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 d’ADHEOS

Malgré une proposition de la Commission européenne visant à supprimer les obstacles à la libre circulation pour les familles LGBTQIA+ dans les États membres, les experts ont déclaré que ces efforts risquaient de continuer à se heurter à l’« identité nationale ».

La proposition de la Commission visant à garantir que les liens parentaux établis dans un pays soient reconnus dans toute l’Union a pour but d’accorder à tous les parents — y compris les couples homosexuels ou les familles « arc-en-ciel » — des droits parentaux au-delà de leurs frontières.

Même si les États membres sont tenus de reconnaître la liberté de circulation et de séjour sur le territoire de l’Union, comme le prévoit l’article 21 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), tous ne reconnaissent pas la parentalité établie ailleurs.

« L’absence de reconnaissance de la filiation peut dissuader certaines familles d’exercer leur droit à la libre circulation dans certains États membres, et elles peuvent décider de ne pas investir pour aller résider dans un autre État membre », a expliqué le commissaire européen à la Justice Didier Reynders lors de la présentation de la proposition le 7 décembre dernier.

Cette proposition fait suite à l’affaire dite « Bébé Sara », dans laquelle l’enfant d’un couple de même sexe originaire de Bulgarie et de Gibraltar, née en Espagne, s’est retrouvée apatride après le refus de la Bulgarie de lui délivrer un certificat de naissance. La Bulgarie n’autorise en effet pas les mariages entre personnes de même sexe dans le pays ou à l’étranger.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déclaré que le bébé et ses parents devaient être reconnus en vertu du droit à la libre circulation, mais l’impasse demeure.

M. Reynders a déclaré que le nouveau règlement garantira les droits d’entretien et de succession à tous les enfants, quelle que soit leur situation familiale, tout en garantissant aux parents le droit de décider sur les questions médicales et éducatives lorsqu’ils se déplacent d’un pays à l’autre.

Un chemin semé d’embûches

De nombreux eurodéputés et États membres de l’UE s’accordent sur la nécessité de reconnaître les droits parentaux à travers le bloc et de veiller à ce que le droit à la libre circulation soit respecté dans chaque État.

« La libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne est un droit pour tous les enfants, y compris les enfants de familles arc-en-ciel », a déclaré l’eurodéputée Maria-Manuel Leitão-Marques, du groupe des Socialistes et Démocrates (S&D), lors d’un débat en plénière sur cette question en novembre.

Certains y ont toutefois vu une tentative de reconnaître les couples et les familles homosexuels à l’échelle de l’UE, empiétant ainsi sur le droit national de la famille. La Commission a pourtant assuré que son objectif n’était pas de modifier la définition juridique de la famille au niveau national.

L’eurodéputé français François-Xavier Bellamy, membre du Parti populaire européen (PPE), estime qu’« avec ce règlement, la Commission veut simplement imposer à tous les États membres un changement qui ne relève en rien de sa compétence : décider de la définition de la famille, de la reconnaissance de la filiation ».

L’eurodéputé bulgare Angel Dzhambazki, du groupe des Conservateurs et Réformistes européens (CRE), a également critiqué la reconnaissance transfrontalière de la parentalité, la qualifiant de tentative de « changer notre mode de vie ».

Alors que la proposition doit être discutée par les États membres, une opposition est attendue de la part de pays conservateurs tels que la Pologne, la Hongrie et la Bulgarie, qui craignent que le règlement ne conduise à une reconnaissance plus large des droits des personnes LGBTQIA+.

Des efforts vains ?

La Commission fait pression pour une meilleure protection du droit à la libre circulation des familles LGBTQ+ sur plusieurs fronts, notamment en révisant les orientations de 2009 pour l’application de la directive relative à la libre circulation sur le territoire des États membres, qui est à « un stade avancé » selon la commissaire à l’Égalité, Helena Dalli.

Pourtant, malgré les efforts visant à améliorer les protections des personnes LGBTQIA+, il est probable que cette question continue à se heurter aux valeurs nationales de certains États.

« La libre circulation n’a jamais été censée être illimitée », a déclaré Alina Tryfonidou, professeure de droit européen. Et d’ajouter que la relation entre l’UE et les États membres est « comme un élastique ».

« D’un côté, vous avez l’UE qui veut faire progresser la libre circulation et protéger les droits fondamentaux des citoyens. D’autre part, vous avez les États membres qui […] veulent s’assurer qu’ils conservent leur pouvoir de réglementer les aspects et les domaines qui sont très importants pour eux. »

Mme Tryfonidou estime que l’UE tente de parvenir au « compromis parfait », mais que des limites à la libre circulation existeront toujours, car elles sont prévues dans les traités.

Le Traité de Lisbonne, par exemple, a introduit le concept d’« identité nationale » en 2009.

« Cela montre en soi que l’UE dit “nous savons qu’il y a des droits prévus par les lois européennes, mais dans le même temps, nous ne voulons pas interférer avec l’identité nationale”. »

 

SOURCE : euractiv.fr