Le Mouvement italien 5 Etoiles (M5S) a pris un gros risque politique en choisissant, contre une partie de son électorat, de ne pas soutenir un projet de loi sur les unions gays, défendu par le gouvernement de Matteo Renzi.
Jusqu’à présent, le M5S de l’ex-comique Beppe Grillo, deuxième parti du pays, répétait qu’il soutiendrait le texte, à condition que l’adoption de l’enfant du conjoint soit maintenue.
Mardi soir, opérant un revirement aussi brusque qu’inattendu, le M5S a annoncé au Sénat son intention de ne pas voter un dispositif qui aurait permis l’adoption rapide du texte, en éliminant les centaines d’amendements déposés. Du coup, l’examen de cette proposition de loi a été renvoyée à la semaine prochaine, à la demande du Parti démocrate (PD) de Matteo Renzi, et nul ne sait si le texte pourra finalement être adopté, tant il divise profondément la classe politique, y compris dans la majorité.
Partisans des unions gay et membres du M5S, adeptes fervents de la "démocratie participative", ont vivement protesté face à cette démarche qu’ils ont jugé avant tout politicienne: un comble pour ce mouvement résolument anti-partis.
Du point de vue de la direction du mouvement, "le projet de loi sur les unions gay était un moment à ne pas rater pour mettre Renzi en difficultés", analyse le professeur de sciences politiques à l’université John Cabot de Rome, Franco Pavoncello. Une manoeuvre hasardeuse qui pourrait toutefois signifier le "début de la fin" pour le Mouvement, a-t-il ajouté.
Fondé en 2009 par le comique génois, au look de faune grisonnant, le M5S avait créé la surprise aux élections législatives de 2013 en remportant 25,5% des voix, devenant de fait la deuxième force politique du pays derrière le PD, avec un discours anti-système, et anti-corruption.
Après près de trois ans de pouvoir sans vraiment de partage sur ce qu’il persiste à ne pas appeler un "parti", Beppe Grillo avait annoncé à la fin de l’année qu’il se mettait en retrait, afin de revenir sur scène. C’est chose faite, son spectacle où il est l’unique vedette d’un one man show intitulé "Grillo vs Grillo", est donné actuellement à Rome après Milan. Son nom a également disparu depuis cette semaine du logo du mouvement.
Son héritier naturel, le jeune Napolitain Luigi di Maio, à l’allure de gendre idéal, a lancé la polémique en expliquant sur Twitter que l’attitude choisie par le M5S servait "à protéger le débat parlementaire". Las, il s’est immédiatement attiré les insultes des internautes, de "chacals" à "traîtres" en passant par "lâches".
Selon le journaliste politique de la Stampa, Francesco Maesano, il ne fait aucun doute que cette manoeuvre s’apparente à "un geste tactique contre le PD", tout en permettant au M5S d’arriver aux prochaines élections locales "sans avoir mis en colère la droite", où des voix sont à prendre.
Le problème avec le M5S, né sur internet et sans l’organisation classique d’un parti, c’est qu’il est aux mains d’un "gourou", Gianroberto Casaleggio, qui dicte sa ligne, selon les politologues interrogés.
"Le M5S est le bébé de Grillo. (Sans lui), il ne peut qu’aller vers son déclin", ajoute le professeur Piergiorgio Corbetta, auteur d’un livre sur le Mouvement.
Pourtant, les sondages le créditent toujours de 24,5% des suffrages, derrière le PD à 32%.
Le test ultime sera les prochaines élections municipales, vraisemblablement en juin, à Rome, que les experts comparent à un cadeau empoisonné si le candidat M5S venait à gagner, compte tenu des innombrables problèmes dont souffre la capitale (corruption, transports, dégradations …).
"J’espère pour eux qu’ils ne remporteront pas l’élection, affirme Gianroberto Corbetta. Dans le cas contraire, c’est d’une patate chaude ingérable dont ils hériteraient".
- SOURCE E LLICO