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 d’ADHEOS

L’égalité des droits n’a pas fait reculer les LGBTIphobies. Les dix derniers rapports de SOS Homophobie montrent au contraire que chaque avancée a été synonyme d’un violent retour de bâton.

LGBT – Dinah, Fouad, Lucas avaient 14 ans, 17 ans, et 13 ans, et ils sont se suicidés. Kevin et Mathieu, eux, ont témoigné dans un glaçant documentaire de Mediapart sur les guets-apens homophobes. Il y a aussi Vanessa Campos, femme trans assassinée en 2018. Parfois les visages sont plus connus comme celui d’Hoshi, Pomme, Bilal Hassani, Eddy de Pretto…

Il y a 10 ans, au moment du vote à l’Assemblé en faveur du mariage pour tous, Christiane Taubira enjoignait ceux qui seraient pris de « désespérance » à « garder la tête haute ». Un acte qui n’est jamais sans risque.

Si les chiffres ne sauraient se substituer aux récits et témoignages, ils permettent une démonstration implacable. À tout âge, dans tous milieux sociaux, dans les entreprises comme dans les cabinets de médecins, les salles de classe ou d’attente, à la cantine comme à la plage, dans les commentaires Instagram comme les reels Tiktok, la file d’attente du supermarché comme la fête des voisins : la machine des LGBTI-phobies roule toujours.

Les données annuelles de l’association SOS Homophobie sur 10 ans, comme les statistiques du ministère de l’Intérieur montrent que chaque avancée pour l’égalité des droits se double d’un « backlash ». « On l’a vu pour le Pacs, pour le mariage pour tous, pour la PMA, et on le voit désormais avec les droits des personnes trans. À chaque fois que les questions d’égalité des droits se frayent un chemin dans les débats d’actualité, il y a une libération de la parole LGBTIphobe », abonde Lucile Jomat, coprésidente de Sos Homophobie, jointe par Le HuffPost.

Une loi, une explosion des LGBTIphobies

Comme le montre le graphique ci-dessous, l’année 2013 et les débats autour du mariage pour tous et toutes en est un parfait exemple. Outre une hausse de +78 % des cas recensés par SOS Homophobie cette année-là, « les témoignages se concentrent principalement sur le premier semestre (61 % des témoignages de l’année), en particulier sur les trois mois marqués par de grosses manifestations d’opposant-e-s à cette loi (40 %) », note SOS Homophobie.

L’association relève aussi que ces débats s’accompagnent d’une forme de « libération de la parole des victimes ». Autre temps, autre loi, même schéma en 2019. Cette fois dans le débat public il est question d’élargir l’accès à la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

Seulement 20 % des victimes de menaces ou violences « anti-LGBT+ portent plainte

Cette année-là, les statistiques du ministère de l’Intérieur montrent un pic important du nombre de crimes et délits anti-LGBT+, avec plus de la moitié des victimes qui a subi des injures ou des violences physiques.

Ces chiffres ne sont que la partie « visible » de l’iceberg. Le rapport annuel de SOS Homophobie, s’il permet de saisir des tendances, n’est pas exhaustif. Pour sa part, le ministère de l’Intérieur rappelait en 2021 que seulement 20 % des victimes de menaces ou violences « anti-LGBT+ » et seulement 5 % des victimes d’injures « anti-LGBT+ » déclarent avoir porté plainte, en moyenne, sur la période 2012-2018.

Quant au profil type des agresseurs, il n’a pas changé. « Il y a énormément d’effet de groupe, 50 % des agressions ont lieu en groupe mixte ou d’hommes. Pour un autre tiers ce sont des hommes seuls », détaille Lucile Jomat.

