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 d’ADHEOS

La majorité conservatrice à la Cour suprême américaine a semblé réceptive, lundi, aux arguments d’une créatrice de sites Internet qui refuse d’en concevoir pour des mariages homosexuels car elle ne veut pas “promouvoir des idées contraires à sa foi.”

La Cour suprême des États-Unis a semblé pencher, lundi 5 décembre, en faveur d’une créatrice de site Internet qui refuse d’en concevoir pour des mariages homosexuels au nom de sa liberté d’expression et de sa foi chrétienne.

“Pour la première fois de son histoire”, la Cour pourrait autoriser une entreprise “à refuser de servir un client sur des critères raciaux, de sexe, ou de religion”, a relevé avec émoi la juge Sonia Sotomayor.

Avec ses deux consœurs progressistes, la magistrate a mis en garde pendant l’audience contre un tel arrêt, susceptible selon elles d’ouvrir la porte à des discriminations en tout genre.

Mais les six juges conservateurs de la Cour ont semblé davantage réceptifs aux arguments de Lorie Smith, la patronne de l’entreprise “303 creative” située dans le Colorado. “Je veux créer des sites uniques pour célébrer la beauté du mariage entre un homme et une femme”, a-t-elle déclaré depuis les marches de la Cour. Mais “le Colorado essaie de me forcer à (…) promouvoir des idées contraires à ma foi.”

Cet État de l’Ouest américain interdit depuis 2008 aux commerçants de discriminer leurs clients sur la base de leur orientation sexuelle, sous peine d’amende. Lorie Smith n’a pas été sollicitée par un couple gay, ni poursuivie par les autorités, mais elle a porté plainte contre la loi à titre préventif. Après avoir perdu devant une cour d’appel, elle s’est tournée vers la Cour suprême.

Gâteau

Ce n’est pas la première fois que la haute juridiction, qui a reconnu le droit au mariage entre personnes de même sexe en 2015, est appelée à arbitrer entre les minorités sexuelles et des commerçants chrétiens. En 2018, elle avait donné raison à un pâtissier qui refusait de faire un gâteau de mariage pour un couple gay. Mais elle avait fondé sa décision sur des motifs annexes sans édicter de grands principes.

Depuis, Donald Trump a consolidé sa majorité conservatrice et la Cour pourrait rendre, d’ici au 30 juin, un arrêt à la portée plus large. La Maison Blanche l’a appelée à la retenue. “Il n’y a aucune raison de changer l’équilibre” actuel, a déclaré sa porte-parole Karine Jean-Pierre lors d’un point-presse. L’administration démocrate pense que tous les Américains “ont le droit à un accès égal à la société, ce qui implique aux produits et aux services” en vente dans le pays, a-t-elle ajouté.

Liberté d’expression

Pendant l’audience, l’avocate de Lorie Smith a soutenu qu’il ne s’agissait pas de discrimination homophobe, mais de défendre la liberté d’expression d’une “artiste”. “Mme Smith a des clients LGBT”, a plaidé Kristen Waggoner, par ailleurs présidente du groupe juridique chrétien “Alliance Defending Freedom”. Mais elle ne veut pas être contrainte à “transmettre un message” contraire à ses valeurs.

La loi ne porte pas sur le contenu des produits, mais oblige à les offrir à tous les clients, a rétorqué l’avocat du Colorado, Eric Olson. Pour lui, Lorie Smith pourrait très bien décorer ses sites web avec des messages bibliques sur le mariage “entre un homme et une femme”, mais ne peut pas refuser de les vendre à des couples homosexuels.

La juge conservatrice Amy Coney Barrett n’a pas été convaincue. Lorie Smith refuse de produire des sites de mariage pour des hétérosexuels divorcés ou ayant commis des adultères donc “c’est le message, pas l’orientation sexuelle du couple qui compte”, a déclaré la magistrate.

“Mariages interraciaux”

Son confrère Samuel Alito a pour sa part défendu “les gens honorables qui s’opposent au mariage entre personnes de même sexe”, refusant de les comparer à ceux qui s’opposaient dans le passé au mariage entre Américains noirs et blancs.

“Historiquement, l’opposition aux mariages interraciaux et à l’intégration a souvent été justifiée par des principes religieux”, a rétorqué la juge afro-américaine Ketanji Brown Jackson. Et de demander si un photographe de centre commercial, soucieux de recréer l’ambiance des années 50, pourrait être autorisé à refuser d’asseoir des enfants noirs sur les genoux du Père Noël ?

“Et si quelqu’un pense que des personnes handicapées ne doivent pas se marier ? Où est la limite ?” a renchéri Sonia Sotomayor.

“Les coiffeurs, jardiniers, plombiers (…) ne peuvent pas invoquer le premier Amendement pour décliner les mariages gays, mais c’est différent pour les artistes”, a répondu conciliant le juge conservateur Brett Kavanaugh. Pour lui, la Cour pourrait donc se contenter de répondre à une question limitée : “Les concepteurs de sites sont-ils comme des restaurateurs ou des éditeurs ?”