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 d’ADHEOS

Peut-on sans risque poser la question de l’instrumentalisation des luttes contre l’homophobie et la transphobie par l’extrême-droite ?
 
Je dépublie ce jour un billet « Extrême-droite, islamophobie et homophobie ». J’en assume chaque phrase. Ce texte circulera par d’autres voies. Mais je ne veux pas exposer Mediapart aux actions judiciaires éventuelles du président de l’Amicale des Jeunes du Refuge, Mehdi Aifa, qui, avant de menacer de poursuites le média qui m’en a averti, m’a souhaité de mourir et s’en est pris à mon fils, qualifié de « joujou exotique ».
 
Dans ce texte retiré de Mediapart, j’analyse sa dernière tribune pour le magazine d’extrême-droite Valeurs Actuelles à l’occasion du début du Ramadan, comme symptôme de la rhétorique anti-musulman. J’en relève les ressorts islamophobes. Je rappelle que le statut de son auteur, gay et racisé, peut surprendre quand on connait la ligne politique du magazine, mais que l’instrumentalisation par l’extrême-droite des minorités est courante. Je rappelle ses propos sur les musulman-es ou les immigré-es.
 
Dans mon texte, je questionne aussi le statut de « militant LGBT » que lui a accordé Valeurs Actuelles : d’une part, en citant les propos problématiques de Mehdi Aifa à l’égard des hommes trans ; d’autre part, en m’étonnant de son silence sur le sujet qui touche indirectement à l’objet de l’association* qu’il préside, l’hébergement de jeunes homos ou trans victimes de violences intra-familiales. Ce silence est d’autant plus étonnant que le confinement a rendu cette question criante. Le président de l’Amicale des jeunes du Refuge n’a pas consacré son exposition médiatique et sa visibilité sur les réseaux sociaux à faire avancer le sujet.
 
A la suite de la publication de mon billet, Mehdi Aifa a donc souhaité ma mort et s’en est aussi pris à mon fils, réduit dans un autre tweet à son statut de migrant. Avant la publication de ce billet, il avait déjà eu recours à des ressorts âgistes, après avoir ri du fait que j’avais été agressé sur mon lieu de travail.
 
De mon côté, comme je l’écris dans le texte dépublié en rappelant le harcèlement homophobe, raciste ou grossophobe dont il est l’objet : « Les attaques dont il est la cible doivent être dénoncées, […] La dignité humaine doit être défendue tout le temps. ». Ma position sur le sujet n’a pas changé.
 
L’enjeu ici n’est donc pas inter-personnel. Il porte bien sur l’agenda de l’extrême-droite et son appropriation des luttes contre les homophobie et transphobie. Il porte bien sur les moyens que nous nous donnons de la dénoncer.
 
Il porte aussi sur le monde associatif. Personnalité publique, le contributeur de Valeurs Actuelles est un des visages du Refuge, association subventionnée et bénéficiant de dons privés au nom de valeurs contredites par le président de l’Amicale, qui apparaît pourtant dans un spot vidéo de soutien à cette association, qui passait encore à la télévision pendant le confinement. Il est président d’une association dont l’objet est la convivialité et le soutien apporté à des jeunes exclu-es parce qu’homos, bi, trans, intersexe ou queers. Parmi ces jeunes, on compte des personnes trans, des musulman-es et des migrant-es.
 
Il est donc légitime d’interroger les préjugés qu’un responsable associatif exprime publiquement contre les personnes trans, les migrant-es ou les musulman-es. Les financeurs du Refuge, les structures qui orientent des jeunes vers cette association doivent avoir l’assurance que de tels préjugés n’ont pas d’impact sur la prise en charge de ces jeunes par le son Amicale.
 
Au-delà de cette exigence légitime envers ce militant, l’instrumentalisation par l’extrême-droite de nos combats devrait être au cœur des préoccupations de toutes les associations et organisations travaillant sur ces questions.
 
Posons le débat, malgré les insultes et les menaces judiciaires. 
 
* Dans les statuts disponibles publiés en 2014, il est indiqué que l’assoc vise à « offrir un lieu d’échanges et d’entraide aux jeunes qui ont été accompagnés par les différentes délégations et antennes de l’association nationale le Refuge; apporter également des conseils aux jeunes actuellement sur liste d’attente pour intégrer l’un des dispositifs d’hébergementet d’accompagnement psychologique et social gérés par l’association nationalele Refuge ».