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 d’ADHEOS

La Haute autorité de santé (HAS) a publié 152 recommandations pour accompagner les parcours des adultes transgenres. Le résultat d’un travail qui a mobilisé 128 experts pendant quatre ans et qui se base sur les principes d’autodétermination et de dépsychiatrisation des parcours de soin, mais qui a renoncé à traiter de la prise en charge des ados trans.

Devant la presse, chaque mot de la Haute autorité de santé (HAS) a été soigneusement choisi, pesé, et distinctement prononcé. Ce vendredi 18 juillet, l’instance indépendante a publié 152 recommandations nationales concernant la prise en charge des personnes transgenres par les structures de soin, une première en France. Le rapport a nécessité quatre ans de travail, non sans pressions du lobby réactionnaire et multiples recours en justice, pour aboutir à quatre documents dont un argumentaire de plus de 300 pages qui a mobilisé 128 experts. Les recommandations s’appuient sur deux principes : l’autodétermination des personnes et la dépsychiatrisation des parcours de transition, une exigence de longue date des personnes concernées enfin entendue par l’institution. Ce document s’impose désormais aux professionnel·les de santé.

En revanche, pour que ce travail trouve son aboutissement, l’autorité a dû renoncer à étendre ses recommandations aux 16-18 ans : cela était initialement prévu, mais les mineurs ont finalement été mis de côté faute de consensus. « Nous lançons un second volet de recommandations concernant la prise en charge de tous les mineurs, qui entamera ses travaux à partir du début de l’année 2026 », a cependant annoncé le Pr Lionel Collet, président de la HAS, qui assure que ce travail sera fait quelle que soit la couleur politique des éventuels gouvernements à suivre d’ici là : « L’indépendance de notre institution prévoit qu’un prochain ministre de la Santé ne pourrait pas nous empêcher de travailler sur ce volet. »

Dépsychiatrisation des parcours de soins

Aujourd’hui, la HAS formule donc cette recommandation réclamée depuis des années par les associations concernées avec le soutien de têtu· : « Aucune psychothérapie n’est obligatoire de façon systématique dans le cadre d’un parcours de transition ». Et de rappeler au besoin que « les ‘thérapies de conversion’ sont délétères ». Les psychologues peuvent évidemment intervenir dans le parcours, mais moins pour valider la nécessité d’une transition – « l’identité de genre ne doit pas faire l’objet d’une évaluation psychiatrique spécifique », préconise le document – que pour accompagner la personne dans un moment particulièrement chargé émotionnellement et pour répondre à des risques psychosociaux.

Lorsqu’un médecin généraliste est approché par une personne en questionnement de genre, « il est recommandé d’accueillir la personne sans jugement ou idée préconçue quant à son identité de genre et ses besoins en matière d’accompagnement », poursuit le document, afin de « créer un environnement favorable au bon déroulement de la consultation »« C’est une grande avancée d’avoir acté cette réalité que le médecin généraliste est un point d’entrée important dans le parcours de transition et permet un meilleur accès des personnes trans au système de santé », se félicite Clément Moreau, co-président du groupe d’étude, membre de l’association Espace santé trans et psychologue.

Au-delà de l’aspect purement médical, le professionnel est appelé à « évaluer le soutien social et familial de la personne » pour pouvoir l’orienter « vers des associations pour renforcer le soutien communautaire ». La HAS reconnaît ainsi aux associations leur place, mais aussi le fait que la personne doit pouvoir être maîtresse de son parcours de transition, le rôle du médecin étant de vérifier que la décision est éclairée et de l’informer sur ses différentes options.

Accompagnement individualisé

L’accompagnement de la personne doit être « individualisé » et respecter « l’utilisation du prénom et pronom demandés », acte encore la HAS qui souhaite « une formation de tous les professionnels aux bonnes pratiques d’accueil des personnes trans ». Le médecin généraliste pourra ainsi initier une primo-prescription hormonale « à condition d’être formé », souligne la HAS qui regrette « un phénomène d’auto-prescription faute d’un accès suffisant à des professionnels » car « les conditions d’accès à des soins de qualité restent très hétérogènes sur le territoire »« Chaque professionnel de santé doit pouvoir informer la personne trans sur les spécialistes et autres professionnels de santé adaptés aux différentes options de la prise en charge », est-il encore recommandé.

Présidente de l’association OUTrans et membre du groupe d’étude, Anaïs Perrin-Prevelle salue auprès de têtu· la première étape essentielle que constitue la publication de ces recommandations pour les adultes : « Ce qui fait bouger les choses, c’est que les personnes ont des choses à dire sur leur parcours de soin et ont le dernier mot dessus », analyse-t-elle, relevant que « ces recommandations donnent une base solide pour demander des avancées aux autres institutions« . Dans un communiqué, l’association Espace santé trans – également membre du groupe d’études – relève que « ces recommandations sont conformes aux standards internationaux qui ont montré que l’autodétermination des personnes dans leur parcours de transition doit présider et que ‘l’attente vigilante’ constitue un facteur délétère pour les individus, les conduisant à des dangers vitaux. »

Démocratie sanitaire

« Nous avons fait œuvre de démocratie sanitaire », s’est félicitée Claire Compagnon, présidente de la commission des recommandations de la HAS (et qui fut directrice générale adjointe de l’association Aides), qui insiste : « L’accès aux soins d’affirmation de genre n’est pas un confort, mais un enjeu vital. » Parmi les 128 experts consultés, les médecins et représentants des sociétés savantes ont côtoyé les associations de personnes concernées, et donné la co-présidence du groupe d’études à un homme transgenre, Clément Moreau.

On peut cependant regretter que des associations transphobes aient également été conviées à ce groupe d’études. Si elles y étaient largement minoritaires, elles ont néanmoins utilisé à plein leur capacité de nuisance, faisant par exemple fuiter des documents de travail dans le quotidien conservateur Le Figaro. L’association Juristes pour l’enfance, opposée à l’autodétermination de genre, a aussi poursuivi devant le tribunal administratif la HAS qui ne souhaitait pas rendre publique, le temps de ses travaux, l’identité des membres du groupe d’études, pour les protéger des pressions. « Nous devons pouvoir être en situation de travailler sereinement », a insisté Lionel Collet, qui n’est pas sans savoir que la partie la plus polémique de ce travail reste à faire : des recommandations pour la prise en charge des ados trans.