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 d’ADHEOS

Les hommes sont les grands oubliés de la prévention contre cette infection sexuellement transmissible. Les autorités réfléchissent à étendre la vaccination.
 
Ils sont les malades méconnus du papillomavirus (HPV), cette infection sexuellement transmissible ultra-répandue. Dans l’ombre, les hommes, grands oubliés des campagnes de prévention, développent des pathologies pas toujours bien comprises.
 
Certes, ils payent un tribut bien moins lourd au virus que les femmes. La comparaison est sans équivoque : en France, chaque année, on dénombre 2.800 nouveaux cas de cancers du col de l’utérus et 1.000 décès. Sans compter toutes les femmes touchées par des verrues ou des lésions précancéreuses qu’il faut traiter.
 
Alors que l’homme est souvent porteur du HPV sans le savoir. Chez lui, l’infection génitale ne dure en général jamais bien longtemps, il l’élimine dans la plupart des cas en six à douze mois, sans aucun souci de santé.
 
Progression du cancer de l’anus
 
Mais depuis peu, l’inquiétude monte. En mai, des proctologues (spécialistes des maladies de l’anus et du rectum) s’alarmaient dans une tribune au "Monde" :
""En moins de trente ans, l’incidence du cancer anal a été multipliée par au moins trois dans la plupart des pays occidentaux.""
 
Or, on sait que le papillomavirus est en cause dans 90% de ces cancers. Même si les lésions de l’anus ne dégénèrent pas toujours en tumeur maligne, les traitements sont très éprouvants.
 
Le papillomavirus est aussi impliqué dans le très rare cancer du pénis. Et selon une étude américaine de 2016, les hommes sont deux fois plus frappés que les femmes par le cancer de la gorge et de la bouche lié à une infection par HPV (le virus se répand aussi à la faveur de rapports sexuels bucco-génitaux).
 
Pour toutes ces raisons et aussi dans l’espoir d’arrêter le virus dans sa course, la Commission technique des vaccinations proposait début juin d’immuniser également les garçons.
 
Un avis qui sonne dans le vide. Qui sait que le vaccin Gardasil est déjà recommandé aux jeunes hommes de moins de 26 ans ayant des relations sexuelles avec des hommes ?
 
Jointes par Rue89, la Haute Autorité de santé et l’Assurance maladie ont confirmé que comme pour les jeunes filles, le Gardasil était remboursé par la Sécurité sociale à hauteur de 65% pour ces jeunes hommes.
 
Mais le flou est tel que certains pharmaciens affirment l’inverse quand de jeunes garçons se présentent à eux ! (Voir plus bas) Et comment étendre une vaccination à laquelle seules 20% des jeunes filles, principales cibles des campagnes sanitaires, se sont soumises ?
 
"Un coup de massue"
 
Atterré par les lacunes de la prévention en France, un jeune homme de 25 ans nous a contactés. Maxime*, agent administratif à Paris, homosexuel, est infecté par le HPV. Il relate son expérience :
 
"Il y a quatre mois, j’ai découvert que j’étais infecté par le papillomavirus. Un an plus tôt, j’avais déjà eu un petit symptôme, je sentais un bouton au niveau de l’anus. Je suis allé consulter un proctologue, mais il n’a rien vu, la protubérance avait sans doute disparu entretemps.
 
Plus tard, au cours d’une visite dans un centre de dépistage des MST, un médecin a compris ce que j’avais. Elle me parlait justement du vaccin contre le papillomavirus, je lui ai alors dit que je ressentais de nouveau une gêne au niveau de l’anus. Ça a tout de suite fait ’tilt’.
 
Elle a vu que j’avais ce qu’on appelle un condylome acuminé, une verrue causée par ce virus. Ça été un vrai choc, un coup de massue. Pour la première fois depuis que je me faisais dépister, j’étais contaminé par quelque chose. Le médecin du centre m’a tout de suite traité par cryothérapie (application d’azote liquide), mais elle ne pouvait pas me garantir que ça ne reviendrait pas.
 
J’ai ensuite vu un proctologue qui m’a rassuré car selon lui, il n’y avait pas de condylome à l’intérieur de l’anus. Je devais ‘juste’ appliquer une crème pendant trois mois. Sauf que le produit me brûlait tellement que je n’en dormais plus la nuit."
 
"On n’est pas du tout éduqué à ce virus"
 
"Ça ne m’a pas guéri. J’ai dû consulter un autre spécialiste : cette fois-ci, les condylomes s’étaient répandus en interne. Je viens de me faire opérer sous anesthésie générale, on m’a brûlé les verrues avec un bistouri électrique. C’est très inconfortable, je suis encore en arrêt. Je dois maintenant attendre et espérer que ça ne revienne pas. Ces lésions pourrissent ma vie sexuelle et sociale. Je le vis comme une maladie honteuse, qui touche à quelque chose de caché. L’impact psychologique est très important. Ma plus grande peur, c’est la récidive.
 
Ce qui m’étonne, c’est qu’on ne soit pas du tout éduqué à virus. Pourtant, je suis très sensible aux questions de santé, je lis beaucoup de choses. Je constate qu’il n’y a pas de vraie politique globale de prévention et peu de renseignements du côté des associations. On ne vous propose le vaccin qu’au détour d’une conversation chez le médecin.
 
Pendant de nombreuses années, j’ai pourtant vu et entendu à la télé et à la radio les campagnes du ministère de la Santé au sujet du fameux papillomavirus, contre lequel les jeunes filles devaient être vaccinées. Mais il n’y avait jamais un mot à destination des hommes.
 
Même si j’ai déjà été contaminé, j’ai décidé de me faire vacciner pour éviter d’être infecté par de nouvelles souches, potentiellement cancéreuses. [L’intérêt d’une vaccination après avoir été infecté n’est pas prouvé, NDLR.] Mon compagnon a fait le même choix. Alors que la vaccination coûte au total 375 euros, des pharmaciens nous ont certifié que le Gardasil n’était pas pris en charge par la Sécu ! On manque tellement d’informations…"
 
"La capote ne protège pas totalement"
 
"J’ai l’impression que le virus se répand de plus en plus au sein de la communauté homosexuelle, mais que personne n’en parle. Rien qu’autour de moi, deux garçons ont été contaminés.
 
Mon compagnon et moi, on ne se protège pas entre nous car on se fait dépister régulièrement et nous sommes tous deux séronégatifs. En revanche, s’il nous arrive d’avoir des relations avec d’autres hommes, elles ont lieu systématiquement avec préservatif. Mais la capote ne protège pas totalement. Les médecins m’ont dit que la transmission ne se produit pas toujours lors de la pénétration, le virus se propage aussi par les caresses, les frottements…
 
Le seul conseil que j’ai reçu de la part du premier médecin que j’ai vu à ce sujet s’approchait de l’abstinence. Elle recommandait une diminution du nombre de mes partenaires… Mais j’étais déjà infecté. N’aurait-il pas mieux valu, avant ça, me vacciner ? Et encore avant ça, organiser une vraie politique de prévention en sensibilisant les jeunes à cette IST, en incitant les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes à des consultations proctologiques qui peuvent parfois effrayer ?"
 
* Le prénom a été modifié