Ce dessin animé éducatif sur le thème de l’homosexualité est dans le collimateur de la présidente du Parti chrétien-démocrate, associé à l’UMP. Elle et d’autres conservateurs demandent au ministre de l’Education de l’interdire dans les écoles.
Depuis l’article que TÊTU.COM lui a consacré le 23 janvier, Le baiser de la lune, projet de dessin-animé éducatif actuellement en cours de «tournage» (mise sur pellicule des dessins réalisés) en Bretagne, fait beaucoup parler de lui. Tant du côté des LGBT, globalement enthousiastes à l’idée d’envoyer un message de tolérance à l’égard des différences, que des conservateurs, vent debout contre ce qu’ils considèrent comme – c’était prévisible – de la «propagande». Un site qui lance une pétition en ligne revendique déjà 15.000 signataires.
Pour ne pas être en retard d’une bataille, Christine Boutin (ci-dessus), ex-ministre du Logement et présidente du Parti chrétien-démocrate (parti associé à l’UMP via le Comité de liaison de la majorité présidentielle), a rédigé une lettre ouverte à Luc Chatel, ministre de l’Education, afin d’obtenir une interdiction de projection de ce film dans les écoles.
Nier «la différence des sexes»?
Son texte est par ailleurs éclairant sur sa vision de l’amour et de l’altérité… Voici le texte intégral dans cette capture d’écran sur le blog du parti chrétien.
Ainsi apprend-on que Christine Boutin, qui à l’occasion des dix ans du pacs se vantait d’avoir brisé le tabou de l’homosexualité en France et permis le dialogue à ce sujet dans les familles, voit dans la projection d’un innocent dessin animé sur le thème de l’amour une immixtion «dans la conscience et l’intimité des enfants sans égard pour la responsabilité éducative de leurs parents». Pour elle, «l’apprentissage du respect de l’autre et de sa différence», qui est effectivement l’intention du film, «ne peut se faire en niant une différence fondamentale, la différence des sexes».
Plus clair encore: «l’apprentissage du respect de l’autre» ne peut se faire, selon Christine Boutin, en caricaturant le regard d’une grand-mère sur les relations amoureuses (la grand-mère du dessin animé est «persuadée que l’on ne peut s’aimer que comme les princes et les princesses». Le synopsis officiel parle de vision «étroite» de l’amour, Mme Boutin fait mine de citer le texte mais cite une vision «archaïque»…). Christine Boutin justifie les opinions homophobes (ou, à tout le moins, conservatrices) par le fait que ce regard serait «celui de la très grande majorité des Français».
Les partenaires du film tiennent bon
«Cette polémique est effrayante, elle montre que les préjugés restent forts», a déclaré Marie-Anne Chapdelaine, adjointe au maire de Rennes. Confirmant ainsi que la municipalité socialiste maintenant son soutien en soulignant que le film s’inscrivait «dans une politique de lutte contre les discriminations».
Les partenaires du film se sont, pour l’heure, tous maintenus. Parmi eux, la Région Bretagne (PS également) et la Ligue de l’enseignement, ainsi que TÊTU. Sébastien Watel, le réalisateur du film, explique par ailleurs «poursuivre les discussions» pour un label officiel de l’Education nationale, via l’Inspection académique d’Ille-et-Vilaine. «J’avais travaillé avec des éducateurs et des conseillers pédagogiques, qui m’avaient donné leur feu vert. Mais l’Inspection m’a précisé que le partenariat n’était pas encore formel», expliquant ainsi le retrait du logo demandé par le ministère de l’Education nationale (lire notre article). Entre demande de soutien et doléances des conservateurs, Luc Chatel se prononcera-t-il pour ou contre le Baiser de la lune? Affaire à suivre…
L’Inter-LGBT écrit aussi à Luc Chatel
«Ce projet doit être soutenu», écrit l’Inter-LGBT dans une lettre ouverte à Luc Chatel, «et l’ampleur prise par la polémique doit être pour le ministère l’occasion de montrer à la fois sa résistance à la pression de lobbys ultra-réactionnaires et son engagement ferme et concret en faveur de la lutte contre toutes les discriminations en général et en particulier celles touchant les élèves et personnels LGBT.»
L’interassociative, qui se dit «très attentive à vos déclarations et aux actions du ministère de l’Éducation nationale», rappelle les engagements pris contre les discriminations à l’égard des homosexuels: envoi aux personnels de brochures d’information contre l’homophobie, réédition de l’affiche pour la Ligne Azur, groupe de travail permanent à la Direction des enseignements scolaires pour lutter avec les associations contre les discriminations, et module de formation à destination des enseignants.
Photo: AFP