendu "la vérité d’un homme qui ne buvait pas plus qu’un autre et n’était pas violent avant les faits" mais qui s’est mis à boire et à être violent après, selon Me Martine Figueroa
Pour Me Figueroa, Hasan Demir a subi une tentative de viol, ce qui "inacceptable" pour lui. "En Turquie, l’homosexualité est le symbole de la honte", a-t-elle affirmé. "Il est coupable, mais il faut savoir quel coupable il est", a repris Me Luc Abratkiewicz. Et d’imaginer: "Peut-être l’a-t-il suivi pour l’expérience interdite. Il s’est passé quelque chose. Et quelque chose explose, se casse en lui".
- SOURCE E LLICO