L’Autriche indemnise les personnes homosexuelles illégalement condamnées

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 d’ADHEOS

Une loi visant à réhabiliter et indemniser des milliers de personnes condamnées en raison de leur homosexualité est entrée en vigueur en Autriche. La loi, adoptée par le Parlement en fin d’année passée, alloue à cet effet la somme de 33 millions d’euros.

Les relations entre personnes de même sexe ont été dépénalisées en 1971 en Autriche. Quelque 11’000 personnes ont pourtant été condamnées en raison de leur homosexualité jusque dans les années 2000 en raison d’exceptions juridiques discriminatoires.

La prostitution gay a par exemple été interdite jusqu’en 1989, le droit d’association est resté fermé aux militants LGBTQ+ jusque dans les années 1990 et l’âge du consentement est resté fixé à 18 ans pour les relations sexuelles entre hommes jusqu’en 2002, alors même qu’il était de 14 ans pour les relations hétérosexuelles.

26’500 condamnations

Toutes ces exceptions ont conduit à de nombreuses condamnations. Ainsi, même après la dépénalisation, 26’500 sentences ont été prononcées jusqu’au début des années 2000, principalement envers des hommes.

Le gouvernement autrichien souhaite donc aujourd’hui indemniser ces personnes lésées. La ministre de la Justice Alma Zadic a annoncé que si ces personnes se manifestent, leur peine sera annulée et elles pourront recevoir une indemnisation de 3000 euros avec 1500 euros supplémentaires pour chaque année d’emprisonnement.

Celles qui ont été poursuivies sans être condamnées pourront également prétendre à une indemnisation, d’autant plus si elles ont souffert d’un préjudice moral ou professionnel.

Reconnaître la responsabilité étatique

C’est le cas de Michael Woditschka, poursuivi et condamné à une amende en 1999. Plus de 20 ans après, le sentiment d’injustice demeure. “On m’a conduit devant une institution étatique non pas parce que j’ai commis un meurtre, mais parce que j’ai fait ce que tout jeune de cet âge faisait à cette époque: essayer d’aimer, de vivre”, raconte-t-il dans l’émission Tout un monde.

Alors âgé de 19 ans, Michael Woditschka rencontre un jeune homme de 17 ans avec qui il a une brève histoire. Il est très surpris de recevoir, quelque temps après, une convocation de la police. C’est lors de son interrogatoire, qu’il décrit comme très humiliant, qu’il découvre que l’âge du consentement est fixé à 18 ans pour les relations sexuelles entre hommes.

“Le pire, c’est que tout le monde pouvait savoir. Si j’avais postulé à un travail et qu’ils m’avaient demandé un extrait de casier judiciaire, ils auraient lu que j’avais pratiqué la ‘fornication avec un mineur’. Et je n’aurais pas eu le travail”, explique-t-il.

Selon lui, il a réussi à éviter la prison grâce au travail de son avocat et à la médiatisation de son cas, mais beaucoup n’ont pas eu sa chance. “Beaucoup l’ont vécu. Ils ont été stigmatisés, marqués au fer rouge. Beaucoup ont subi des représailles sociales et sociétales. Beaucoup ont été en prison. Tout cela parce qu’ils aimaient les hommes”, dénonce-t-il

Plus que l’indemnisation, l’important pour Michael Woditschka est que l’Etat autrichien reconnaisse enfin sa responsabilité dans l’injustice qu’il a subie.

Une loi symbolique

Cette loi est un symbole important pour l’Autriche, où la persécution des personnes homosexuelles a une longue histoire, qui a culminé sous le nazisme. Des milliers d’entre eux ont alors été internés, emprisonnés ou déportés. Beaucoup n’ont pas survécu. Et l’Autriche d’après-guerre a refusé durant des décennies de reconnaître ces victimes du nazisme. Les recherches à ce sujet sont d’ailleurs assez récentes et se poursuivent aujourd’hui.

Par rapport à d’autres pays européens, la communauté LGBTQ+ a par ailleurs mis du temps à voir ses droits reconnus en Autriche en raison d’une certaine hostilité de l’Eglise catholique et du parti conservateur ÖVP. C’est sur une décision de la Cour suprême, par exemple, qu’en 2019, l’adoption et le mariage entre personnes de même sexe a été légalisé.