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 d’ADHEOS

 Ecorné par les commentaires de TÊTU, le député UMP, qui a proposé de donner un avantage fiscal aux couples mariés sur les pacsés, a souhaité s’expliquer, alors que son amendement est en cours de débat à l’Assemblée nationale.
 
 Le député UMP de la Drôme Hervé Mariton lit les commentaires des TÊTUnautes. Et il estime que la qualification d’«homophobe» à son encontre est i-nac-cep-table. Et cela, juste parce qu’il souhaite maintenir l’avantage fiscal dont bénéficieraient les nouveaux mariés, tout en le supprimant aux pacsés, et a fait voter en commission des finances (débattu cet après-midi à l’Assemblée nationale) un amendement en ce sens, pour «la solidité de la société»(lire article). Le même député avait proposé d’interdire l’adoption aux célibataires et, dans une interview, estimait que «un couple est formé d’un homme et d’une femme» (lire article). Epinglé dans vos réactions, il a contacté la rédaction de TÊTU…
 
 TÊTU: Suite à notre article du 10 novembre, vous avez souhaité réagir. Pourquoi donc?
Hervé Mariton: Je voulais souligner que mon amendement n’avait évidemment aucune connotation homophobe, comme il l’a été qualifié sur votre site. le problème, c’est que le pacs est devenu autre chose que ce pour quoi il a été créé. Le législateur l’a voulu pour répondre, entre autres, à la situation juridique de couples homosexuels, mais de fait le pacs a été transformé par les couples hétérosexuels en alternative au mariage.
 
Je ne porte aucune qualification morale sur cet élément de société, mais de mon point de vue, cela complique le sujet qui est l’amélioration des droits des couples homosexuels. La difficulté, pour moi, est d’améliorer les droits de couples de même sexe, sans rentrer dans une identification mariage/pacs, car on finit par se demander pourquoi ces deux sont proposés aux couples hétérosexuels.
 
Pour bien comprendre votre amendement, ce qui vous gêne, c’est que le pacs n’apporte pas de solidité à la société?
Le pacs n’a pas la même ambition de solidité, ne serait-ce que parce qu’il est bien plus facile à défaire que le mariage: il suffit d’envoyer une lettre au greffe du tribunal. Même si je suis capable de comprendre qu’il y a des mariages qui ne durent pas, et des pacs qui peuvent durer, le mariage bénéficie d’un ensemble de contraintes, de protections, d’objectifs qui ne sont pas les mêmes que ceux du pacs. Qu’ensuite, les couples homos disent qu’il n’est pas normal qu’ils ne puissent pas partager cette ambition, si c’est en-dehors de la parentalité, c’est une bonne question, à laquelle je ne sais pas répondre aujourd’hui.
 
Vous ne savez pas, donc vous n’avez pas de solution à y apporter?
Il n’y a pas de réponse simple. J’aurais envie de dire qu’au fond, il serait bien qu’il existe un contrat permettant à un couple homosexuel de former un vœu aussi solide dans la durée que celui qui est l’ambition du mariage.
 
Mais qui ne s’appellerait pas le mariage?
Qui ne s’appellerait pas le mariage, au sens de l’homoparentalité. On me dira qu’on va stigmatiser les couples homos. Je répondrai que pour moi, la différence n’est pas une stigmatisation. Si la solution que j’évoque est plus mauvaise que la situation actuelle, il n’y a pas de raison de la proposer.
 
«Je ne suis pas favorable à la création d’un contexte juridique pour des enfants issus d’une intention homosexuelle» En somme, vous suggérez une «union civile» sur le mode de ce qui était au programme de Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle de 2007, et à laquelle il a renoncé…
Ça ne m’a pas échappé. Ne pas mélanger deux types de contrats pour les hétéros, mais augmenter la solidité du lien avec notamment la pension de réversion, sans parentalité, pour les homos, c’est l’esprit de cette proposition. Est-ce que c’est une solution pertinente? Cela dépend largement de l’opinion des personnes concernées et ça m’intéresserait de la connaître.
 
Clairement, les associations LGBT ont déjà répondu à l’idée de Nicolas Sarkozy, et l’ont rejetée…
Je crois le comprendre. Mais mon amendement souligne que cette interrogation n’est pas illégitime.
 
Ce qui vous dérange avant tout, ce n’est donc pas l’homosexualité, mais l’homoparentalité?
Elle ne me dérange pas, je n’y suis pas favorable. J’assume et revendique une conception de l’enfant né d’un père et d’une mère, et quels que soient les moyens techniques dont on dispose aujourd’hui, c’est le modèle auquel je me réfère. C’est pourquoi j’ai proposé d’interdire l’adoption par les célibataires. Il n’y a pas de cohérence aujourd’hui à autoriser l’adoption par les célibataires et à ne pas assumer l’homoparentalité. C’est toute l’hypocrisie de la loi.
 
