NEWS
Les actualités
 d’ADHEOS

Ils sont parents d’un petit garçon né d’une mère porteuse aux Etats-Unis. Un couple charentais, qui ne cache pas ses convictions catholiques, raconte ses galères, le douloureux regard des autres. Et son bonheur.
 
Mercredi, fin d’après-midi sous le soleil de Saint-Georges-de-Didonne. Dans le jardin d’une petite maison anonyme, des cris d’enfant. Un jeune couple s’ébahit devant les premiers pas de Paul (1), petit garçon plein de vie, frimousse coquine, et regard azur ravageur. Scène de bonheur familial ordinaire.
 
Et pourtant… rien n’est moins ordinaire que l’histoire de Paul, enfant de la GPA (gestation pour autrui), interdite en France (lire encadré). Paul, fruit de la fécondation médicalement assistée de l’ovocyte donné par une jeune Mexicaine de Tijuana et du sperme de son papa, Antoine. Paul, porté par une mère-porteuse «chicano» californienne de 23 ans. Paul, né aux Etats-Unis, il y a un peu plus d’un an.
 
Antoine et Coralie, ses parents, se sont rencontrés il y a vingt ans. Se sont mariés en 2008 «à l’église», tiennent à préciser ces Charentais installés depuis quelques mois sur le littoral.
 
Coralie est catholique convaincue, consacre une partie de son temps à «assister les pèlerins de Lourdes», glisse-t-elle en triturant du bout des doigts le médaillon de la vierge qu’elle porte autour du cou. La GPA, l’Eglise ne veut pas en entendre parler. Mais pour Antoine et Coralie, c’était l’unique solution «d’avoir un enfant», un rêve qu’ils poursuivent depuis des années.
 
L’église, Lourdes…
et la GPA
 
Mais de gros ennuis de santé ont rendu Coralie infertile. Elle ne peut pas non plus porter d’enfant, ce qui interdit la procréation médicale assistée.
 
«Se retrouver dans cette situation, alors que notre désir d’enfant était immense, était une souffrance terrible. Quand, dans notre entourage, on nous annonçait une naissance, c’était comme si la lame du couteau s’enfonçait un peu plus à chaque fois», résume Antoine.
 
Ils ont envisagé l’adoption mais n’ont pas retenu cette option. Faire appel à une mère porteuse. La solution «s’est imposée d’elle-même». Il a fallu battre en brèche quelques réticences familiales «même si dans l’ensemble, nos proches nous ont compris et énormément soutenus.»
 
Certains ont même viré leur cuti. Comme cet oncle, catho tradi. Il a quitté les rangs de la «Manif pour tous» en guerre contre le mariage homo et la GPA lorsque Coralie et Antoine lui ont posément expliqué leurs démarches.
 
Des démarches infiniment complexes pour trouver un ventre maternel, qui ont mis un peu plus de cinq années à aboutir. «On ne savait pas du tout comment s’y prendre. On s’est tourné vers des associations… qui n’ont pas le droit de donner des tuyaux trop précis au risque d’être poursuivies en justice.»
 
100.000 euros
pour un enfant
 
Pour des raisons éthiques, ce ne sera pas l’Inde ou l’Ukraine et leurs filles mères exploitées mais la Californie où la GPA est autorisée. «Il a fallu trouver une agence proposant des mères porteuses. Il y en a à tous les coins de rue. Comme les agences immobilières, certaines font mal leur travail. Nous, on est tombé sur la bonne, qui nous a envoyé des CV hyper détaillés.»
 
«On voulait une mère de famille blanche, qui nous ressemble.» Ce sera finalement Clara, 23 ans, caissière, trois enfants, et d’origine mexicaine. «On s’est parlé sur internet, via Skype, le courant est très bien passé… Elle avait très envie de le faire. Pour l’argent bien sûr, mais aussi pour aider. Les Américains sont capables de mélanger affectif et affaires sans perversion.»
 
C’est parti. Roissy-Californie. Signature des contrats, hyper bordés par une firme d’avocats notamment «pour s’assurer que la mère porteuse ne gardera pas l’enfant une fois celui-ci né».
 
Il a fallu sortir l’argent. Beaucoup d’argent. 8.000 € pour les avocats, 8.000€ aussi pour la donneuse d’ovocyte, 24.000€ pour la mère porteuse… auxquels s’ajouteront les factures médicales, les allers-retours en avion et autres faux frais Au total, Paul aura «coûté» 100.000 €.
 
«On ne peut pas mettre au monde un enfant mais pour se donner les moyens d’en avoir un on doit débourser une fortune. C’est la double peine», s’insurge Antoine qui se souvient de «ces couples peu fortunés croisés dans des assos’ qui ont renoncé la mort dans l’âme à un enfant parce que c’était tout simplement trop cher». Pour trouver les fonds, Coralie, elle, a été contrainte de vendre la petite entreprise qu’elle gérait.
 
Les problèmes. Les lourdeurs administratives. Puis la délivrance. Après une grossesse sans histoire, Paul naît, au printemps 2014. Antoine et Coralie sautent dans l’avion. Passent un mois sur place «dans un état de bonheur assez irréel», grandement aidés «par le personnel extraordinaire de la clinique et de l’agence: des gens formidables» et regagnent la Charente. Tous les trois.
 
Mais avec un enfant étranger. Paul dispose de papiers américains qui stipulent que ses parents sont bien Coralie et Antoine. Mais il n’a pas la nationalité française. Et n’est peut-être pas près de l’avoir. C’est tout l’objet des batailles judiciaires qui opposent actuellement les parents d’enfants nés de GPA à l’Etat français, qui refuse de les reconnaître.
 
Avant que Paul n’obtienne un numéro de sécurité sociale, il a même fallu, pendant quelques mois, croiser les doigts pour qu’il n’ait pas de pépins médicaux pour lesquels il n’aurait pas été couvert. «Et c’est un proche, médecin, qui s’est chargé d’administrer des vaccins qu’on a payés à prix d’or.»
 
Et Clara, la mère porteuse, dans tout ça? Le couple l’a rebaptisée «nounou». Sa photo est en bonne place au-dessus du lit de Paul «à qui on ne cachera rien de son histoire». Elle est restée en contact avec Antoine et Coralie. «Vous offrir un enfant est une des plus belles choses que j’ai fait de ma vie», vient-elle de leur écrire.
 
(1) Le prénom de l’enfant a été modifié à la demande des parents qui n’ont pas non plus souhaité apparaître à visages découverts. «On a tellement combattu, tellement souffert aussi qu’on ne veut pas devenir la cible des opposants à la GPA», explique le couple pour se justifier.