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 d’ADHEOS

Le premier ministre transalpin Matteo Renzi a promis de légiférer sur les unions civiles pour les couples homosexuels en septembre 2014. Le modèle de référence est le Lebenspartnershaft allemand – et non le Pacs à la française – destiné à faire office de mariage civil pour les couples de même sexe alors que tous les couples devraient bientôt pouvoir bénéficier d’un contrat de concubinage, moins restrictif légalement. Mais quid du réel progrès social en Italie ? Verrons-nous une ondée d’homophobie remonter la botte comme elle a secoué la France ? Retour sur une année mouvementée.
 
En septembre 2013, l’Italie était en débat sur le projet de loi contre l’homo et transphobie signé Ivan Scalfarotto, député du Parti démocrate. La raison du désaccord ? Le texte de loi – l’extension de la loi Mancino contre les discriminations, datant de 1993 – prévoit une exception si les propos homophobes sont tenus par des mouvements ou des partis politiques en raison de leur liberté d’expression.
 
Il s’agit pourtant bien d’incitation à la haine et c’est ce que les principales associations LGBTI italiennes ne digèrent pas, allant pour certaines, jusqu’à souhaiter que le texte de loi ne soit pas approuvé car il créerait l’illusion d’avoir obtenu gain de cause là où la victoire aurait été fictive. Pourtant le projet de loi est bien approuvé, aussi imparfait soit-il, par l’assemblée nationale, le 21 septembre 2013, contre la volonté des partis d’extreme droite.
 
Mais le débat s’enlise au Sénat, où l’extension de la loi Mancino est encore en cause. Les mouvements ultra-catholiques et d’extrême droite mènent une campagne de désinformation pour faire avorter le projet. Depuis un village du Latium, la politique ultra-catholique Eugenia Roccella (du Nuovo Centro Destra ) affirmait en Février 2014 que si l’on volait la voiture d’un homosexuel, l’homosexualité de la victime constituerait une circonstance aggravante au cas ou la loi soit approuvée. Des activistes LGBTI firent irruption adoubés de triangles roses et noirs pour contester fermement ces propos.
 
Fin Avril 2014, un tohu-bohu éclate au lycée Giulio Cesare de Rome. Les professeurs de littérature lisent aux élèves un passage du roman de Melania Mazzucco « Sei come sei » (traduit littéralement « Tu es comme tu es ») qui décrit un acte homo-érotique entre deux adolescents. Le roman raconte l’histoire d’amour entre les deux pères d’une petite fille conçue par GPA, l’héroïne du roman, qui après la mort de son géniteur biologique – seul reconnu légalement – part à la recherche du compagnon de ce dernier, son autre père.
 
Les mouvements d’extrême droite Giuristi per la vita et Pro Vita Onlus hurlent au scandale. Non satisfaits d’avoir défini le passage de « pornographique », les mouvements accusent l’Ufficio nazionale antidiscriminazioni razziali (Bureau national contre les discriminations raciales), organe du ministère de l’Égalité des chances en Italie, d’inciter à « vivre la sexualité dans une optique seulement homosexuelle ». Les mouvements étudiants d’extreme droite comme Lotta studentesca et Rotta di Collisione organisent des sit-in devant l’établissement, avec des pancartes homophobes : « Mâles sauvages, non aux tafioles hystériques » ou encore « Urgence homofolie ». Quant aux parents d’élèves catholiques, ils demandent aux écoles de ne pas diffuser de matériel pornographique. Le magazine Famiglia Cristiana, il y voit “le énième mauvais signe venant d’un système scolaire réduit à un champ de bataille idéologique où les familles sont dangereusement mises hors jeu.(…) une dégénérescence qui a bien peu à voir avec la liberté d’enseignement ». On parle de roman « homosexualiste et trop explicite », de « modèles de vie déviants et pervers ». On parle de faire interdire la lecture du livre dans les lycées. Il n’en sera rien.
 
Melania Mazzucco n’en revient pas d’un tel chahut : « Je trouve l’accusation d’obscénité complètement présomptueuse envers un roman qui parle, simplement, de famille et d’amour, et le reproche fait aux enseignants est ridicule. » La directrice du lycée Micaela Ricciardi rétorque : « Ce sont là des insinuations de l’extrême droite. C’est un beau livre et il est utile pour aborder des sujets comme les nouveaux types de famille et l’homophobie. Les lycéens ont apprécié. Nous sommes dans l’enseignement, nous avons à faire continuellement aux outings de jeunes qui découvrent leur homosexualité et nous devons réduire les risques d’homophobie et de discrimination. » Les associations LGBTQI prennent évidement la défense des professeurs et le maire de Rome Ignazio Marino (Parti démocrate) déclare : « les phrases homophobes qui ont étés prononcées montrent encore une fois qu’il faut insister sur la diffusion d’une culture, à partir des écoles, qui reconnaisse l’égalité des droits de tous, un objectif qu’il faut continuer à mener de l’avant. » 
 
