Lorsque sa voix grave a résonné vendredi dans l’enceinte solennelle de la Cour suprême, le juge Anthony Kennedy a confirmé son statut d’arbitre de la plus haute juridiction des Etats-Unis, en donnant aux homosexuels le droit de se marier aux quatre coins du pays.
"Aucune union n’est plus profonde que le mariage, car il incarne les plus grands idéaux que sont l’amour, la fidélité, le don de soi, le sacrifice et la famille. En se mariant, deux personnes deviennent meilleures qu’elles ne l’ont jamais été".
Tous les regards sont braqués sur lui. Sans lui, le mariage pour tous n’aurait pas été légalisé aux Etats-Unis.
Une fois encore, il montre qu’il est "probablement le juriste le plus puissant au monde car il est au centre de tant de questions devant la Cour suprême des Etats-Unis", déclare l’experte Margaret Penrose.
Le cheveu grisonnant et le ton ferme, le juge Kennedy poursuit: les homosexuels "espèrent ne pas être condamnés à vivre dans la solitude, exclus de l’une des plus vieilles institutions de notre civilisation. Ils demandent une égale dignité au regard de la loi. La Constitution leur donne ce droit".
Traditionnel arbitre sur les sujets sensibles de la société américaine, Anthony Kennedy, 78 ans, nommé par le président républicain Ronald Reagan, vote tantôt à gauche, tantôt à droite, départageant, dans les deux-tiers des affaires, les quatre juges progressistes des quatre juges conservateurs.
Cette fois encore, pour permettre aux homosexuels de se marier dans tout le pays, ce magistrat catholique d’origine irlandaise a ajouté son vote à ceux de ses pairs nommés par un président démocrate.
"Sans son vote, les quatre juges plus ‘progressistes’ n’auraient pas eu de majorité pour cette interprétation de la Constitution", a observé l’expert David Cruz, "et les Etats seraient restés libres d’interdire aux couples de même sexe de se marier".
"Compte-tenu de son histoire", Kennedy était "le favori pour écrire la décision qui élargirait le mariage gay à tout le pays", a dit ce professeur à la California University Gould Law School.
A la lumière de son histoire
Par le passé, ce juge considéré comme "modéré" a pris des positions en matière de droits civiques démontrant sa "flexibilité" dans l’interprétation de la Constitution, pour qu’elle reste "vibrante" au gré des "sociétés, des attitudes et des institutions qui changent et évoluent", a observé de son côté l’avocate Lisa Linsky.
Ses mots "puissants et magistraux" seront immortalisés dans l’arrêt "Obergefell v. Hodges". Et "le nom de Kennedy sera à jamais lié à la reconnaissance de l’égalité des droits pour les gays et les lesbiennes", a expliqué à l’AFP l’avocate Elisabeth Wydra.
"Beaucoup s’attendaient à ce qu’il soit à nouveau l’auteur d’une décision puissante pour l’égalité, à la lumière de ses votes antérieurs en faveur des homosexuels", a souligné cette analyste du Centre pour les droits constitutionnels.
Car "Justice" Kennedy, comme sont appelés les juges suprêmes, est déjà l’auteur des trois décisions majeures élargissant les droits des homosexuels américains.
Chacune constituait une étape vers la décision historique de vendredi.
En 1996, Kennedy écrit la décision "Romer v. Evans" sur la protection des droits civiques des gays et lesbiennes. En 2003, c’est "Lawrence v. Texas" qui invalide les lois anti-sodomie et, en 2013, "United States v. Windsor" octroie des droits fédéraux à tous les mariés qu’ils soient homo ou hétérosexuels.
Or c’est le jour même de l’anniversaire de ces deux dernières que le juge Kennedy a annoncé la décision "Obergefell", probablement pas le fruit du hasard, car la haute Cour pouvait encore la rendre lundi, au dernier jour de sa session.
- SOURCE E LLICO