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 d’ADHEOS

 Quand on demande à Caroline Mécary ce qu’elle pense de la gestation pour autrui (GPA), la réponse tombe, claire et nette: «J’ai bien une opinion en tant que citoyenne, mais en tant qu’avocate, je me place sur le terrain du droit».
 
En exclusivité pour Yagg, elle explique la législation en vigueur sur le sujet, les problèmes auxquels sont confronté-e-s celles et ceux qui ont recours à la GPA, le statut des enfants, les évolutions envisageables…
 
 
Que dit le droit français sur la gestation pour autrui?
Il y a énormément de confusion sur le droit applicable en ce domaine et cette confusion est renforcée par le comportement de l’administration qui abuse de ses pouvoirs. Sur le plan civil la question de la gestation pour autrui (GPA) est régie par l’article 16-7 du code civil qui dit qu’un contrat de gestation pour autrui est nul s’il est conclu sur le territoire français. Qu’est-ce que cela signifie, la nullité du contrat? Cela signifie qu’aucune partie au contrat (parents d’intention ou gestatrice) ne peut saisir le juge pour lui demander à ce que le contrat soit exécuté en cas de non exécution de ce contrat par l’une des parties. Par exemple, si la femme qui a porté l’enfant refuse de le remettre aux parents d’intention ou si ces derniers refusent de prendre l’enfant, aucun d’eux ne peut saisir le juge pour demander à ce que la partie qui refuse d’exécuter son obligation le fasse. Cet article est applicable sur le seul territoire français.
 
Sur le plan pénal, il existe le délit de provocation d’abandon d’enfants.
Ainsi un couple (homo ou hétéro) qui aurait eu recours à une mère porteuse sur le territoire français est susceptible d’être poursuivi pénalement en France pour provocation à abandon d’enfant; en revanche si ce même couple a recours à une mère porteuse dans un pays où cela est légal (par exemple États-Unis, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas, Grèce, Israël, Inde, Ukraine, etc.), aucune infraction ne peut être reprochée à ce couple en France, dès lors que l’exécution du contrat se situe hors de France.
 
Pour que le comportement d’un couple puisse être pénalement poursuivi en France, il faut donc soit que le contrat de gestation ait été exécuté en France, soit qu’il ait été exécuté dans un pays où la gestation pour autrui est pénalement répréhensible, cette dernière hypothèse étant improbable puisqu’on ne voit pas pourquoi un couple de Français aurait recours à une gestation pour autrui dans un pays étranger qui réprimerait pénalement un tel contrat.
 
Comment expliquez-vous l’attitude des autorités françaises?
Le ministère des Affaires étrangères est parti en croisade, il pratique ce que j’appelle le «colonialisme juridique». Il cherche par tous les moyens à faire prévaloir à l’étranger la conception française de ce qui est acceptable ou pas quant à la conception des enfants. Les consulats français – alors qu’ils sont là pour aider les Français de l’étranger – mettent tout à fait volontairement un maximum de bâtons dans les roues des couples, qui ont eu un enfant par GPA à l’étranger.
 
D’une part, ils refusent, dès qu’ils ont une suspicion de GPA (mais qu’est-ce qu’une suspicion?), de transcrire sur les registres de l’état civil français l’acte de naissance établi à l’étranger et ce en violation de l’article 47 du code civil.
D’autre part, ils refusent en violation du décret applicable de délivrer à l’enfant un laissez-passer pour que celui-ci puisse rentrer sur le sol français. Or si la transcription de l’acte de naissance étranger sur les registres de l’état civil n’est pas du tout obligatoire (contrairement à une idée reçue), la délivrance d’un laissez-passer devrait l’être car dans tous les couples homos et hétéros qui ont eu recours à une GPA, il y a au moins l’un des parents (le père) qui transmet la nationalité française en vertu du droit du sang (article 18 du code civil). L’administration française commet ainsi un abus de pouvoir en refusant de délivrer au minimum un laissez-passer à l’enfant pour que celui rentre dans son pays.
 
J’ajoute que, très souvent, l’enfant né par GPA n’a pas la nationalité du pays où il est né. Ainsi en Inde, la mère porteuse ne peut pas transmettre sa nationalité à l’enfant car comme dans le cas d’un accouchement sous X, elle n’existe pas juridiquement (c’est la loi indienne). Par conséquent, l’enfant n’a pas la nationalité indienne. Il n’en demeure pas moins que l’article 18 du code civil dit clairement qu’est français l’enfant dont au moins l’un des parents est français. Malgré cela, l’administration française refuse de le reconnaître. C’est une position qui relève d’un certain négationnisme: l’administration fait comme si l’enfant n’existait pas en tant qu’enfant français.
 