Une visibilité à double tranchant

Si la visibilité des personnes LGBTI a entraîné une augmentation de la violence, elle a aussi des aspects positifs : « De plus en plus de personnes vont pouvoir s’identifier sans avoir peur de ce qu’elles pourraient vivre. Les gens se posent davantage de questions et évitent les parcours chaotiques que l’on a pu connaître dans les générations précédentes ». Et cela se voit notamment chez les jeunes. Plus que leurs aînés, ils n’hésitent pas à prendre la parole pour dénoncer des situations qui leur paraissent intolérables.

« Les femmes ont plus tendance à s’autocensurer »

« Nous avons toujours recueilli plus de témoignages d’hommes, parce que les femmes ont plus tendance à s’autocensurer, parce qu’elles sont malheureusement plus habituées aux discriminations (…) Ce qu’on observe, c’est surtout que de plus en plus de jeunes s’expriment (…) Ils ont moins envie de vivre caché », ajoute Lucile Jomat

Une avancée positive qui ne doit pas faire oublier l’éléphant dans la pièce : le harcèlement scolaire. En la matière, les réseaux sociaux jouent un double rôle, à la fois vecteurs mais aussi source d’information. « Sur les réseaux sociaux, on n’aura pas les mêmes infos si l’on suit par exemple Bilal Hassani, ou une autre personnalité. C’est ce qui fait que certains jeunes ont une connaissance impressionnante, alors que d’autres sont dans le déni de l’existence des personnes LGBTI », détaille Lucile Jomat.

Visibilité en hausse de la transphobie

La responsabilité des médias est aussi régulièrement pointée du doigt. Si cela a été récemment le cas dans le traitement de l’affaire Palmade, SOS Homophobie pointe leur rôle important en matière de visibilité des discours transphobes.

« On observe une multiplication des débats transphobes dans les médias avec des personnes qui ont un monopole et qui diffusent de fausses informations, basées ni sur des études, ni sur le droit français. On a vu ça y 10 ans, ce prisme de l’émotion, ce prisme de l’enfant, pour faire reculer l’égalité des droits », dénonce Lucile Jomat en évoquant des pays où ce type de discours a fait reculer les droits. « Commencer par un retour en arrière pour les personnes trans, c’est aller vers un retour en arrière sur le droit des femmes et vers une vision ultra-conservatrice ».

L’association des journalistes LGBTI avait dévoilé en 2022 les résultats d’une étude sur la transphobie dans les médias et portant sur plus de 400 articles. Elle montrait que même si globalement il y avait de « l’amélioration », le traitement des questions trans reprenait les raccourcis qui avaient cours il y a dix ans pour parler du mariage pour tous : « Sensationnalisme, manque de rigueur dans les données scientifiques, sources contestables, tribunes offertes à une rhétorique anti-trans, invisibilisation de la parole des concerné·e·s »…

« La transphobie est partout »

La transphobie est désormais deuxième pôle de signalements chez SOS Homophobie depuis 2019, année ou les personnes trans ont été exclues de l’élargissement de la PMA. « La transphobie est partout », résumait l’an dernier Giovanna Rincon, présidente de l’association Acceptess-T, auprès de nos confrères de Libération, rappelant dans la foulée les discriminations à l’embauche, celles de la police, celles pour faire reconnaître un changement d’état civil, les féminicides de femme trans, et tant d’autres qui nourrissent un cercle de la précarisation.

Depuis 10 ans, les endroits où s’expriment les LGBTIphobies sont plutôt constants : autour de 22 % sur internet, 10 % au travail, aux alentours de 10 % dans le voisinage, et en moyenne 15 % dans les lieux publics. Et les lieux d’administration, de santé, ou les environnements police-justice restent eux aussi propices aux discriminations. Ainsi des associations comme l’Ardhis ou les Dégommeuses se battent pour faire connaître les récits parfois chaotiques de réfugiés LGBTI en France. Le Collectif Intersexe Activiste se bat lui depuis des années, pour mettre à l’agenda politique et médiatique la question des mutilations des enfants intersexe, une forme de discrimination aux séquelles graves.

 

SOURCE : www.huffingtonpost.fr