Une fois de plus la sonnette d’alarme retentit -le 15 Mai – lorsqu’une croix gammée accompagnée d’un graphiti homophobe sont retrouvée sur la façade de l’église vaudoise de Rome. L’Église vaudoise est célèbre pour son soutien à la cause homosexuelle et accueille de nombreux homosexuels croyants. La bannière arc-en-ciel, symbole de la cause LGBTQI flottait depuis quelques jours sous les vitraux du lieu de culte, en raison de la période précédant la journée mondiale contre l’homophobie du 17 Mai, lorsque le pasteur remarque l’inscription « No frocio » – à savoir « Non aux pédés » – et une svastica sur le mur. Solidarité des associations LGBT et des autorités italiennes à l’Église vaudoise. La ville de Rome condamne l’acte.
 
A quelques jours du Roma Pride, c’est dans le lycée professionnel Galileo Ferraris de l’Esquilino à Rome, qu’une nouvelle inscription homophobe apparaît. « Frocio » sur les dalles du trottoir devant le lycée, suivi du nom d’un lycéen. Les lycéens se mobilisent alors et contactent la Help line contre l’homophobie du Gay Center.
 
Lorsque la vingtième Gay Pride de Rome rassemble 200 000 personnes, dont le maire Ignazio Marino, l’acteur Carlo Gabardina, l’homme politique homosexuel Nichi Vendola et son compagnon, la capitale semble avoir choisi son camp. Celui de l’égalité, du progrès et des droits. Malgré ce, une micro-manifestation d’extreme droite a lieu le même jour de l’autre coté du Tibre.
 
A 15 jours de distance, le journaliste homosexuel Tommaso Cerno reçoit sur son compte Twitter des menaces homophobes de la part d’un mystérieux utilisateur dont le pseudonyme est Loculo. D’abord une photo, une table dressée, à la place de chaque convive un gibet avec une corde. Le Message twitter dit « @Tommasocerno Pédé de merde, ce soir tu es invité à diner…viens avec tes petits potes, n’oublie pas !!! ». Si la page de l’utilisateur Loculo a bien été éliminée, les suspects quant à qui se cache derrière ce pseudo vont de bon train. Parmi les followers de Cerno, l’ancien assesseur à la famille de la ville de Rome sous le mandat de Gianni Alemanno, Gianluigi de Palo. Quant à la junte municipale d’Alemanno, ancien maire d’extrême droite qui avait défini le gay pride « exhibitionnisme sexuel » et membre d’Alleanza nazionale, il n’est pas surprenant qu’elle ait eu en son sein des personnes comme De Palo, qui se présente sur twitter comme « mari, père de 4 enfants et ceinture noire de catéchisme ».
 
L’annonce du projet de loi sur les unions civiles proposé par le premier ministre Renzi n’a pas calmé les eaux. Au contraire, suscitant l’hostilité de l’extrême droite et d’une bonne partie de la droite, les déclarations homophobes n’ont pas diminué.
 
Le 25 juin, l’association LGBT romaine Di Gay Project est prise d’assaut par 10 jeunes qui jettent des sacs d’excréments humains et des insultes au nez des 13 volontaires alors présents au siège de DGP, terrifiés. « Vous crèverez tous, on vous brulera, pédés. » L’association, avec la solidarité des autres associations et des autorités porte plainte. Plus tard, une photo représentant Hitler et Mussolini avec pour fond une banderole homophobe apparaît sur internet. L’image fait référence au Gay Village, une serie de spectacles et de fêtes ayant lieu l’été dans la capitale italienne, animée par Di Gay Project.
 
Imma Battaglia, fondatrice de DGP insiste sur l’urgence que le projet de loi contre l’homophobie entre en vigueur : « Ceci démontre qu’il faut parler de l’homophobie et que le combat ne doit pas seulement être médiatique mais aussi institutionnel. J’encourage Matteo Renzi à accélérer le pas sur la loi contre l’homophobie et le conseil municipal de Rome pour l’institution des unions civiles. Nous devons repousser clairement ces attaques et nous invitons toute la ville au Gay Village jeudi. »
 
Alors que les unions civiles promises semblent finalement sur le point d’aboutir, c’est l’absence de cette loi contre l’homophobie dont les italiens attendent l’approbation depuis presque un an qui permet un certain laxisme en matière de répression des agressions homophobes. L’approbation de cette loi permettrait d’inclure les crimes homophobes, d’une part dans le cadre des crimes dont le mobile est l’homo-transphobie, d’autre part dans le cadre de l’incitation à l’homo-transphobie, au même titre que l’incitation à la haine raciale, religieuse ou ethnique, comme le stipule la loi Mancino du 25 juin 1993. Les peines plus lourdes qu’encourraient les auteurs de délits homophobes, allant de 6 mois à 4 ans de réclusion criminelle devraient être suffisamment dissuasifs. L’homophobie est avant tout culturelle, mais il est souvent indispensable de la décourager par de sévères sanctions pénales.