Comment la situation va-t-elle évoluer?
Clairement, le gouvernement et l’administration française ne peuvent pas continuer sur cette voie. L’article 16-7 du code civil, qui dit que le contrat de mère porteuse est nul, doit être écartée car il existe la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) qui lui est supérieure dans la hiérarchie des normes. Plus précisément l’article 3-1 de la CIDE dit que «l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale». Cet article est d’application et d’effet direct en France. Il doit conduire le juge national à écarter l’article 16-7 du code civil et obliger les autorités à délivrer des laissez-passer. Cela est tellement vrai que le Conseil d’État a, dans un arrêt du 4 mai 2011, fait prévaloir cette conception.
 
 
Quelle est la place de la mère porteuse dans une GPA?
Il faut voir les nuances selon la législation de chaque pays mais grosso modo le contrat qui lie la mère porteuse aux parents d’intention dit bien le consentement de chaque partie à cet accord qui prévoit que l’enfant ainsi porté n’est pas biologiquement l’enfant de la mère porteuse car il a été conçu avec les techniques de procréation médicalement assistée. Il a été conçu in-vitro grâce aux gamètes du père d’intention et à un don d’ovocyte fait par une autre femme. Le contrat est clair, la mère qui accepte de porter l’enfant pour des parents d’intention le fait en connaissance de cause, elle ne veut pas de cet enfant, qui ne lui est pas rattaché biologiquement (elle a d’ailleurs elle-même un ou plusieurs enfants) et qu’elle a choisi de porter à la demande des parents d’intention.
 
En attendant, quelles sont les conséquences du blocage de l’administration sur la situation des enfants?
Au mieux, l’enfant arrive à entrer en France avec ses parents d’intention. Au pire, il en est empêché et le risque réel est qu’il soit confié à un orphelinat car la mère porteuse n’en veut pas et le père ne peut le ramener car les autorités françaises refusent de remettre un laissez-passer.
 
À cela s’ajoute un problème supplémentaire, c’est qu’il y a une différence de situation en fonction du lieu où les parents se rendent pour la GPA. Avec l’Ukraine où l’Inde, il n’existe aucun accord bilatéral de libre circulation avec la France ou avec l’espace Schengen, de sorte que les enfants nés dans ces pays ne peuvent revenir sans le sésame qu’est le laissez-passer.
 
Ce qui est scandaleux, c’est qu’il y a d’autres pays où le fait d’avoir eu recours à une GPA ne pose aux parents d’intention aucune difficulté pour revenir ensuite sur le territoire français avec leur(s) enfant(s). C’est par exemple le cas aux États-Unis ou au Canada, où la nationalité se transmet par le droit du sol. Ainsi, un enfant né sur le sol américain est obligatoirement américain. Il peut donc rentrer en France avec son passeport américain et il obtient automatiquement un visa touristique de trois mois en raison des accords qui existent entre les États-Unis et l’Europe de Schengen pour la libre circulation de leurs ressortissants réciproques.
 
Et ensuite, quelle est la marche à suivre pour que l’enfant obtienne des papiers français?
Il faut venir me voir. Au jour d’aujourd’hui, j’obtiens les documents nécessaires aux enfants par des moyens légaux. Vous me permettrez de garder le silence sur les méthodes que je mets en œuvre afin de les obtenir. Disons qu’il y a des failles juridiques.
 
Concrètement, quel est le statut d’un enfant qui arrive sur le sol français muni de son seul laissez-passer? Comme l’État français fait des difficultés pour lui donner la nationalité, l’enfant peut être considéré comme étranger pendant un certain temps mais il est Français, il faut juste arriver à ce que lui soit délivrés les documents qui permettent de le prouver: certificat de nationalité, passeport, carte nationalité. Selon les dossiers, cela peut prendre quelques semaines à quelques mois voire un peu plus. Pendant cette période, on peut lui obtenir un document de circulation pour mineur étranger mais ce n’est pas une obligation avant l’âge de 16 ans (d’ici là les autres moyens juridiques auront permis d’obtenir la reconnaissance de nationalité française). Pour le moment, je suis toujours arrivée à l’obtenir in fine.
 
Comment expliquez-vous l’attitude du pouvoir sur la GPA?
Il y a à la fois une méconnaissance sur ces questions qui s’accompagne d’une propension aux positionnements dogmatique du gouvernement actuel, voire totalitaire. En France, on est très très fort pour penser détenir la vérité sur des sujets qui posent en effet des questions éthiques et c’est le cas pour la GPA comme pour d’autres sujets, qui de toute façon ne sont pas simples. Ce que je crois c’est que toute politique de prohibition est vouée à l’échec, l’Histoire nous le montre très clairement: de la prohibition de l’alcool à celle des stupéfiants on est en présence d’une succession d’échecs car toute prohibition crée un marché parallèle avec ses dominés, ses exploités relégués dans les zones d’ombre de la société. Toute politique de prohibition est un infantilisme de la pensée. L’attitude du gouvernement actuel est aux antipodes de l’intérêt concret des enfants nés dans le cadre d’une gestation pour autrui: les enfants sont là (il y en a quelques centaines par an qui naissent de la sorte autant dire une goutte d’eau); l’État ne pourra pas faire indéfiniment comme si ces enfants n’existaient pas