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 d’ADHEOS

Evie et Gia font figure d’exception en Roumanie : elles ont pu célébrer une union interdite, avec l’espoir de faire évoluer les mentalités dans un pays qui envisage de durcir la législation contre les personnes LGBT+.

Quand Evie, une femme transgenre vivant à Bucarest, s’est présentée à la mairie avec sa compagne pour déposer une demande, munie de ses documents d’identité la présentant comme un homme, elle s’est heurtée à « une certaine résistance ».

« Ils m’ont regardée bizarrement et ont dit qu’ils allaient devoir procéder à des vérifications. J’avais l’impression d’être une délinquante ! », raconte-t-elle à l’AFP.

Puis « ils ont demandé que je vienne habillée selon le genre inscrit sur mes papiers d’identité, ce que j’ai rejeté », explique cette développeuse informatique de 38 ans, qui préfère ne pas révéler son nom de famille par peur de subir des attaques.

Le jour J, « on a d’abord essuyé un refus, puis après un débat de 20 minutes », la cérémonie a pu se dérouler, immortalisée par des photos dans un premier temps déconseillées par l’officière d’état civil.

Depuis, Evie a reçu « de nombreux commentaires négatifs sur Facebook » mais salue « une vraie évolution » du côté des plus jeunes qui ont exprimé au couple lesbien leur soutien sur TikTok.

Son combat se poursuit : elle a porté plainte contre l’Etat roumain pour pouvoir officiellement changer son identité et attend une réponse du tribunal dans les prochains mois.

Loi « absurde »

À la traîne au sein de l’Union européenne (UE), la Roumanie, où l’homosexualité n’a été dépénalisée qu’au début des années 2000, n’autorise toujours ni le mariage ni l’union civile entre personnes de même sexe.

Et certains parlementaires veulent aller plus loin : le Sénat a adopté l’an dernier un texte destiné à empêcher « la promotion de l’homosexualité et du changement de sexe » auprès des mineurs, sur le modèle hongrois.

Pour faire force de loi, il lui faut l’aval de la Chambre des députés. Il ne figure pas pour l’heure à l’agenda de la nouvelle session.

Peut-être sera-t-il enterré mais « c’est vraiment angoissant », confie Evie qui craint des actes de « violence » homophobe si c’est le cas.

Ceux qui sont à l’origine du texte « parlent de propagande », s’insurge Gia, conseillère en développement personnel cisgenre de 35 ans. « C’est absurde ! Montrer des gens ne signifie pas que vous promouvez leur façon d’être ».

L’attention se focalise souvent sur la Pologne et la Hongrie, où les droits des LGBT+ sont ouvertement bafoués, souligne Katrin Hugendubel, une responsable de l’ONG ILGA-Europe qui réunit plus de 600 associations de 54 pays.

La Roumanie et la Bulgarie, pourtant dans le bas du classement de l’UE dressé par l’organisation, « sont souvent oubliées », déplore-t-elle.

Bataille Est-Ouest

Bucarest, sous forte influence de l’Eglise orthodoxe, a durci ces dernières années sa position envers la communauté LGBT+ : avant ce projet de loi, le pays a voulu interdire les études de genre et graver dans la Constitution l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe.

« C’est une bataille constante », déplore le groupe Accept. « Il est triste de penser qu’au XXIe siècle, certains dans la classe politique nous considèrent encore comme une menace », confie son directeur Florin Buhuceanu.

C’est le parti de la minorité hongroise (UDMR), membre de la coalition gouvernementale, qui est à l’initiative du nouveau texte.

« Nous disons que l’enfant ne doit pas être exposé aux contenus » promouvant l’homosexualité, résume auprès de l’AFP le député Zoltan Zakarias, réfutant « toute atteinte aux libertés ».

« L’éducation sexuelle appartient aux parents (…) et au moment où la personne atteint l’âge de décider, elle fait ce qu’elle veut », insiste-t-il.

En réalité, ce genre de lois s’inscrit dans une tendance plus profonde de rupture avec l’Ouest, particulièrement prégnante dans la Hongrie voisine de Viktor Orban.

L’objectif est de défendre « un modèle hétéro-national » face à un Occident décadent, « trop libéral et tolérant », décrypte Hadley Renkin, anthropologue qui enseigne à l’université CEU de Vienne.

Lueur d’espoir pour la communauté LGBT+ dans la région : malgré des réticences et un référendum pour entraver le processus, la Slovénie est devenue en octobre le premier pays ex-communiste à autoriser le mariage entre personnes de même sexe et l’adoption.

 

SOURCE : euractiv