Ils ont dressé leurs stands sur les places et à la sortie des messes où les prêtres ont mobilisé leurs fidèles et, fin juin, en deux semaines, les adversaires du mariage pour tous à la croate avaient recueilli quelque 750 000 signatures au bas d’une pétition réclamant un référendum afin que la Constitution stipule bien que le mariage est «l’union d’un homme et d’une femme». Vice Batarelo, l’Australo-Croate à l’origine du mouvement Au nom de la famille, reconnaît s’être inspiré de la mobilisation française contre le mariage pour tous. Président de l’association Vigilare, il se défend d’être le porte-voix de l’Eglise catholique : «Les fidèles des communautés orthodoxe et musulmane ont également fait circuler la pétition», dit-il. «Nous tous pensons que le mariage a un but : l’amour et la procréation.»
Le mouvement a quelque peu surpris, car aucun projet de loi légalisant le mariage homosexuel ne se prépare actuellement en Croatie. La gauche, au pouvoir depuis décembre 2011, a en revanche prévu pour l’automne de lancer le débat sur un projet de «partenariat civil», un texte donnant aux partenaires homosexuels les mêmes droits qu’aux couples mariés, sauf celui de pouvoir adopter. De nombreux gays élèvent déjà des enfants, car «en Croatie, les personnes seules peuvent adopter», explique Marko Jurcic, un représentant de la communauté LGBT de Zagreb, qui a travaillé sur le projet de loi qui sera présenté au Parlement. Dans ce pays traditionnellement catholique, où 80% des jeunes se marient à l’église mais où 20% seulement des personnes qui se déclarent catholiques vont à la messe, rares sont les personnalités homosexuelles à avoir osé faire leur coming-out. Signe d’évolution : alors que la première Gay Pride à Zagreb en 2002 avait réuni 200 personnes, celle de ce mois de juin a été fréquentée par 15 000 participants, dont de nombreuses familles.
Ce n’est pas la première fois que les néoconservateurs croates interviennent sur la scène publique.Vigilare s’était fait connaître en septembre 2012 en combattant le projet d’introduction à l’école de cours parlant d’éducation sexuelle. «Les parents, explique Batarelo, doivent choisir ce qu’on va enseigner à leurs enfants : une conception libérale, comme le veut le gouvernement, ou un point de vue traditionnel.»
Face à ces centaines de milliers de signatures, le gouvernement se doit de saisir le Parlement. «Mais le mariage gay concerne les droits des minorités, et, selon la Constitution, aucune majorité ne peut imposer sa loi à une minorité par référendum», explique l’avocate spécialiste en droit de la famille Dafinka Vecerina. A gauche, on pense que cet argument prévaudra.
- source LIBERATION