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 d’ADHEOS

L’Argentine, premier pays d’Amérique latine à avoir légalisé le mariage entre personnes du même sexe, a encore étonné cette semaine avec ces avancées, possibles en l’absence de contrepoids conservateur et grâce à une opinion publique urbaine.
 
Le Congrès (parlement) argentin a adopté mercredi et jeudi deux textes précurseurs dans la région : l’un permet aux personnes transsexuelles de s’enregistrer sous l’identité sexuelle de leur choix à l’état-civil (lire article), l’autre légalise le refus de l’acharnement thérapeutique pour les malades en phase terminale.
 
Ils interviennent après la loi sur le mariage entre homosexuels adoptée en 2010 et restée un cas unique en Amérique latine.
 
Droits individuels
«Les deux thèmes constituent une réaffirmation de l’autonomie et des droits individuels», a déclaré à l’AFP la sénatrice du parti au pouvoir Sonia Escudero. Ils reflètent «un élargissement de la conscience des citoyens», a-t-elle dit. «Nous quittons le domaine de la pathologie, du délit, pour voir enfin nos droits reconnus», dit la psychologue Maria Eva Rossi, travesti de 45 ans, enseignante à Bahia Blanca, à 630 km au sud de Buenos Aires.
 
Les quelque 22.000 membres de cette petite communauté en Argentine ont une espérance de vie de 35 ans seulement et plus de 90% se livrent à la prostitution faute d’éducation, ayant dû abandonner très tôt l’école.
 
Une autre loi, adoptée dans la foulée, légalise la possibilité, pour les malades en phase terminale, d’avoir une «mort digne». «Tout ce que nous cherchons, c’est la paix pour Camila et pour toute notre famille qui vit dans un état de mort permanente: c’est très douloureux», a témoigné Selva Herbon, mère d’une fillette de trois ans en état végétatif.
 
Air du temps
Mais comment un pays de 40 millions d’habitants qui se dit catholique à 91% et a longtemps été conservateur, voire militariste, a-t-il pu faire de telles avancées?
 
«D’abord, le péronisme – au pouvoir -, n’est pas né en tant qu’idéologie, mais en tant que mouvement: il sait saisir l’air du temps», explique l’essayiste Beatriz Sarlo. C’est le même parti qui a su mettre en place l’Etat de Bien-être social dans les années 40, les privatisations dans les années 1990 et les nationalisations ou les progrès dans les droits individuels aujourd’hui, fait-elle valoir. Le parti péroniste au pouvoir dispose d’une majorité confortable dans les deux chambres et n’a en face qu’une opposition incapable de s’unir depuis la grande crise de 2001 qui a fait exploser le parti radical alors à la tête de l’Argentine.
 
L’Eglise, quant à elle, a également beaucoup perdu de son poids face à Nestor Kirchner (2003-2007), puis à Cristina Kirchner, réélue pour quatre ans en 2011.
 
Population urbaine
Ensuite, «c’est une société dont l’opinion publique est urbaine, ce qui permet à l’Argentine d’adopter des lois qui demeurent impossibles ailleurs», selon Mme Sarlo. «En France et dans d’autres pays, l’opinion publique a ses racines dans les campagnes», a-t-elle ajouté.
 
La population urbaine argentine, qui représentait 70% de la population totale en 1970, a atteint près de 90% (89,31%) en 2001, date des dernières statistiques disponibles. La plupart des mariages entre personnes de même sexe ont été ainsi célébrés dans les grandes agglomérations du pays: Buenos Aires (1.240), Grand Buenos Aires (1.160), Santa Fe (397), Cordoba (345), Mendoza (320). Au sein de cette population urbaine, les ONG de défense des droits d’individuels font entendre leur voix d’autant plus facilement que le gouvernement y est favorable.
 
Dans le reste de l’Amérique latine, la ville de Mexico, l’Etat mexicain de Coahuila, l’Etat brésilien du Rio Grande do Sul et l’Uruguay permettent aussi les unions civiles entre personnes du même sexe. De leur côté, les Pays-Bas et la Belgique ont été les premiers pays à légaliser l’euthanasie, en 2002.