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 d’ADHEOS

L’année 2013 fut paradoxale pour les homosexuels. Ce fut celle d’une avancée historique, avec le vote de la loi leur ouvrant mariage et adoption. Avec plus de 7 000 mariages célébrés sans incidents en 2013, elle semble déjà être entrée dans les moeurs. En même temps, une recrudescence inattendue de l’homophobie, en paroles et en actes, a eu lieu.
 
Cette réalité, sensible pour les personnes concernées, qui ont souvent très mal vécu l’intense débat autour du « mariage pour tous », est confirmée par le rapport annuel de l’association SOS-Homophobie publié mardi 13 mai. Le nombre de témoignages reçus atteint un record : 3 517, soit une hausse de 78 % par rapport à 2012. Le nombre d’agressions physiques rapportées a doublé pour atteindre 188 cas, soit à peu près une tous les deux jours.
 
« ll n’y a pas eu une montée de l’homophobie, mais une libération de la parole », estime Yohann Roszéwitch, le président de l’association, dont le rapport annuel constitue l’unique mesure du phénomène en France. « L’homophobie s’est décomplexée. En parallèle, la parole des victimes s’est également libérée. » La reconnaissance d’un statut par la loi a probablement poussé davantage de personnes à se reconnaître comme victimes et à témoigner, ce qui peut expliquer une partie de la hausse.
 
« SI J’AVAIS UN FUSIL, JE LES TUERAIS, LES PD »
 
Le rapport restranscrit ad nauseam les propos dénoncés. « Mariage gay, c’est la porte ouverte à toutes sortes de saloperies, type zoophilie, nécrophilie… Ouais, j’ai l’esprit fermé, pas comme vos culs » (sur Twitter) ; « En cette période de débat sur le mariage, je suis plus que ravi d’unir aujourd’hui un homme avec une femme » (un maire lors d’une cérémonie de mariage) ; « Mariage pour tous, cela veut dire que je pourrai me marier avec mon chien » (un professeur en classe préparatoire) ; « Si j’avais un fusil, je les tuerais, les PD, leur tirant une balle entre les deux yeux. Ces saloperies, c’est dommage qu’Hitler ne les ait pas tous tués » (un homme faisant la queue dans un commerce). Il peut s’agir d’attaques personnelles, mais aussi de paroles lancées à la cantonade. « Des propos qui ne concernent pas directement une personne peuvent la perturber considérablement », souligne M. Roszéwitch.
 
Les récits d’agression sont également saisissants. Grégory, 38 ans, a été suivi par des hommes en rentrant de ses courses. « On veut voir ton string », lui ont-ils lancé avant de lui jeter des pierres et de le frapper. Grégory a eu 21 jours d’interruption de travail. « Vous êtes deux grosses gouinasses, vous vous envoyez en l’air sur le banc depuis tout à l’heure, c’est indécent ! » Gifles et coups de pied ont plu sur Léa et Christelle, en vacances en Normandie, de la part du maire d’un village de la région… Dans le cas des agressions, M. Roszéwitch estime que l’homophobie véhiculée par des personnalités publiques a pu donner un sentiment de « légitimité » aux agresseurs.
 
L’homosexualité et l’homoparentalité ont été pendant plusieurs mois au coeur des propos publics et des conversations privées. L’homophobie a surgi parfois à la grande surprise des homosexuels, qui pensaient l’acceptation de la société plus grande. « Je ne sais pas pourquoi ils nous font chier avec leur mariage, ils ont le pacs, c’est déjà très bien », a ainsi entendu François à la machine à café de son entreprise.
 
RETOUR EN ARRIÈRE
 
Le soir de la mobilisation de La Manif pour tous du 26 mai, Eric a reçu une photo de ses parents aux côtés de Frigide Barjot. Julien, qui n’entendait plus de propos homophobes dans sa famille depuis quelque temps, s’est entendu dire à un repas de famille : « Les homosexuels ont tous un problème, sauf toi »… Des propos qui ont pu être vécus comme un retour en arrière.
 
Internet est le principal lieu d’expression de l’homophobie. Twitter vient en premier avec les hashtags #LesGaysDoivent DisparaitreCar, #UnGaymort, ou encore #TeamHomophobe, qui ont fédéré injures et appels au meurtre. Viennent ensuite Facebook et les commentaires non modérés des journaux. Les lieux publics, le lieu de travail, la famille, les commerces : tous les contextes où peut s’exprimer l’homophobie sont touchés par l’augmentation.
 
SOS homophobie voit avec satisfaction la courbe des appels retrouver aujourd’hui des niveaux conformes à 2012. « Cette année restera exceptionnelle à tous points de vue, veut croire M. Roszéwitch. On espère une évolution des mentalités sur le long terme. »
 
Le mariage pour tous faisant moins l’actualité, les propos publics relatifs à l’homosexualité ont baissé en intensité – même si Christine Boutin a par exemple récemment déclaré que l’homosexualité est une « abomination ». L’abandon par le gouvernement de l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux lesbiennes devrait également calmer les esprits, au moins provisoirement.