La loi durcissant les poursuites contre les homosexuels en Ouganda a finalement été votée une seconde fois, mardi, par le Parlement. Sous les pressions internationales, le président Yoweri Museveni avait dans un premier temps refusé de la signer. Malgré quelques modifications, les mesures les plus critiquées par les défenseurs des droits humains figurent toujours dans le texte.
Une posture de façade ? Les menaces économiques de la Maison Blanche sur le président ougandais n’auront finalement pas eu beaucoup d’effet. La loi anti-LGBT+, qualifiée en mars de “texte discriminatoire, probablement le pire au monde en son genre” par le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Volker Türk, maintient ses mesures les plus sévères dans sa version amendée, votée par le Parlement de l’Ouganda mardi 2 mai.
Dans sa nouvelle version, le texte conserve de lourdes peines pour les relations homosexuelles et la “promotion” de l’homosexualité.
Le président Yoweri Museveni avait refusé de signer la première version, après son adoption par les députés ougandais le 21 mars, face aux “nombreuses pressions des partenaires occidentaux du pays, notamment celle des États-Unis qui mena[çaient] de suspendre un programme de traitement du Sida et du VIH, financé à hauteur de 400 millions de dollars”. Cette fois, en revanche, le chef de l’État a déjà annoncé qu’il validerait le nouveau projet s’il l’estime “correctement modifié”, indique le correspondant régional de France 24 Clément Di Roma.
Parmi les modifications exigées, le président avait enjoint les législateurs ougandais à préciser que le “fait d’être homosexuel” n’était pas un crime mais que seules les relations sexuelles l’étaient.
Peine de mort maintenue en cas de récidive
Dans ce pays où l’homosexualité est illégale, les “actes d’homosexualité” restent passibles de prison à perpétuité. Cette peine existe depuis une loi datant de la colonisation britannique.
“Le simple fait de s’identifier comme membre de la communauté LGBT+ n’est certes plus sanctionné dans ce nouveau projet mais les lignes dures restent, comme la peine de mort qui s’applique dans certains cas, comme pour ce que les députés appellent ‘des actes homosexuels aggravés’ [récidive, NDLR] ou encore 20 ans de prison censés punir la promotion de l’homosexualité, ce qui pourrait pénaliser les associations de défense des LGBT+”, estime Clément Di Roma.
Les parlementaires ont maintenu, contre l’avis du chef de l’État, la disposition faisant de “l’homosexualité aggravée” un crime capital, ce qui signifie que les récidivistes pourront être condamnés à mort, même si la peine capitale n’est plus appliquée dans les faits depuis des années.
Pour Alexandre Marcel, du comité Idaho, une ONG internationale qui organise des actions contre l’homophobie, la suppression d’une partie des mesures constitue malgré tout une avancée. “Pour que le crime soit reconnu, explique-t-il, il faudra qu’il y ait flagrant délit de l’acte sexuel. Or, les flagrants délits en matière d’homosexualité sont rares dans les pays où cette criminalisation est appliquée, comme au Cameroun“.
Avec ce type de loi, prévient-il toutefois, les personnes LGBT+ sont susceptibles de faire l’objet de chantage : “Souvent, elles sont victimes d’escroquerie. Elles rencontrent des personnes malveillantes sur les réseaux sociaux qui prennent des photos intimes ou volent leur téléphone et finissent par les faire chanter”.
Dans un appel à paraître co-signé par d’autres associations de défense des droits des personnes LGBT+, le comité Idaho appelle à un moratoire sur les lois criminalisant l’homosexualité partout dans le monde.
Risque sanitaire pour les personnes LGBT+
Autre disposition rabotée par les députés à la demande de Yoweri Museveni : la mesure sur “le devoir de signaler les actes d’homosexualité” qui, selon le président présentait “des défis constitutionnels et pourrait être une source de conflits dans la société”.
En revanche, les parlementaires ont validé la criminalisation de la “promotion” de l’homosexualité, autre mesure décriée par la communauté internationale. Selon le texte, quiconque – particulier ou organisation – “promeut sciemment l’homosexualité” encourt jusqu’à 20 ans de prison. S’il s’agit d’une organisation, elle risque dix ans d’interdiction.
“Il y a une contradiction parce que la législation dit qu’on peut être gay mais qu’il ne faut rien dire à ce sujet”, s’inquiète Frank Mugisha, directeur exécutif de Sexual Minorities Uganda, une organisation de défense des droits des homosexuels dont les activités ont été suspendues par les autorités ougandaises l’année dernière. Le vote unanime du texte “montre à quel point les députés sont extrêmes et homophobes et met les personnes LGBT+ encore plus en danger”, alerte-t-il.
Cette disposition “met la vie des personnes LGBT+ en danger”, abonde Alexandre Marcel. “Les organisations d’aide vont avoir encore plus de mal à atteindre les populations clefs, susceptibles d’attraper les maladies sexuellement transmissibles. Dans les pays qui criminalisent l’homosexualité, très peu de LGBT+ vont se faire dépister par peur d’être découverts. Or, moins de personnes dépistées, c’est moins de personnes soignées, cela fait courir un risque sanitaire pour ces personnes”.
Popularité de la loi anti-homosexualité
L’homophobie est répandue en Ouganda, comme à travers le reste de l’Afrique de l’Est. S’il n’y a pas eu de poursuite pour des actes homosexuels ces dernières années, harcèlement et intimidations sont le quotidien des homosexuels dans ce pays, où s’est développé un christianisme évangélique particulièrement véhément à l’égard du mouvement LGBT+.
“Un seul député présent a voté contre le projet de loi. Il a été adopté en seulement quelques heures alors que cela prend habituellement 45 jours. C’est dire la popularité de texte anti-homosexualité auprès des Ougandais et de leurs représentants”, souligne Clément Di Roma.
Force est de constater que les réactions d’opposition ont été rares dans le pays dirigé d’une main de fer depuis 1986 par Yoweri Museveni, où la répression contre la société civile, avocats et militants s’est accrue ces dernières années, selon de nombreuses organisations de défense des droits humains.
SOURCE:france24.com