Deux ans après les premiers émois contre le projet de loi, les mariés racontent leur quotidien.
Deux ans après les premiers émois contre le projet de loi, les mariés racontent leur quotidien.
En novembre 2012, le président François Hollande abordait pour la première fois l’un de ses engagements de campagne en Conseil des ministres : l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. La présentation de ce projet de loi allait donner le coup d’envoi à plusieurs mois de mobilisation intenses, à de farouches débats et à des prises de position… tranchées.
Deux années plus tard, la pression semble retombée. En Charente-Maritime, les premiers mariages ont été consommés dès juin 2013, loin du tumulte ambiant. Après des noces forcément remarquées, les couples concernés ont repris le cours de leur vie, et mesuré l’étendue de leurs nouveaux droits. « Tout est plus simple aujourd’hui », confirme Christian Marsauld.
Certificat de célibat
Installé depuis huit ans à Royan, ce sexagénaire a épousé en août 2013 un Italien de 69 ans, Fiorenzo Laudi. Après vingt-trois années de vie commune, ces « vieux jeunes mariés » ont décidé de sauter le pas. Une évidence pour ces deux hommes qui n’imaginaient pourtant pas bénéficier, un jour, d’un tel droit.
Seul bémol pour ce couple binational : à ce jour, leur union n’est pas reconnue en Italie. Pour obtenir un certificat de célibat, Fiorenzo Laudi a dû ruser et compter sur la bienveillance des autorités italiennes. Dans son village natal de Besozzo, « c’est ma cousine qui tient l’état civil. Et ma famille, elle parle pas », s’amuse-t-il. Au quotidien, la paperasse administrative est venue sceller leur union plus sûrement qu’un sacrement. « J’ai même eu la prime de mariage de ma mutuelle santé, sans demander ! », raconte Christian Marsauld.
Pour eux, la principale avancée s’est jouée chez le notaire. Fiorenzo Laudi et Christian Marsauld ont opté pour le régime matrimonial de la communauté universelle, soit la mise en commun de la totalité de leurs biens. Ce contrat de mariage permet aujourd’hui à ce couple binational et sans enfant d’entrevoir l’avenir beaucoup plus sereinement. « Le mariage nous a apporté la sécurité. En cas d’hospitalisation par exemple, c’est plus facile. »
Mères et grands-mères, Jeannette Beauvais et Monique Léonard attendaient, elles, ce moment depuis trente-cinq ans. Leur mariage a été célébré aux Essards, en août 2013. Depuis, leur livret de famille les accompagne dans chacun de leurs déplacements, comme la preuve et l’aboutissement d’une histoire d’amour entamée en 1978. Pour ces deux femmes, rien n’a véritablement changé, « à part les impôts ». « Nous nous sentons plus rassurées pour les biens. C’est aussi un aboutissement », explique Jeannette Beauvais. « Ce que nous avons acquis, nous l’avons eu ensemble », avance Monique Léonard. Tous leurs papiers mentionnent ainsi leurs deux noms depuis belle lurette.
Désormais épouses l’une de l’autre, Jeannette Beauvais et Monique Léonard refusent pourtant de se présenter ainsi publiquement. « C’est une question de pudeur. Nous avons été habituées comme ça. Nous disons “mon amie” », explique ce discret couple des Essards qui ne veut « pas choquer ».
Vers une adoption
Marié à Matha le 4 août 2013, Bernard Rouhaud partage ce sentiment : « Je dis conjoint, car les gens ne comprennent pas quand je parle de mon mari. » Après vingt ans de vie commune, ce sexagénaire a épousé Peng Saenpinta, un Thaïlandais. Les deux hommes ont été les seuls en Charente-Maritime à essuyer des propos homophobes à l’occasion de leur mariage, un temps remis en cause. La noce a finalement eu lieu : 600 invités au vin d’honneur, et 16 nationalités représentées. « Pour nous, ce n’était que le début. Maintenant, on est trois », sourit Bernard Rouhaud.
Peng Saenpinta a adopté un petit garçon de 4 ans en Thaïlande. Bernard Rouhaud espère voir cette filiation reconnue à son tour, même si « l’imbroglio juridique » sera certainement au rendez-vous pour cet autre couple binational. Les deux hommes comptent s’installer définitivement à Matha l’an prochain, avec leur enfant. « Il ne m’appelle pas encore papa. Mais il me demande souvent pourquoi ce n’est pas le cas », assure Bernard Rouhaud.
- Source Sud Ouest