Des militants LGBTI européens, rassemblés ce week-end à Chypre, dénoncent un retour en arrière des mentalités et un essor important de l’intolérance.
L’Europe a fait d’énormes progrès pour les droits des minorités sexuelles depuis les années 1990 mais ces gains sont plus que jamais menacés par une montée de l’intolérance. Des avancées «que l’on n’aurait pas imaginées en 1996» ont été accomplies, s’est félicitée l’organisation ILGA-Europe qui milite en faveur de l’égalité des droits des homosexuels, lesbiennes, bisexuels, personnes trans- et intersexuelles (LGBTI), en célébrant son 20e anniversaire à Nicosie.
Ces progrès ont été marqués par l’adoption dans plusieurs pays de lois permettant le mariage des personnes de même sexe ou laissant le choix aux personnes transsexuelles de choisir légalement leur genre, selon ILGA-Europe. Mais les militants participant au rassemblement ont regretté une montée en puissance du courant réactionnaire et des discours haineux qui provoquent, selon eux, une augmentation des attaques à l’encontre des personnes LGBTI.
Recrudescence d’agressions
C’est notamment le cas en Pologne, où la fréquence de ces actes est montée en flèche depuis l’arrivée au pouvoir en octobre 2015 des conservateurs populistes du parti Droit et Justice (PiS), s’alarme l’association polonaise Campagne contre l’homophobie (KPH). Le gouvernement a créé un climat de peur, en licenciant les fonctionnaires qui promeuvent les droits des personnes LGBTI, soutient Agata Chaber à la tête du KPH. Et les bureaux de l’association ont été attaqués à coups de briques et de bouteilles plusieurs fois début 2016.
En mars, trois hommes ont ainsi tenté d’entrer de force dans les bureaux, en plein milieu de la journée, avant de se résigner à scander des slogans homophobes depuis l’extérieur. C’est «le pire incident vécu par le groupe en 15 ans d’existence», assure Chaber à l’AFP. Une étude menée en Pologne en 2014 –la plus récente à ce sujet– par l’institut CBOS montre que 70% des personnes interrogées pensent que les relations homosexuelles sont inacceptables.
Montée de la droite
Pour Philippe Ayoub, assistant professeur à la Drexel University de Philadelphie, la crise des migrants a provoqué une montée de la rhétorique de droite et nationaliste, qui se veut protectrice des valeurs traditionnelles. Et les personnes LGBTI sont parmi les premières victimes de ce courant, constate-t-il. Les dirigeants populistes en Pologne, Hongrie et d’autres pays européens présentent les droits des homosexuels comme une menace à l’encontre des valeurs de la famille.
En Roumanie, 8 000 personnes ont manifesté samedi à Oradea (est) pour exprimer leur opposition au mariage homosexuel, avant une décision de la Cour constitutionnelle sur le sujet attendue la semaine prochaine. Et en Lettonie, une loi contre la «propagande homosexuelle» ambitionne de faire disparaître tous les symboles LGBTI de la sphère publique, menant à l’arrestation de militants parce qu’ils arboraient par exemple un drapeau arc-en-ciel lors de manifestations, indique M. Ayoub. À Paris, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à Paris le 16 octobre trois ans après la loi de 2013 légalisant le «mariage pour tous».
- SOURCE L ESSENTIEL