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 d’ADHEOS

Un an après la condamnation, puis la grâce, du premier couple gay qui s’est affiché au Malawi, les défenseurs des droits de l’homme reconnaissent que l’affaire a brisé des tabous, même si le climat est toujours à l’insécurité. Témoignages.
 
 En 2010, le Malawi s’attirait les foudres de la communauté internationale après la condamnation à quatorze ans de prison d’un couple d’homosexuels qui s’était symboliquement marié. Sous la pression, le président Binguwa Mutharika les avait graciés en mai, alors qu’ils avaient déjà purgé cinq mois de prison. Les deux jeunes hommes avaient finalement annoncé leur séparation un mois plus tard (lire article).
 
 
«Peur des réactions»
Un an après, Taliro, un jeune homo de 28 ans reconnaît que les deux hommes ont ouvert une brèche. «Cette affaire nous a ouvert les yeux. ils ont été des pionniers pour que nous puissions nous lever à notre tour et grâce à eux, maintenant, nous pouvons sortir, vivre notre vie, contrairement à ce qui se passait avant.» «Nous n’avons pas d’endroit pour nous rencontrer, pas de clubs gays, pas de sites de rencontre, rien de tout cela, alors on se sert de contact entre amis pour faciliter les rencontres. Nous nous rencontrons, nous pouvons discuter ou faire de petites fêtes, mais c’est toujours strictement sur invitation. Nous n’invitons que des gens que nous connaissons personnellement et leurs proches, et c’est toujours risqué», témoigne ce garçon, qui a révélé son orientation sexuelle à sa famille, mais préfère tout de même dissimuler son vrai nom.
 
Mais Taliro, rejeté par ses parents pendant trois ans quand il leur a révélé son homosexualité, confirme que la vie n’est toujours pas facile malgré les progrès enregistrés depuis l’affaire des mariés. «Parmi mes amis, certains n’ont rien dit à leurs parents. Ils ont toujours peur des réactions de la société, de la famille», poursuit-il.
 
«Beaucoup plus de débats»
Car chaque pas en avant se heurte encore à l’opposition des autorités, à la menace d’aller en prison et surtout à l’hostilité d’une société qui n’est pas du tout mûre pour accepter l’homosexualité.
 «En ce qui concerne l’attitude du gouvernement, c’est pire qu’avant», assure Chrispine Sibande, un avocat engagé dans la défense des droits de l’homme. «Mais le bon côté des choses, c’est qu’il a eu beaucoup plus de débats dans le pays sur les droits des gays». 
Et la tonalité a commencé à changer.
 
Récemment, un grand panneau en bordure d’une route très fréquentée appelait simplement au «respect des minorités sexuelles». Un affichage qui aurait été impensable avant l’affaire du mariage. Un tribunal a également autorisé la distribution de T-shirts frappés de slogans appelant à la tolérance, dont le stock avait été saisi par décision de justice en mai 2010.
 
L’homosexualité féminine interdite
Pour autant, depuis l’humiliation publique des deux «mariés» condamnés à la prison, aucun gay n’a ouvertement revendiqué sa condition au Malawi. 
«Ils savent qu’ils peuvent se faire arrêter s’ils sont visibles», assure Gift Trapence, directeur du Centre pour le développement de la personne. Pour M. Trapence, il convient de noter que le Malawi ne diffère pas de la majorité des pays africains, où l’homosexualité, condamnée par certaines religions et par les cultures traditionnelles, est hors-la-loi. En décembre, le Malawi a d’ailleurs adopté une loi interdisant l’homosexualité féminine.
 
«Pire que des chiens et des porcs»
L’hostilité envers les gays vient de très haut. En mai, le président Mutharika les a comparés à des chiens, et la télévision publique a ces derniers jours péjorativement traité de «Gay Parade» les manifestations antigouvernementales qui ont tourné à l’émeute en juillet, faisant 19 morts.
 
Les gays sont un bouc émissaire souvent utilisé par le pouvoir pour s’attirer la sympathie d’une société homophobe, analyse Undule Mwakasungula, directeur d’un Centre pour les droits de l’homme et la réhabilitation. «Je me rappelle une fois où des hommes politiques ont dit que nous étions pires que des chiens et des porcs», soupire Taliro. «C’est très humiliant, ça fait mal. Quand vous êtes dans un lieu public et que les gens parlent comme ça, on les regarde et on se dit: si seulement vous saviez !»