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 d’ADHEOS

Haut-fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères depuis 1996, Jean-Marc Berthon a été nommé au poste d’ambassadeur pour les droits des personnes LGBT. Une fonction inédite en France. Rencontre.

Discret. En voilà un mot pour qualifier ce haut-fonctionnaire de 56 ans, nommé à un poste qui suscite bien des questions et des attentes : ambassadeur pour les droits des personnes LGBT. Installé dans un bureau provisoire au rez-de-chaussée du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Marc Berthon est pourtant chez lui. Il travaille dans la diplomatie française depuis 1996.

“J’ai toujours été passionné par la diversité du monde. Petit, je rêvais sur les cartes du monde. Assez naturellement, je me suis intéressé à la diplomatie. Mon premier poste a été à l’étranger, à l’ambassade de France en Croatie. J’ai donc commencé dans cet espace ex-yougoslave en proie à la guerre”, raconte-t-il.

En charge de la coopération dans le domaine de l’éducation et de la francophonie à Zagreb, il effectue ensuite des missions à Prague, en République tchèque, et puis à Rabat, au Maroc.

En 2018, il rejoint la cellule diplomatique de l’Élysée. Une expérience marquante pour la diplomatie féministe qu’il a pu mettre en œuvre avec la création d’un conseil consultatif sur l’égalité femmes-hommes. Féministe, Jean-Marc Berthon dit l’avoir toujours été.

“Tout le monde doit se sentir concerné par les droits des personnes LGBT”

Le quotidien des personnes LGBT dans le monde, en revanche, il le découvre au fur et à mesure de ses missions. Au Quai d’Orsay notamment, en 2009, où “là, nous avons inscrit pour la première fois le sujet LGBT à l’agenda de notre diplomatie. Il y a eu une prise de conscience collective”. Robert Badinter avait alors parrainé le premier congrès mondial contre l’homophobie et la transphobie qui s’était déroulé au Quai d’Orsay, le 15 mai 2009. Et avait prononcé un discours “particulièrement émouvant”.

Plus récemment directeur de cabinet de Marlène Schiappa, Jean-Marc Berthon a pu travailler sur les thérapies de conversion. Sa nomination le 26 octobre 2022 par la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, au poste d’ambassadeur pour les droits des personnes LGBT a néanmoins surpris les associations concernées. Car même si la création de cette fonction inédite en France est “incontestablement une bonne nouvelle” pour Sébastien Tüller, responsable de la commission orientation sexuelle et identité de genre à Amnesty International France, le choix de Jean-Marc Berthon interroge. Ce dernier n’est pas issu de la communauté LGBT.

À la question de savoir s’il faut être un membre de la communauté LGBT pour occuper une telle fonction, le principal intéressé répond : “La question ne s’est pas posée lors du processus de recrutement. Cela doit être la cause de tout le monde. Tout le monde doit pouvoir se sentir concerné par les droits des personnes LGBT. Ce n’est pas la cause d’une communauté. On peut dire ça de tous les combats, le combat contre le racisme, le combat contre l’antisémitisme…”

Depuis sa prise de poste, il rencontre les associations LGBT pour écouter leurs recommandations. L’ambassadeur a par exemple reçu à plusieurs reprises l’Inter-LGBT. Mais pour Arnaud Gauthier-Fawas, délégué en charge des relations internationales, de la francophonie et de l’Europe à l’association, certaines questions sont encore sans réponses.

Jean-Marc Berthon rencontre aussi les associations de défense des droits de l’Homme également préoccupées par la pénalisation de l’homosexualité dans le monde. Ce jour-là, il avait d’ailleurs rendez-vous avec Ensemble contre la peine de mort qui lui présentait un rapport sur l’application des peines pour relations homosexuelles.

“Peu de gens sont au courant, ont encore conscience qu’il y a aujourd’hui dans le monde autant de pays qui condamnent à mort pour homosexualité”, indique le directeur des programmes d’Ensemble contre la peine de mort, Nicolas Perron, en commentant le rapport.

Son objectif : plaider pour la dépénalisation de l’homosexualité

Pour 61 pays, les relations entre personnes de même sexe sont illégales et 11 d’entre eux prévoient la peine de mort. C’est le cas notamment de la Mauritanie, du Nigeria, de l’Iran, de l’Afghanistan et du Qatar.

Ce type d’échange avec les associations est aussi l’occasion de discuter des stratégies à adopter pour plaider en faveur de la dépénalisation de l’homosexualité. Car c’est bien l’objectif de cette fonction d’ambassadeur.

Pour atteindre ses objectifs, Jean-Marc Berthon indique avoir plusieurs leviers. “Nous avons le troisième réseau diplomatique mondial. Nous sommes présents dans quasiment tous les pays. Nous avons un dialogue politique avec les autorités locales sur ce sujet. Le sujet des droits des personnes LGBT ne doit pas être tabou. L’objectif est que nous en parlions davantage, que nous fassions passer plus de messages, que nous aidions les associations sur le terrain…”

L’ambassadeur veut aussi travailler à l’identification de partenaires, notamment au sud, pour mener ses plaidoyers. “Des pays qui, comme nous veulent la dépénalisation, veulent un meilleur respect des droits” afin d’avoir davantage d’influence auprès des États qui continuent de pénaliser l’homosexualité.

Car Jean-Marc Berthon le reconnaît : “Il y a toujours la souveraineté des États de toute façon, et la diplomatie, par définition, est non violente. C’est le contraire de la guerre. Il y aura toujours cette limite. À la fin, c’est notre partenaire qui choisit la voie dans laquelle il veut s’engager.”

À ce poste pour au moins trois ans, le diplomate estime que sa mission sera réussie si plusieurs pays décident d’abroger  ou de suspendre leurs lois contre les personnes gay, lesbiennes ou trans.

 

SOURCE : radiofrance.fr