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 d’ADHEOS

La célèbre place de l’Ange de l’indépendance à Mexico était, samedi 24 septembre, coupée en deux par des barrières métalliques, surveillées par des centaines de policiers. Le dispositif a empêché la rencontre entre deux manifestations, l’une contre le mariage pour tous, l’autre en sa faveur.
 
Une séparation qui symbolise les divisions suscitées par l’initiative du président, Enrique Peña Nieto, de légaliser le mariage pour tous dans un pays, où 80 % des habitants sont catholiques.
 
Des milliers de personnes, vêtues de blanc, ont défilé, à l’appel du Front national pour la famille (FNF), qui fédère des courants religieux conservateurs catholiques, évangélistes ou mormons. Venus des quatre coins du Mexique, les manifestants de tous âges brandissaient des banderoles pour « la défense de la famille », « la santé mentale des enfants » et « contre l’adoption par des couples du même sexe ». La manifestation s’est achevée par des discours au pied de la statue dorée de l’Ange de l’indépendance, érigée sur un immense rond-point.
 
De l’autre côté de la place, quelques centaines de Mexicains les attendaient avec des pancartes aux couleurs de l’arc-en-ciel. « Les mêmes droits pour les homosexuels », ont scandé les participants à cette contre-mobilisation, organisée par le Front fier national (FON), réunissant les associations de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre (LGBT). « Nous revendiquons notre fierté et nos droits dans un pays ultraconservateur et souvent homophobe », clame Jose Alberto Patino, vêtu d’une robe de mariée.
 
L’Eglise catholique en campagne
 
Le 17 mai, le président Peña Nieto a annoncé un projet de réforme de la Constitution pour légaliser, sur l’ensemble du territoire, le mariage pour tous, jusqu’ici restreint à neuf des 32 Etats Mexicains. Soumis au Congrès, le projet vise aussi à autoriser l’adoption d’un enfant par des couples du même sexe. L’initiative fait suite à une décision de la Cour suprême qui, en juin 2015, a déclaré « inconstitutionnelle » l’interdiction du mariage pour tous.
 
En face, la puissante Eglise catholique a mené une campagne au sein des paroisses, notamment lors des homélies. Depuis juillet, l’hebdomadaire de l’évêché de Mexico, Desde la Fe, publie des articles au vitriol sur l’homosexualité au nom de la liberté d’expression. « L’Eglise n’est pas organisatrice du FNF, mais soutient notre action », assure Fernando Guzman, porte-parole du Front. En tête de cortège, cet avocat sexagénaire précise que « le FNF n’est pas contre les couples homosexuels, mais défend la famille naturelle en danger. »
 
Un avis que ne partage pas Dorian, dix ans, de l’autre côté de l’Ange de l’Indépendance. « Ma maman s’est mariée avec une femme, et alors ? », interroge-t-il sous un parapluie multicolore. Juste à côté, Jaime Lopez Vela, fondateur de l’association Agenda LGBT, porte une veste noire et un drapeau mexicain en bandoulière, à l’image du président Benito Juarez (1806-1872), père de la laïcité au Mexique. « Dans un Etat laïc, l’Eglise ne peut pas vouloir éliminer nos familles », dénonce ce Mexicain quinquagénaire, qui a épousé son conjoint à Mexico. En 2009, la capitale est devenue la première ville d’Amérique latine à autoriser le mariage pour tous, puis l’adoption par des couples de même sexe.
 
1 300 assassinats en 20 ans
 
Mais le vote d’une réforme nationale se fait attendre. Le 14 septembre, Patricio Martinez, sénateur du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre) du président Peña Nieto, a déclaré que le mariage pour tous « ne fait pas partie des priorités » législatives. « Le PRI, étant majoritaire au Congrès, le projet de loi pourrait être gelé jusqu’à la présidentielle de 2018 », s’inquiète M. Lopez Vela. Pourtant, le gouvernement, la Commission des droits de l’homme et de nombreux intellectuels revendiquent la validité et la légitimité du mariage pour tous.
 
A la fin de la manifestation, aucun heurt n’était à déplorer entre les manifestants des deux camps. Les représentants du FNF ont exigé d’être reçus prochainement par M. Peña Nieto, revendiquant avoir mobilisé 400 000 personnes à Mexico. De l’autre côté de la place, Alejandra Alcantara, porte-parole du FON, s’inquiète de ces tensions : « Ca pourrait faire augmenter les violences contre les membres de la communauté LGBT. » Quatre jours plus tôt, un couple homosexuel a été poignardé à son domicile dans l’Etat de Coahuila (nord-ouest). Un des deux hommes est mort de ses blessures. La Commission citoyenne contre les crimes pour homophobie (CCCOH) comptabilise, depuis 1995, plus de 1 300 assassinats homophobes au Mexique.