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 d’ADHEOS

En France, de moins en moins de jeunes s’identifient comme hétérosexuels, selon une récente étude. Parmi les 18-29 ans, cela concerne une femme sur cinq et un homme sur 12. L’un des responsables de l’étude, Wilfried Rault, y voit une meilleure acceptation de l’homosexualité  et un possible effet MeToo.

“Entre 2015 et 2023, le nombre de jeunes adultes de 20-29 ans s’identifiant comme bisexuels ou pansexuels” (attirance pour une personne quel que soit son genre) “a été multiplié par six”, indique l’Institut national d’études démographiques (Ined), en se basant sur une enquête sur la vie affective menée en 2023 auprès de 10’000 jeunes adultes.

Une femme sur dix s’identifiait en 2023 comme “bisexuelle”, 5% “pansexuelles”, 2% comme lesbiennes, et 81% comme “hétérosexuelle”, selon l’étude intitulée “Homo, bi et non-binaires: quand les jeunes questionnent l’hétérosexualité”.

Chez les hommes, 3% se sont identifiés comme homosexuels et 3% comme bisexuels, selon cette étude parue dans la revue Population et sociétés.

Plus grande visibilité

Ces évolutions s’inscrivent “dans une longue histoire de reconnaissance et de visibilité de l’homosexualité et plus récemment des minorités sexuelles”, commente l’un des responsables de cette étude, Wilfried Rault, directeur de recherches à l’Ined.

Parmi ces minorités sexuelles, quelque 1% des jeunes interrogés se déclarent “asexuels” (ne ressentent pas d’attirance sexuelle pour une autre personne) et 1,7% se définissent comme “non binaires”, (ni strictement homme ni strictement femme).

“Le vote des premières unions civiles dans les années 90 et l’ouverture du mariage aux couples de même sexe un peu plus tard ont contribué à créer un contexte de plus grande visibilité des minorités sexuelles”, explique Wilfried Rault dans l’émission Forum.

Libération de la parole

Les jeunes interrogés, nés entre la fin des années 90 et le début des années 2000, ont donc davantage été exposés à ces sexualités minoritaires. “Ce faisant, ces jeunes générations se sont davantage approprié ces sexualités, puisqu’elles devenaient davantage une possibilité”, ajoute Wilfried Rault.

Par ailleurs, ce contexte de reconnaissance, juridique et sociale, a favorisé une libération de la parole quant à ces “désirs minoritaires qui étaient très fortement stigmatisés”, estime le chercheur. “On ne peut pas parler de banalisation, mais en tout cas, il y a une acceptation de principe qui s’est fortement développée”, souligne-t-il.

Effet MeToo

L’Ined relève dans sa nouvelle étude un fort écart entre hommes et femmes: si 19% des femmes de 18 à 29 ans ne s’identifient pas comme hétérosexuelles, ils sont 8% chez les hommes de leur âge. C’était le cas de 3% des femmes et 2% des hommes dans l’enquête Virage de 2015, qui portait sur la tranche d’âge 20-29 ans, précise Wilfried Rault.

Selon le travail de l’Ined, 37% des femmes de 20-29 ans en 2023 disent avoir eu des “attirances” “pour les deux sexes” au cours de leur vie, contre 7% dans l’enquête Virage (Ined) de 2015.

Evolution des identifications et attirances sexuelles des jeunes (2015-2023). [Ined]
Evolution des identifications et attirances sexuelles des jeunes (2015-2023). [Ined]

Selon Wilfried Rault, le mouvement MeToo explique en partie cette évolution. “Le contexte MeToo de ces dernières années a politisé l’hétérosexualité d’une manière un peu inédite et mis au jour des violences dans la sphère privée”, indique-t-il.

Ce contexte, auquel s’ajoutent les récentes discussions autour des inégalités de répartition du travail domestique dans le couple, ont rendu l’hétérosexualité “un peu moins désirable” pour les jeunes femmes. “Elle a été davantage associée à une forme d’organisation de la sphère privée dans laquelle dominaient les désirs masculins”, poursuit Wilfried Raul. “Et se dire bi ou pansexuel, c’est mettre un peu à distance cette représentation de l’hétérosexualité, sans l’exclure complètement”.