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 d’ADHEOS

SIDA – "Je ne suis pas une minorité", clame Georgette Epith, une femme séropositive qui a senti le sol se dérober sous ses pieds quand le diagnostic est tombé. Cette institutrice vivait en Afrique, elle avait "bien réussi". Comment a-t-elle été contaminée? Georgette l’ignore, elle soupçonne une transfusion sanguine pendant l’un de ses accouchements. Pour recevoir un traitement adapté, cette mère de famille a dû laisser ses enfants derrière elle et venir vivre en France chez sa sœur.
 
Convaincue que le sida ne devrait pas rester tabou et pour que "la parole se libère", elle est bénévole au sein de l’association Da Ti Seni à Lyon. Georgette Epith écume les salons de coiffure pour rencontrer d’autres femmes africaines et discuter avec elles "de la famille, du pays, des cheveux, du chômage, de la santé, des hépatites… Du VIH, du sida et de la prévention". Mais Georgette Epith ne veut pas être résumée à tout ça "Je suis une femme, une mère, une patiente", témoigne-t-elle dans le livre "10 femmes contre le sida", un ouvrage paru en novembre 2014 quelques jours avant la journée internationale de lutte contre le sida, le 1er décembre.
 
Quand on pense sida, on pense homme, on pense homosexuel, à raison. Mais, on oublie aussi que les femmes représentent un tiers des nouvelles contaminations par le VIH chaque année en France. Si de nombreuses initiatives de sensibilisation sont tournées vers la communauté gay, un collectif, VI(H)E Pluri-elles, marrainé par Princess Erika a décidé de s’intéresser aux femmes. En vingt ans en France, le nombre de femmes contaminées par le VIH a doublé. Pour montrer "la face cachée de l’épidémie", deux femmes, Hélène Cardin et Cathy-France Ziouar ont prêté leur plume à 10 femmes, séropositives, médecins, bénévoles ou encore chercheuses
 
En France, l’épidémie de sida continue à toucher majoritairement les hommes, et plus particulièrement les hommes ayant des relations avec les hommes, la proportion de femmes nouvellement diagnostiquées étant passée de 43% en 2003 à 31% en 2012, selon l’Institut de veille sanitaire (InVS). En 2012, 1.980 femmes ont découvert leur séropositivité sur les 6.372 cas répertoriés en France, dont une grande majorité née à l’étranger, principalement en Afrique subsaharienne.
 
Chez celles nées en France, on a vu apparaître, au delà des prostituées et des toxicomanes, une nouvelle catégorie de femmes à risques, souvent diagnostiquées tardivement. Selon le Dr Karine Lacombe, infectiologue au CHU de Saint-Antoine à Paris, il s’agit des femmes de plus de 50 ans qui "n’ont pas le réflexe du préservatif" lorsqu’elles refont leur vie après une séparation et un divorce.
 
"Je n’ai pas insisté pour qu’il fasse le test VIH parce que j’avais honte de l’âge qui ne manquerait pas d’être mentionné sur le compte-rendu d’analyse que j’aurais à lui montrer en retour", témoigne une patiente anonyme contaminée par un homme beaucoup plus jeune qu’elle avec lequel elle envisageait de vivre après son divorce.
 
VIH, sida, séropositivité, "je confesse que tout cela m’était passé à côté : un mariage, deux enfants, une vie de couple… Pourquoi m’y serais-je intéressée?" explique-t-elle encore. Contaminée en 1987 par son compagnon, Catherine Kapusta-Palmer, coordinatrice du collectif interassociatif Femmes et VIH, se souvient elle aussi des réactions entendues à l’annonce de sa séropositivité: "Je ne te crois pas, ce n’est pas possible, tu ne ressemble pas à ces gens-là".
 
Au-delà de la honte, les femmes éprouvent souvent un plus grand sentiment de culpabilité que les hommes et redoutent comme eux d’être rejetées ou discriminées. Majoritairement contaminées lors de rapports hétérosexuels non protégés, elles ne sont pas non plus à égalité avec les hommes en ce qui concerne la contamination proprement dite. Selon Onusida, les femmes ont au moins deux fois plus de risques d’être contaminées par un homme que l’inverse.
 
Et si la prise en charge systématique des femmes enceintes séropositives a largement porté ses fruits – il n’y a quasiment plus de transmission du virus de la mère à l’enfant -, la vie des femmes qui "ne sont pas que des mères" est loin d’être facile, selon Catherine Kapusta-Palmer. Testés principalement sur des hommes et "dosés en fonction de leur morphologie", note-t-elle, les traitements antirétroviraux sont globalement moins bien tolérés par les femmes qui rapportent davantage d’effets secondaires, comme la masculinisation et le vieillissement accéléré de leurs organismes.
 
Les quelque 50.000 femmes séropositives qui vivent en France éprouvent par ailleurs des difficultés à recevoir un suivi gynécologique approprié alors qu’elles sont plus sensibles à la contamination par les papillomavirus, – des virus sexuellement transmissibles, qui sont à l’origine de la plupart des cancers du col de l’utérus -, souligne pour sa part le Dr Lacombe.
 
Un autre défi de taille sera de les accompagner dans leur vieillissement, alors qu’elles ont pour la plupart peu de moyens financiers. "Il nous faut identifier des solutions pour leur permettre de vieillir dignement. Quelle maison de retraite médicalisée les acceptera? A quel prix et qui paiera?", se demande le Dr Florence Brunel, médecin spécialiste du VIH à Lyon.

  • Les seniors, pas épargnés par le VIH, oubliés de la prévention
Les seniors d’ailleurs ne sont pas non plus épargnés par le VIH. Comme les femmes, ils se sentent peu concernés et ne se protègent pas assez contre le VIH (virus du sida) alors même que leur proportion dans les nouvelles contaminations augmente d’année en année, selon une enquête OpinionWay rendue publique mercredi 26 novembre.
 
Bien que 90% des 50-70 ans s’estiment bien informés des modes de contamination, seulement 12% déclarent se sentir concernés par les risques d’infection et 46% déclarent avoir déjà réalisé un test de dépistage contre 61% chez les 18-49 ans. Parmi les raisons évoquées, le début d’une nouvelle relation arrive en tête, cité par 25% des 50-70 ans contre 51% des 18-49 ans, alors que seulement 10% mentionnent un rapport non protégé (contre 19% chez les plus jeunes).
 
Les plus de 50 ans sont pourtant de plus en plus nombreux à être infectés par le VIH, selon les chiffres de l’Institut de veille sanitaire (InVS): ils représentaient en 2012 18% des quelque 6.400 personnes qui ont découvert leur séropositivité, contre seulement 12% en 2003. 42% d’entre eux ont de surcroît fait l’objet d’un diagnostic tardif, contre seulement 14% des 15-24 ans et 25% des 25 à 49 ans, selon l’InVS.
 
L’une des explications réside dans l’attitude des seniors les plus à risques, c’est-à-dire ayant eu plusieurs partenaires au cours des cinq dernières années. Selon le sondage, 37% d’entre eux n’ont jamais utilisé de préservatif et 26% n’en ont utilisé un que "de temps en temps", contre 12 et 45% respectivement chez les 18-49 ans. Quant aux seniors réfractaires au préservatif, ils sont peu conscients des risques qu’ils encourent, seulement 39% déclarant avoir réalisé au moins un test de dépistage au cours des cinq dernières années.