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 d’ADHEOS

Le député PS de Seine-Saint-Denis Razzy Hammadi a présenté, le 24 juillet, une proposition de loi instaurant l’ action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalité.
 
L’union fait la force. Notamment pour lutter contre les discriminations. C’est du moins la conviction du député PS de Seine-Saint-Denis, Razzy Hammadi, qui présente une proposition de loi (PPL) instaurant l’action de groupe ("class action") en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités.
 
Ce texte a été validé mercredi 24 juillet par les députés socialistes de la commission des lois ainsi que par la direction du groupe PS à l’Assemblée nationale. Cette PPL sera déposée au bureau de l’Assemblée nationale en septembre.
 
Il prévoit qu’un syndicat représentatif ou une association pourra agir devant le juge civil pour obtenir une indemnisation des préjudices individuels subis par des personnes d’une même entreprise, placées dans une situation similaire.
 
Concrètement, l’action de groupe est introduite par le syndicat ou l’association auprès du juge, qui se prononce sur la responsabilité du défendeur et définit les critères permettant à des groupes de victimes de se rattacher à cette action. Le juge détermine ensuite le montant des préjudices individuels des personnes qui ont décidé d’y adhérer. Celles-ci ne se font donc connaître du juge qu’une fois la condamnation prononcée.
 
La PPL n’a pas encore déterminé si le nom de ces salariés sera aussi révélé à l’employeur, les indemnités pouvant être versées "à tout professionnel judiciaire agréé", chargé de les reverser ensuite aux salariés impliqués dans l’action, indique M. Hammadi.
 
"VOEU PIEUX"
 
Mercredi 3 juillet, les députés ont voté, en première lecture, le projet de loi sur la consommation de Benoît Hamon, dont la mesure phare est d’autoriser les actions de groupe pour les consommateurs s’estimant lésés. Ce dispositif devrait prochainement être étendu aux questions de santé et d’environnement, s’est engagé le gouvernement.
 
Le texte de M. Hammadi part du constat que malgré la multiplication des lois et des déclarations en faveur de la lutte contre les discriminations, ces dernières "persistent et leurs condamnations restent très largement un vœu pieux", en particulier en matière d’inégalités salariales entre les femmes et les hommes, les salariées hésitant à engager des actions contre leur employeur quand elles sont encore en poste.
 
De leur côté, certaines entreprises jouent l’immobilisme. Illustration récente de ce phénomène : le 25 avril, Najat Vallaud-Belkacem, ministre du droit des femmes, a annoncé que les premières sanctions sont tombées sur deux entreprises n’ayant pas respecté la loi du 2 novembre 2010, votée sous le gouvernement Fillon.
 
Celle-ci oblige les employeurs de plus de 50 salariés à se doter d’un plan d’action ou d’un accord destiné à éviter les inégalités salariales et d’évolution de carrière entre les deux sexes, ou à les corriger, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale.
 
"PROBLÈME SYSTÉMIQUE"
 
M. Hammadi fait valoir, dans l’exposé des motifs de la PPL, que "de nombreuses enquêtes ont révélé un salaire de 25 % inférieur chez les femmes par rapport aux hommes".
 
Plus précisément, l’Insee a publié, en mars 2013, une étude établissant, pour l’année 2010, un écart moyen de salaire entre les deux sexes de 28 % dans le secteur privé, tous postes et types de contrats (temps partiel et temps plein) confondus. Ce qui représente toutefois une baisse de 4 points par rapport à 2008. A poste et expérience égaux, ce taux passe à 9 %.
 
Pour M. Hammadi, il s’agit d’un "problème systémique", face auquel, espère-t-il, l’action de groupe "accroît le taux de réponse judiciaire et le taux de réussite judiciaire, ce qui constitue une incitation majeure en faveur de l’équité".
 
RÉSERVES PATRONALES
 
Pour Emmanuelle Boussard-Verrechia, avocate de salariés, spécialisée dans les questions de discrimination, l’action de groupe est l’outil manquant, dans un arsenal juridique pourtant conséquent mais qui "reste dans le domaine de l’action individuelle. Ce sont des contentieux isolés, où il y a peu de soutien de la communauté de travail et qui expose les femmes à une éventuelle vindicte de l’employeur". Alors que l’action de groupe, par définition, produit "un effet de groupe qui permet de les protéger. Il faut tout essayer."
 
A l’inverse, côté employeurs, Caroline André-Hess, avocate associée du cabinet Altana, "ne voit pas venir d’un bon œil cette PPL". "L’argument de la discrimination tend déjà à devenir la tarte à la crème dans presque tous les dossiers prud’homaux, constate-t-elle. La PPL va amener une multiplication des actions contre des discriminations, sans qu’il y ait forcément plus de situations de discrimination."
 
Elle craint aussi que ce dispositif "rende plus tendu le climat social, avec des syndicats qui entreront dans un chantage systématique" à l’action de groupe pour obtenir, par exemple, "une mise à niveau des salaires pour le personnel d’une entreprise qui vient d’être rachetée". A moins qu’un dialogue social de qualité permette d’éviter ces tensions.