De fait, aujourd’hui, des milliers d’enfants sont élevés dans des familles homoparentales. Quel est votre jugement sur leur sort, vous pensez qu’ils se développent mal?
J’ai compris que beaucoup d’études démontrent que les enfants ne sont pas dans un contexte défavorable en tant qu’enfants pris individuellement. Donc je n’ai pas de jugement négatif ces situations de fait. Je pense même que, dans le cas de couples recomposés, quand l’enfant est né d’un contexte hétéro, qu’il est ensuite accueilli par un couple homosexuel, il serait légitime que la loi apporte une réponse. Sans nier les parents-parents, ceux qu’on appelle, dans une curieuse terminaison, les parents biologiques.
 
Vous pensez à une sorte de statut du beau-parent…?
Je ne l’appelle pas «beau-parent». Mais il y a des choses à améliorer dans cette configuration: des enfants issus d’une intention hétérosexuelle qui se trouvent, par les évolutions des personnes, dans des couples homosexuels. Je ne suis pas favorable, en revanche, à la création d’un contexte juridique pour des enfants issus d’une intention homosexuelle.
 
Mais vous avez dit que le bien-être des enfants dans des familles homoparentales n’était pas en cause. A nouveau donc, quel est le problème de l’homoparentalité?
(6 secondes de silence) Je ne suis pas dans la vision de la société du genre. Je considère qu’on a une organisation de la société avec différents types de choix sexuels, libres et légitimes. Mais la société est construite autour de la transmission par l’enfant issu de l’homme et de la femme. Quelle que soit l’évolution des moyens techniques d’accession à la parentalité, je ne souhaite pas me distendre de ce schéma, qui est une convention historique.
 
Et lorsque le pape, comme il l’a encore réaffirmé début novembre à Barcelone, appelle à protéger la famille, union «d’un homme et d’une femme», c’est un point de vue qui doit influer le législateur?
Je ne suis pas catholique, et pas aligné sur Benoît 16, mais il est vrai qu’il y a beaucoup d’affirmations de l’Eglise catholique, comme la doctrine de la famille comme fondement de la société, que je trouve très bien formulées. Je fais une distinction entre la famille et le couple, qui est libre et sur lequel je n’érige aucune norme. Un homme et une femme, lorsqu’ils ont des enfants, issus de la nature ou adoptés, font une famille. Les couples homosexuels, bien que légitimes, ne font pas famille de la même manière.
 
Un mot enfin sur votre amendement. Le gouvernement a dit qu’il n’y était pas favorable. A quoi vous attendez-vous pour le vote ce lundi?
Il a été soutenu par 58 députés UMP, mais son vote dépendra de la présence physique des uns et des autres. J’en ai parlé avec Baroin (ministre du Budget, NDLR), sur le terrain de l’équilibre des finances publiques, pas sur la dimension sociétale de la chose. Comme l’ont dit les socialistes en commission des Finances, le pacs est un choix individuel, le mariage est un choix de société. Je pense qu’il peut y avoir des conséquences fiscales différentes de tels choix. Mais si les homosexuels font un choix de société, je ne serais pas choqué que cela amène des conséquences sur le choix fiscal, tant que cela ne s’appelle pas le mariage.
 
Donc vous proposez que les homosexuels aient aussi des avantages fiscaux, s’ils acceptent de renoncer à l’homoparentalité et au mariage, pour adopter un statut à part.
… Un statut différent.
 
Propos recueillis par Paul Parant.
 
MISE A JOUR: réaction de Philippe Rollandin, porte-parole de l’APGL
Dans cette instructive interview, Hervé Mariton s’affirme comme une sorte de Christine Boutin au masculin. Comme elle, il se défend de toute homophobie mais c’est du Canada dry à l’état pur….
Souhaitant enfermer les homosexuels dans une Union civile qui serait encore plus un ghetto que celle proposée par Nicolas Sarkozy en 2007, il récuse toute légitimité à l’homoparentalité.
 
Préconisant d’interdire l’adoption aux célibataires, il est opposé «à la création d’un contexte juridique pour des enfants issus d’une intention homosexuelle». M. Mariton se rend-t-il compte que, par cette expression, il discrimine les enfants, il les punit d’avoir des parents homosexuels? On est là au cœur de la question de la reconnaissance de la famille homoparentale. Les revendications que l’APGL porte – autorité parentale partagée, adoption simple, double filiation, etc. – n’ont pas d’autres objectifs que de permettre à nos enfants de vivre dans un contexte familial sécurisé au même titre que les autres enfants.
 
Mais ce qui semble surtout défriser M Mariton, c’est que deux personnes de même sexe portent et assument un projet parental qui est leur projet de vie. Il faudra bien pourtant que cette réalité sociale et sociologique soit un jour reconnue comme elle l’est déjà dans de nombreux pays, en particulier en Europe.
Entre des décisions de justice qui, régulièrement accordent le partage de l’autorité parentales, les condamnations de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour discrimination à l’encontre des parents de même sexe et la Cour de Cassation qui interroge le Conseil Constitutionnel sur le droit au mariage des homosexuels, on voit que la société bouge et que la pression monte.
Le couvercle sur la marmite finira bien par exploser, n’en déplaise aux marmitons adeptes de la cuisine traditionnelle.