NEWS
Les actualités
 d’ADHEOS

du CESI vise à identifier les rouages de ces groupes opposés aux droits sexuels et reproductifs des femmes et des LGBTI au niveau national et international.
 
Amir Hodzić et Nataša Bijelić ont co-écrit le rapport intitulé Les menaces néo-conservatrices à la santé et aux droits sexuels et reproductifs dans l’Union européenne. Cette initiative du Centar za edukaciju, savjetovanje i istraživanje (CESI, Centre pour l’éducation, le conseil et la recherche) en Croatie fait partie du projet #InTheNameOfLove, mené en coopération avec l’association de la Zagreb Pride. Il vise à mettre en lumière l’essor de différents groupes néo-conservateurs en Europe ces dernières années et de leur agenda politique sur les questions du mariage pour les couples de même sexe, la reconnaissance de toutes les formes de familles, l’éducation sexuelle, ou encore l’accès à l’avortement.
 
DÉSINFORMATION ET MANIPULATION
«Tous ces mouvements sont en fait des initiatives politiques qui manipulent les discours religieux et utilisent de plus en plus l’espace politique et publique, ainsi que les instruments, pour atteindre leurs objectifs, explique le rapport dans son introduction. Ces groupes néo-conservateurs, y compris le Vatican, ont par conséquent transformé leurs stratégies, qui consistaient à l’origine principalement en des prières silencieuses, et essaient désormais d’imposer les choix sexuels et reproductifs au centre du débat politique. L’une des nouvelles particularités qu’ils ont adoptées dans leur activité est une habile manipulation avec la participation des citoyen.ne.s dans la vie publique et politique à travers des initiatives civiles, les médias en ligne, des plateformes de pétition et du réseau social.» L’analyse d’Amir Hodžić et Nataša Bijelić s’appuie évidemment sur des exemples récents, qui se sont manifestés lors des votes de plusieurs rapports au Parlement européen, le rapport Estrela (rejeté le 10 décembre 2013), le rapport Lunacek (approuvé le 4 février 2014), et le rapport Zuber (rejeté le 11 mars 2014). À chaque fois, d’importantes campagnes de désinformation se sont organisées à l’approche des votes, orchestrées par ces lobbys, autant sur le contenu de ces rapports que sur leurs conséquences pour les législations des États membres.
 
DÉFENSE DE L’ORDRE NATUREL, LUTTE CONTRE «L’IDÉOLOGIE DU GENRE»
Trois axes structurent l’engagement des groupes néo-conservateurs d’après le rapport: «L’agenda politique néo-conservateur est établi comme une lutte pour défendre et protéger des valeurs menacées catégorisées comme la “vie” (du moment de la conception au moment de la mort naturelle), la “famille” (exclusivement hétérosexuelle, avec un homme/père comme figure dominante) et les “libertés religieuses” (incluant le droit à l’objection de conscience).» Le rapport pointe l’influence très nette du Vatican dans cette évolution, et souligne notamment l’engagement de l’ancien chef de l’Église catholique Benoît XVI, qui, avant son pontificat, réclamait la participation active des croyant.e.s dans le débat public sur ces sujets. Le rapport relève en outre qu’une arme politique particulièrement efficace de ces groupes néo-conservateurs a été «l’invention pseudo-scientifique de l’expression “idéologie du genre”» qui englobe pêle-mêle «tous les accomplissements des mouvements féministes, LGBTI et de lutte pour les droits humains»: «Avec sa négation du caractère binaire et complémentaire du sexe et du genre, “l’idéologie du genre” est une menace à la famille “naturelle” hétérosexuelle, et par extension, à l’humanité tout entière. Elle a infesté beaucoup d’institutions internationales (particulièrement les Nations Unies et l’UE) et a grandement influencé le passage de lois et de politiques publiques sur le sexe, le genre, la sexualité, la famille et la reproduction.»
 
NÉBULEUSES ET RÉSEAUX
À travers plusieurs exemples, le rapport met aussi en avant la transnationalité de ces différents mouvements: l’organisation européenne One Of Us (qui en France est pilotée par Alliance Vita et la Fondation Jérôme Lejeune), la plateforme de pétitions CitizenGO, ainsi que les différents liens entre ces groupes, par exemple l’aide de l’organisation espagnole HazteOir à la «Manif pour tous», qui s’est par la suite déclinée en Italie. Ces entités aux contours flous jouent la carte de l’opacité au niveau financier, mais brouillent aussi sciemment les limites entre initiatives civiles, organisations de la société civile et partis politiques. Au-delà de l’Europe, ces différents groupes bénéficient de l’influence et d’un soutien financier de lobbies religieux américains, engagés eux aussi contre les droits sexuels et reproductifs. Amir Hodžić et Nataša Bijelić citent l’American Center for Law and Justice, qui a injecté plus d’un million de dollars en 2012 à sa branche européenne, l’European Center for Law and Justice, ou l’Alliance Defending Freedom (ADF) qui a financé son programme européen à hauteur de 750000 dollars, toujours en 2012.
 
NE PAS SOUS-ESTIMER, NE PAS IGNORER
«Étant donné les informations collectées dans ce rapport, il est nécessaire en réalité d’évaluer le pouvoir des groupes néo-conservateurs, leur organisation et leur réseau stratégique, leur capacité à mobiliser les citoyen.ne.s et le soutien exprimé par les hiérarchies religieuses, conclut le rapport. Ils ne doivent être ni sous-estimés, ni ignorés, pour ces actions dont les résultats ont des conséquences sociales et politiques concrètes.» Il préconise plusieurs pistes afin de lutter efficacement contre la progression de ces groupes: documenter et recueillir des données sur eux, se réapproprier les valeurs et la terminologie qu’ils utilisent et dénoncer la désinformation de leurs discours, et enfin construire un réseau pour mettre en relation les organisations de défense des droits humains.