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 d’ADHEOS

Retrait sous 24 heures des contenus haineux, bouton unique de signalement, coopération judiciaire: au menu mercredi de l’Assemblée, une proposition de loi LREM entend responsabiliser réseaux sociaux et plateformes, au risque de leur donner trop de pouvoir selon les oppositions
 
Internet est "le premier lieu d’expression de la haine aujourd’hui", selon son auteure, la députée de Paris Laetitia Avia. Or "l’impunité règne" après menaces de mort, injures, propos racistes, antisémites, homophobes…
 
"Peu de plaintes sont déposées, peu d’enquêtes aboutissent, peu de condamnation sont prononcées", constate cette avocate de profession, elle-même déjà victime d’un "torrent de haine" pour "le seul fait d’être noire".
 
"On pose des briques pour une régulation, mais ça prendra du temps", avertit déjà le secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O, soulignant dans une interview au journal 20 Minutes lundi qu’"aucun pays dans le monde n’a encore résolu le problème".
 
En première lecture jusqu’à jeudi soir, la proposition de loi sera mise au vote mardi 9 juillet. Le gouvernement entend s’afficher aux avant-postes d’un mouvement mondial de régulation, que même certains géants de l’internet comme Facebook appellent de leurs voeux.
 
Emmanuel Macron est à l’origine, avec la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Arden, de "l’Appel de Christchurch" lancé mi-mai, par lequel une vingtaine de pays ainsi que les géants d’Internet tels Google et Twitter ont promis de lutter contre "les contenus en ligne terroristes ou extrémistes violents".
 
Opinion versus délit
 
Complétant l’arsenal français, la proposition Avia est le fruit d’un travail depuis 2018 dans le cadre du plan gouvernemental contre le racisme et l’antisémitisme. Elle reprend des préconisations du rapport coécrit avec l’enseignant franco-algérien Karim Amellal et le vice-président du Conseil représentatif des institutions juives (Crif) Gil Taïeb, remis en septembre au Premier ministre.
 
Mesure phare, sur le modèle d’une loi allemande de 2018: les plateformes et moteurs de recherche devront retirer sous 24 heures les contenus "manifestement" illicites en raison de la référence notamment à la race, la religion, le sexe, et encore le handicap. A la clé en cas de refus, une amende jusqu’à 1,25 million d’euros pour les plateformes. Les députés ont ajouté en commission la provocation au terrorisme et encore la pédopornographie parmi les contenus dont le retrait pourra être exigé.
 
Pour les utilisateurs, la proposition de loi prévoit aussi la mise en place d’un dispositif unique de signalement ("bouton unique"), commun à toutes les plateformes. Celles-ci devront rendre compte publiquement des "actions et moyens" mis en oeuvre. Elles auront aussi l’obligation d’informer "promptement" les autorités et devront avoir un représentant légal chargé de répondre aux réquisitions.
 
Prenant les devants, Facebook vient de s’engager à communiquer à la justice française les adresses IP des internautes aux propos haineux. Enfin, prévoit le texte, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) veillera au respect du devoir de coopération des opérateurs, et pourra, en cas de manquement persistant, prononcer une sanction allant jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel mondial. La majorité LREM-MoDem soutient ardemment ce texte à enjeux pour "notre démocratie".
 
A gauche comme à droite, tous les députés soutiennent aussi le combat contre la cyberhaine, mais expriment réserves voire franche opposition aux modalités prévues. Les Républicains, comme les élus UDI, PS ou PCF, veulent redonner sa place au juge, et non aux algorithmes des plateformes, pour apprécier ce qui est illicite. "Il ne faut pas confondre opinion et délit", prévient Philippe Gosselin (LR).
 
"Il faudra des moyens financiers et humains extrêmement importants, pour la justice, pour la police, pour l’éducation", alerte aussi Hervé Saulignac (PS).
 
Les Insoumis vont plus loin, jugeant le dispositif "dangereux pour la liberté d’expression". La "multiplication des motifs de blocage est une incitation au surblocage et une multiplication des possibilités de censure par une plateforme privée", alerte Danièle Obono.
 
"Il faut bien évidemment trouver une ligne de crête entre liberté d’expression et protection", temporise Cédric O. La ministre de la Justice Nicole Belloubet a annoncé lancer "une réflexion approfondie sur la liberté d’expression sur les réseaux sociaux"