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 d’ADHEOS

Si le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars), publié au Bulletin officiel ce jeudi 6 février, est une réelle avancée malgré les oppositions réactionnaires, la disparition de la notion de «transphobie» pose question.

Si la politique est l’art du compromis, il y a des reculs qui passent mal, au moment où Donald Trump mène l’offensive contre les personnes transgenres. Après de longs mois de débats, le premier programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) a été publié officiellement au Bulletin officiel ce jeudi 6 février pour une application à la rentrée 2025, sans finalement inclure la notion de transphobie. Ce qui avait pourtant été convenu dans l’avant-dernière version du programme, par ailleurs progressiste, voté à l’unanimité le 29 janvier au Conseil supérieur de l’éducation (CSE) et accepté par le cabinet de la ministre de l’Education Elisabeth Borne.

Après avoir disparu du texte, les notions d’homophobie et de transphobie avaient finalement été réintégrées en CSE en classe de troisième avec cette formulation : «Caractériser et savoir reconnaître une situation de violence sexuelle (y compris l’inceste), de violences sexistes, de stigmatisation, de discriminations ou de violence sur le fondement notamment du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou de l’état de santé, transphobie ou homophobie.» Mais dans la dernière version officielle, le terme de transphobie a donc été supprimé. Justification du ministère auprès de Libération : «La rédaction “homophobie et autres” a été privilégiée permettant ainsi aux professeurs et aux personnels éducatifs d’aborder différentes situations de discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou le genre.» Une modification qui en dit long sur le poids des franges les plus conservatrices, pourtant minoritaires.

Un sujet jugé «délicat»

Commandé par l’ancien ministre de l’Education Pap Ndiaye il y a déjà trois ans, ce programme doit permettre de fixer un cadre pour cet enseignement obligatoire depuis près de vingt-cinq ans, de l’école au lycée, à raison de trois séances annuelles. Mais qui, dans les faits, est très peu appliqué. Si l’élaboration de son contenu a duré une éternité, c’est parce que le sujet est «délicat», comme l’a précisé le ministère ce jeudi devant les journalistes. Délicat, pour les franges les plus réacs en réalité. Elles se sont particulièrement agitées en fin d’année 2024, en découvrant le dernier document de travail de cet enseignement qui a pour objectif d’apprendre aux jeunes à mieux se connaître, à accepter les autres tels qu’ils sont, à bien maîtriser la notion de consentement, à s’armer contre les violences sexuelles, à défendre l’égalité filles-garçons ou encore à lutter contre toute forme de discrimination.

Relayés dans les médias sous la coupe de Bolloré, les anti-Evars – des collectifs tradi ou d’extrême droite issus de la Manif pour tous, des antivax et du parti Reconquête d’Eric Zemmour – ont multiplié les attaques sur la prétendue dangerosité de ce programme jugé militant, qui traumatiserait les enfants en abordant des sujets totalement inadaptés à leur âge, lesquels pourraient, en somme, les détourner de l’hétérosexualité. Ces groupes n’ont cessé de brandir la fake news de la «théorie du genre», qui nierait les différences biologiques entre filles et garçons, au point d’être repris par l’ex-ministre conservateur Alexandre Portier. L’enseignement catholique et une centaine de sénateurs LR avaient aussi réclamé une nouvelle version «profondément remaniée» du programme.

Une rentrée 2025 surveillée de près

Si sa philosophie n’avait pas bougé, le programme avait été quelque peu édulcoré pour ne pas froisser les plus réfractaires. Les syndicats enseignants et la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), notamment, avaient alors déposé des amendements en CSE pour revenir sur des modifications symboliques. En dehors de la disparition du terme de transphobie, ils ont tout de même obtenu gain de cause, notamment sur l’information aux familles, qui ne seront finalement pas prévenues à l’avance des jours où les séances auront lieu. Elles pourront tout de même consulter le contenu du programme disponible en ligne et en seront informées en début d’année en conseil d’école, comme pour n’importe quel autre enseignement obligatoire.

Après la publication du programme, sa mise en œuvre à la rentrée 2025 sera surveillée de près puisque les enseignants manquent d’heures allouées et de formation sur le sujet. Le ministère de l’Education nationale a annoncé ce jeudi la tenue d’un séminaire début mars pour les cadres et référents académiques. Des ateliers de formation doivent ensuite être déclinés dans les académies pour deux à trois professeurs des écoles par circonscription, et un professeur par collège et lycée d’ici septembre.